De g. à dr. : Samir Kassir, Talal Salmane, Shireen Abou Akleh, Mohamed Hassnein Heikal. Montage JA. © AP/SIPA – DR
De g. à dr. : Samir Kassir, Talal Salmane, Shireen Abou Akleh, Mohamed Hassnein Heikal. Montage JA. © AP/SIPA – DR

Les grandes voix du journalisme arabe

Des figures tutélaires stars de la période post-indépendance aux envoyés spéciaux des chaînes d’information, les journalistes d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient ont souvent su acquérir une audience dépassant largement les frontières de leur pays d’origine. Si le panarabisme politique reste un rêve, celui des médias existe bel et bien.

Publié le 29 décembre 2023 Lecture : 3 minutes.

De g. à dr. : Samir Kassir, Talal Salmane, Shireen Abou Akleh, Mohamed Hassnein Heikal. Montage JA. © AP/SIPA – DR
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Les grandes voix du journalisme arabe

Des figures tutélaires stars de la période post-indépendance aux envoyés spéciaux des chaînes d’information, les journalistes d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient ont souvent su acquérir une audience dépassant largement les frontières de leur pays d’origine. Si le panarabisme politique reste un rêve, celui des médias existe bel et bien.

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Depuis le déclenchement de la guerre de Gaza, en octobre 2023, près de 70 journalistes ont perdu la vie en accomplissant leur travail. Parfois le gilet presse n’est plus une protection mais semble se transformer en cible. Certains membres de la profession sont devenus des symboles, comme le chef du bureau d’Al Jazeera dans l’enclave palestinienne, Wael Al-Dahdouh, qui a appris en direct le décès de plusieurs membres de sa famille dans une frappe aérienne et n’en a pas moins poursuivi sa mission, même quand il a été à son tour blessé à Khan Younès dans le sud de la bande de Gaza, le 18 décembre.

« Les journalistes palestiniens ont conscience que, dans les conditions difficiles actuelles, ils sont plus que jamais la voix des leurs, leur tâche devient dès lors un sacerdoce », commente un ancien journaliste tunisien à Al-Hayat. Ils seraient aussi les symboles d’une résistance, celle qui a accompagné le journaliste libanais défenseur de la cause palestinienne Samir Kassir à sa dernière demeure en 2005, et qui a porté à bout de bras et de slogans le cercueil de la journaliste d’Al Jazeera Shireen Abou Akleh, morte en cours de reportage en mai 2022 comme on dirait morte au combat.

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Leurs noms font désormais partie d’une sorte de panthéon des journalistes arabes qui ont marqué par leurs écrits, leurs analyses et leur érudition la presse du Moyen-Orient. Shireen et Samir, enfants des médias du XXIe siècle, ont rejoint les vétérans Mohamed Hassanein Heikal, rédacteur en chef d’Al Ahram, ou Talal Salmane, fondateur d’As-Safir, qui ont émergé aux indépendances sur fond de souveraineté retrouvée. Adossés à des tirages confortables, ceux-là ont été des figures phares, parfois critiques, rarement complaisants, qui ont porté les débats en place publique et fait des émules.

Le journaliste tunisien Mondher Bedhiafi nuance : « La presse arabe n’a pas évolué du fait de la mainmise du pouvoir, qui confond médias publics et médias gouvernementaux, les grands journalistes ont souvent été des figures en vue parce qu’ils évoluaient justement dans le sérail et étaient la voix d’un régime. » Il s’interroge : « Sans Gamal Abdel Nasser, y aurait-il eu un Mohamed Hassanein Heikal ? »

La cause palestinienne

Mais tous, toutes générations confondues, ont eu l’opportunité d’être lus ou vus par des millions de lecteurs ou téléspectateurs, leur force étant d’être compris par des millions de locuteurs arabophones et de ne pas être cantonnés à traiter les informations locales. Les Arabes ont échoué à imaginer un panarabisme politique mais ils ont créé de facto des médias panarabes. Une langue unique pour une diversité de peuples a aussi permis, via la presse relayée ensuite par la télévision, de vulgariser la cause palestinienne, qui a fédéré autour des idées d’occupation, de spoliation et d’injustice.

La cause palestinienne a été tellement marquante et importante qu’elle a mis en rivalité, dans le virage des années 1970, deux familles de la presse arabe : l’égyptienne et la libanaise. Chacune a fait école, chacune a produit jusqu’à se heurter, dans la dernière décennie, aux mêmes difficultés : le lecteur se fait rare, le papier devient cher et le numérique n’est pas toujours, en termes de contenu, aussi satisfaisant que le quotidien papier que l’on déplie dans un café, que l’on prête à son voisin, qui va ensuite circuler de table en table, former l’opinion et permettre aux uns et aux autres de socialiser et de discuter.

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Certaines traditions se perdent, Hamra n’est plus le creuset intellectuel de Beyrouth et le café Fichaoui au Caire est devenu un repaire à touristes. Certaines habitudes, comme celle de lire l’éditorial du vendredi sur Al Ahram, perdurent comme pour dire que la presse écrite survit.

La presse égyptienne comme libanaise a aussi changé de mains. D’abord détenue par ses fondateurs, qui étaient le plus souvent gens du métier, elle a ouvert son capital et est désormais aux mains des hommes d’affaires, de groupes souvent proches du pouvoir ou de partis politiques clés. Les chaînes panarabes ont évolué différemment : avec un modèle économiquement plus solide et rentable que celui des journaux nationaux, un recrutement panaché de diverses nationalités participe à une optimisation de l’audience et à la popularité de ces médias, notamment au Maghreb depuis l’introduction des chaînes satellitaires dans les années 1990, consolidée depuis le soulèvement des Printemps arabes de 2011 : l’accès à l’information dans les pays en révolution était difficile. Le succès des chaînes d’information ne se dément pas, si bien que des chaînes non arabes, comme France 24 ou Russia Today, ont également misé sur une version arabe.

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