La folle année 2023 de l’aérien en Afrique
Après trois années de morosité, le ciel africain s’est réveillé. Inaugurations, commandes, alliances… Retour sur les principaux événements de l’année, et sur ceux qui n’ont pas eu lieu.
Si, du point de vue financier, les compagnies africaines flirtent encore, pour la plupart, avec la ligne rouge, 2023 a signé le redécollage de l’activité, en particulier sur les mois de juillet at août.
• Commandes d’avions : le grand réveil
En 2022, Air Côte d’Ivoire et Ethiopian Airlines avaient été les seules compagnies africaines à passer des commandes auprès des constructeurs, pour un total de onze appareils. En 2023, l’heure est nettement plus à l’optimisme. Premier à dégainer, Air Algérie, qui a opté pour cinq A330-900, deux 350-1000 et huit Boeing 737 MAX 9.
Ethiopian Airlines a de son côté signé « le plus important achat de Boeing de l’Afrique » au Dubaï Air Show, avec la commande ferme de trente et un appareils (onze gros porteurs 787 Dreamliner et vingt monocouloirs de type 737 Max 8) et la pose d’options sur trente-six autres. Une commande déjà conséquente, complétée chez le concurrent Airbus par onze A350-900, avec possibilité d’en acquérir jusqu’à six de plus.
L’A350-900 a également conquis Egyptair, qui en a commandé dix exemplaires, ainsi qu’Air Mauritius, qui en acquerra un. Royal Air Maroc s’est quant à lui engagé sur deux long-courriers, des 787-9, un appareil également choisi par l’angolais TAAG, qui en a commandé deux. Enfin, le constructeur brésilien Embraer a enregistré au Nigeria une commande portant sur cinq appareils, émanant d’Air Peace.
• Congo Airways: une annonce qui fait pschitt
L’annonce était-elle trop belle ? En mars, un mémorandum d’entente signé à Kinshasa annonçait l’arrivée d’un investisseur providentiel, qui promettait d’injecter jusqu’à 1,2 milliard de dollars dans l’aérien congolais. Mais les échanges n’ont pas abouti, et la situation de Congo Airways, déjà très précaire, est allée de mal en pis, jusqu’à ce que la compagnie soit complètement clouée au sol en septembre. Une solution a bien été trouvée en novembre avec la location de deux Boeing 737-800 auprès d’un affréteur lituanien, mais elle n’est que provisoire. Quant à Air Congo, la nouvelle compagnie aérienne domestique appuyée par Ethiopian Airlines, elle se fait toujours attendre.
• Valse de dirigeants à la tête des compagnies africaines
Des nominations, des départs dans le top management des compagnies ont été enregistrées. En voici les grandes lignes. En Éthiopie, le départ surprise – et très politique – du président emblématique du conseil d’administration d’Ethiopian Airlines, Girma Wake, le 12 juin, et son remplacement par un militaire, le général Yilma Merdasa, a fait couler beaucoup d’encre, mais n’a pas débouché sur un remaniement total de l’état-major de la compagnie, dont Mesfin Tasew reste le directeur général.
En Angola, c’est en revanche à un double changement que le gouvernement a en revanche procédé début décembre, congédiant à la fois le directeur général, Eduardo Fairen, et la présidente du conseil d’administration, Ana Major, remplacés respectivement par Nelson Rodrigues de Oliveira et par António dos Santos Domingos.
À Madagascar, c’est la présidente de son conseil d’administration, Rinah Rakotomanga, qui a démissionné début novembre, en désaccord avec le choix du directeur général Thierry de Bailleul – appuyé par le gouvernement – de stopper provisoirement les vols long-courriers pour endiguer les pertes financières. Elle a été remplacée par son prédécesseur à ce poste, Mamy Rakotondraibe.
Enfin, Air Botswana accueille une nouvelle directrice générale, avec la nomination en décembre de Lulu Rasebotsa tandis que José Dubier a été nommé à la tête de Congo Airways par Félix Tshisekedi en juillet.
• Qatar Airways-Rwandair… du progrès mais toujours pas d’annonce
L’arrivée de Qatar Airways au capital de Rwandair, à hauteur de 49 %, finira-t-elle par arriver ? Trois années après l’annonce, la question mérite d’être posée, même si Yvonne Manzi Makolo, la directrice de Rwandair, continue à se montrer optimiste sur la question qui devrait aboutir « dans les prochains mois ».
En attendant, les deux compagnies coopèrent en tant que partenaires de partage de code et s’efforcent de dégager des synergies sur le fret : en mai, Qatar Airways a inauguré à Kigali son premier hub cargo hors du Qatar.
