Diplomatie mondiale : de l’art de devenir un pays africain influent
Quelle place pour le continent en 2024 dans les relations internationales ? Dans un monde fragmenté par des tensions diverses, la survie des États africains dépendra de leur capacité collective à créer, chacun chez soi, les conditions d’un réel développement social.
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Amadou Sadjo Barry
Philosophe et chercheur en éthique des relations internationales.
Publié le 28 décembre 2023 Lecture : 3 minutes.
L’année 2023 s’achève sur la persistance des crises multiformes et des guerres, qui fragilisent les rapports entre les peuples et installent les relations internationales dans une longue et intense turbulence. Pour les pays les plus vulnérables – la majorité des pays africains en font partie – se posent non seulement la question de leur place, mais aussi celle de leur survie dans un monde global où la nécessaire coopération internationale le dispute au maintien de la domination et de la violence comme moyens de défendre les intérêts des États.
Attractivité handicapante
La question de la place et de la survie des pays africains dans les relations internationales n’est pas nouvelle. Si elle se pose en 2024, c’est parce que le continent ne dispose pas encore de pôles de pouvoir et de puissance capables d’influencer le fonctionnement du système international, et ce, malgré les discours sur son attractivité économique, le potentiel de ses ressources naturelles et de ses populations, et le narratif galvaudé de la résilience de ses sociétés. Il est vrai que le positionnement politique et économique sur la scène internationale varie d’un pays africain à l’autre, que des différences de politique étrangère s’observent en raison de la situation géographique, de l’histoire, de la culture et du régime politique de chacun.
Toutefois, les pays, pris dans leur diversité, sont moins des entités politiques et économiques influentes que des espaces de luttes d’influence entre des acteurs extérieurs. Et dans beaucoup de cas, principalement en Afrique subsaharienne, l’attractivité est désormais plus un handicap qu’une opportunité d’affirmation de la puissance. Ce que certains ont appelé la malédiction des ressources naturelles est en réalité la conséquence d’une inhibition des potentialités qui permettent de constituer une puissance publique au service d’un intérêt national bien défini.
Or, le pouvoir d’influence va de pair avec la constitution d’une puissance publique au niveau national, qui se manifeste dans l’organisation politique et le développement social, économique, scientifique et militaire d’un pays. Autrement dit, la position d’un pays dans les relations de pouvoir au niveau international est fonction de ses capacités au niveau national, du pouvoir constitué : le système international ne donne aucun pouvoir, mais c’est le pouvoir des États qui fait le système international.
Recréer les capacités endogènes
Donc, pour les pays africains, relever le défi d’un monde instable et fragmenté nécessitera de se focaliser sur les dynamiques nationales, à savoir la création des capacités endogènes, leur mise en valeur et leur transformation en leviers d’influence. La force des diplomaties africaines dépendra pour beaucoup de leur puissance nationale et des décisions stratégiques qui en découleront. Cette puissance nationale ne peut se constituer sans une relation « transformative » avec les éléments sous-jacents du pouvoir : les ressources humaines, les ressources naturelles, la démographie, la culture, le savoir et les connaissances, la position géographique et le réseau d’alliances.
Être le continent le plus jeune du monde, avoir la plus grande zone de libre-échange du monde et disposer d’un marché de 1,2 milliard de personnes, avoir des ressources naturelles critiques pour la transition énergétique et le développement de la filière numérique, au fond disposer des déterminants de la puissance ne suffit pas. Ce qui fait la différence, ce sont l’organisation politique de la société, les valeurs, l’efficacité des pouvoirs publics et la doctrine de la politique étrangère ; c’est, autrement dit, la capacité collective à créer et recréer les conditions du développement social.
C’est l’expression de cette capacité collective sous la forme d’une souveraineté politique, économique, scientifique et militaire qui permettra de jeter les bases d’une diplomatie à la mesure de la fragmentation de notre monde, une diplomatie qui refuse l’alignement derrière un camp, mais qui fraie le chemin vers l’émergence d’un pôle de puissance en Afrique. Il reste à savoir quel pays africain serait prêt à oser la puissance et à prendre le leadership pour y parvenir, avec une détermination sublimée par une intelligence des nouvelles dynamiques de pouvoir à l’échelle mondiale.
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