Loi immigration en France : les mesures clés d’un accord controversé

Le projet de loi immigration, voté le 19 décembre 2023 au Sénat et à l’Assemblée nationale, a été fustigé par la gauche et salué par l’extrême droite. Une source de malaise au sein de la majorité.

Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, à l’Assemblée nationale, le 26 septembre 2023. © Xose Bouzas/Hans Lucas/AFP

Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur, à l’Assemblée nationale, le 26 septembre 2023. © Xose Bouzas/Hans Lucas/AFP

Publié le 20 décembre 2023 Lecture : 3 minutes.

Après de longues tractations, les sept députés et sept sénateurs de la commission mixte paritaire sont parvenus à un accord sur le projet de loi immigration, mardi 19 décembre. Une version durcie par rapport au texte d’origine, dont voici les principales mesures.

Prestations sociales

La question d’une durée minimale de résidence en France pour que les étrangers non européens en situation régulière puissent toucher des prestations sociales a failli faire capoter les tractations. Alors que la droite réclamait un délai de cinq ans pour ouvrir le droit à une large liste de prestations « non contributives », le compromis scellé mardi est basé sur une distinction entre les étrangers selon qu’ils sont ou pas « en situation d’emploi ».

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Pour certaines prestations sociales, un délai de cinq ans est ainsi prévu pour ceux qui ne travaillent pas, et de trente mois pour les autres. Pour l’accès à l’aide personnalisée au logement (APL), qui constituait le principal point d’achoppement, une condition de durée de résidence est fixée à cinq ans pour ceux qui ne travaillent pas, et à trois mois pour ceux en situation d’emploi.

Ces nouvelles restrictions ne s’appliquent pas aux étudiants étrangers, ni aux réfugiés ou aux titulaires d’une carte de résident.

Régularisation des travailleurs sans-papiers

Le camp présidentiel s’est résigné à une version plus restrictive que celle du projet de loi initial, en donnant aux préfets un pouvoir discrétionnaire de régularisation des travailleurs sans-papiers dans les métiers dits en tension.

Il s’agira d’un titre de séjour d’un an, délivré au cas par cas, à condition d’avoir résidé en France pendant au moins trois ans et exercé une activité salariée durant au moins douze mois sur les 24 derniers. Cette « expérimentation » ne s’appliquera que jusqu’à fin 2026.

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Le gouvernement n’a eu gain de cause que sur un point : la possibilité pour un travailleur sans-papiers de demander ce titre de séjour sans l’aval de son employeur.

Quotas migratoires

L’instauration de « quotas » fixés par le Parlement pour plafonner « pour les trois années à venir » le nombre d’étrangers admis sur le territoire (hors demandeurs d’asile) est considérée comme inconstitutionnelle par le camp présidentiel. Mais ce dernier a quand même accepté d’intégrer cette mesure, ainsi que la tenue d’un débat annuel sur l’immigration au Parlement.

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Déchéance de nationalité, droit du sol

La majorité présidentielle a également fini par donner son accord à la déchéance de nationalité pour les binationaux condamnés pour homicide volontaire contre toute personne dépositaire de l’autorité publique.

Concernant le droit du sol, elle a concédé la fin de l’automaticité de l’obtention de la nationalité française à la majorité pour les personnes nées en France de parents étrangers : il faudra désormais qu’elles en fassent la demande entre leur 16 et 18 ans.

Autre restriction obtenue par la droite : en cas de condamnation pour crime, toute naturalisation d’une personne étrangère née en France deviendrait impossible.

Délit de séjour irrégulier

Le rétablissement du « délit de séjour irrégulier » était qualifié d’inutile par le camp présidentiel, mais la mesure, assortie d’une peine d’amende sans emprisonnement, a été retenue.

Centres de rétention administratifs

Malgré les réticences de la droite, l’interdiction de placer des étrangers mineurs en rétention figure dans le compromis final.

Regroupement familial

Le durcissement des conditions du regroupement familial voté par le Sénat se retrouve pour l’essentiel dans le texte final, avec notamment une durée de séjour du demandeur portée à vingt-quatre mois (contre dix-huit), la nécessité de ressources « stables, régulières et suffisantes » et de disposer d’une assurance maladie, ainsi qu’un âge minimal du conjoint de 21 ans (et non plus 18).

Caution étudiants

La droite a obtenu l’instauration, sauf dans certains cas particuliers, d’une caution à déposer par les étrangers demandant un titre de séjour « étudiant », visant à couvrir le coût d’éventuels « frais d’éloignement ». Les macronistes avaient pourtant combattu cette mesure qui constituait à leurs yeux « une rupture d’égalité » entre étudiants et risquait de fragiliser les étudiants internationaux.

Aide médicale d’État

La suppression de l’aide médicale d’État, destinée à permettre l’accès aux soins des personnes en situation irrégulière, était l’un des principaux chevaux de bataille de la droite. Elle a accepté d’y renoncer, moyennant la promesse d’une réforme du dispositif début 2024.

Le texte du projet de loi comprend en revanche une restriction de l’accès au titre de séjour « étranger malade ». Sauf exception, il ne pourra être accordé que s’il n’y a pas de « traitement approprié » dans le pays d’origine. Une prise en charge par l’Assurance maladie sera par ailleurs exclue si le demandeur a des ressources jugées suffisantes.

(Avec AFP)

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