• À Luanda, un tout nouvel aéroport
Inauguré le 10 novembre, le nouvel aéroport de Luanda a accueilli le 20 décembre son premier vol commercial cargo. Ceux opérés, entre autres, par la multinationale DHL, Ethiopian Airlines et Sinotrans en partenariat avec Hull Blyth, doivent suivre, annonce le ministère angolais des Transports. Initialement prévu pour traiter 130 000 tonnes par an, l’aéroport Dr. Antonio-Agostinho-Neto, qui a coûté 3,8 milliards de dollars, a une capacité d’expansion allant jusqu’à 440 000 tonnes par an, poursuit la même source.
Il doit également accueillir jusqu’à 15 millions de passagers annuellement, l’activité passagers devant quant à elle déménager en février ou mars 2024 pour les vols intérieurs, et en juillet pour les vols internationaux, selon les informations de Jeune Afrique.
• Nigeria Air se fait attendre
Malgré les efforts de dernière minute de l’administration Buhari et la présentation in extremis d’un avion en livrée verte et blanche à l’aéroport d’Abuja fin mai, la nouvelle compagnie aérienne Nigeria Air n’a pas vu le jour. Ce projet, qui suscitait la colère des opérateurs déjà installés dans le pays, constituait l’une des promesses de campagne de l’ancien gouvernement. Il a été suspendu en septembre par Festus Keyamo, ministre de l’Aviation de Bola Tinubu.
• Un nouveau contrat-programme pour Royal Air Maroc
Sept ans qu’il était attendu : en mai, le chef du gouvernement marocain, Aziz Akhannouch, a avalisé un nouveau contrat-programme pour la RAM – le dernier datait de 2011. Cette feuille de route promet de multiplier la flotte par quatre (de cinquante à deux cents avions) d’ici à 2037, de desservir 143 destinations (contre 99 aujourd’hui) et de transporter 31,6 millions de passagers (contre 7,44 millions en 2019). Une montée en puissance qui devra être accompagnée par l’État, mais les montants en jeu n’ont pas été dévoilés pour l’heure.
• Coups d’État en série
Conflit armé au Soudan en avril, coup d’État au Niger en juillet et au Gabon en août. Quand la situation bascule, l’arrêt des dessertes aériennes est une conséquence immédiate. Elle dure plus ou moins longtemps selon les situations : quelques heures pour le Gabon, où le retour au calme a été immédiat, un peu plus d’un mois pour le Niger dont les nouvelles autorités craignaient l’extradition du président déchu Mohamed Bazoum et qui est toujours sous sanction de la Cedeao, et depuis lors pour le Soudan, dont le survol reste interdit et où l’aéroport de Khartoum est totalement détruit.
• Air France écarté du ciel sahélien
Interdiction de se poser à Ouagadougou et Bamako et même de survoler l’espace aérien nigérien. Pour Air France, longtemps seul opérateur intercontinental dans les aéroports sahéliens, la pilule est amère. Elle reflète l’évolution des relations bilatérales entre les juntes et l’ancienne puissance coloniale.
• Lomé s’invite au capital d’Asky
Six milliards de francs CFA (9,15 millions d’euros). C’est ce qu’a déboursé fin août l’État du Togo pour prendre une participation de 14,39 % au sein de la compagnie ouest-africaine Asky, où il a rejoint Ethiopian Airlines, la BOAD, la BIDC, Ecobank et des investisseurs privés.
• Certification Iosa : Air Sénégal obtient son sésame
Le 22 août, Air Sénégal a décroché sa certification Iosa, ce qui signifie que la compagnie a passé avec succès le programme d’audit de l’Association internationale des transporteurs aériens (IATA) sur la sûreté opérationnelle. Un « sésame » qui simplifie grandement les négociations internationales, notamment sur les partenariats commerciaux. Dans la foulée, la compagnie a ainsi pu conclure des accords de partage de code avec Royal Air Maroc et Air Côte d’Ivoire, et finalise des accords de continuation avec Air France, tout en poursuivant des discussions avec Delta, South African Airways ou encore Rwandair.
• Brazzaville au secours de Corsair, la surprise de dernière minute
L’État du Congo sera-t-il bientôt l’un des principaux actionnaires de Corsair ? Brazzaville figure en tout cas parmi les participants à l’offre ferme de 30 millions d’euros faite à la compagnie dans le cadre d’un plan de restructuration, alors que celle-ci est au bord du gouffre.
Encore en discussion, celui-ci n’est arrêté ni sur le montant engagé par le gouvernement (autour de 15 millions d’euros) ni sur la participation que cela lui octroierait au sein de la compagnie (de 30 % à 50 % selon les sources). Si Paris et Bruxelles, qui peuvent tout deux exercer un veto, valident ce plan, Brazzaville accompagnera au tour de table des collectivités française d’outre-mer et des investisseurs privés.
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