Dans « Éclosion », Ouerdia Ousmer donne la parole aux Algériennes invisibles

CES PODCASTEURS QUI AGITENT LE MAGHREB 3/3 – À 34 ans, Ouerdia Ousmer, originaire de Tizi Ouzou en Kabylie, veut faire entendre la voix des femmes algériennes après un triste constat : « Je me suis rendu compte qu’elles étaient assez invisibles médiatiquement. Même si elles ont une place importante dans notre société, on les entend peu parler. » « En parlant avec des jeunes et en leur demandant des références féminines, beaucoup citent des figures historiques de la libération nationale, ce qui est très bien, mais très peu ont des références contemporaines. L’idée était donc de leur montrer des parcours inspirants, plus actuels… », ajoute la communicante de profession, qui a cocréé en 2019 avec son amie Célia Belhadji le podcast Éclosion, dédié aux Algériennes.

Problématiques universelles

Entrepreneuses, artisanes, agricultrices, ingénieures ou fondatrices de start-up, toutes viennent raconter des parcours « semés d’embûches, de réussites et d’échecs », explique Ouerdia Ousmer, dont l’intention était d’éviter les profils édulcorés. Éclosion, qui en est à sa troisième saison, met en lumière divers parcours et histoires, aborde aussi bien les questions du droit des femmes, que les enjeux climatiques, la précarité du métier de freelance ou encore le parcours de femmes écrivaines.

« C’est un podcast bienveillant, mais qui doit aborder toutes les facettes d’une expérience et surtout inspirer les auditrices et les auditeurs. Il faut que l’on puisse s’identifier, les échecs sont donc tout aussi importants à raconter », ajoute la productrice, qui entend déjouer les idées reçues et être écoutée aussi bien par des hommes que des femmes.

« À travers les interviews, nous nous rendons compte que les problématiques des femmes ne sont pas liées seulement à la spécificité d’être une femme algérienne mais beaucoup plus à des problématiques universelles : le plafond de verre ou les problèmes administratifs que tout entrepreneur peut rencontrer. Ce que nous voulons, c’est pousser les gens – et surtout les femmes – à aller de l’avant », explique celle qui reste très attachée à  » changer les choses » en restant dans son pays.

Écosystème algérien

Après un cursus universitaire en Algérie, la jeune femme est partie étudier trois ans en France, à l’IAE Paris-Est Créteil. « Je ne suis pas partie par fuite, j’avais besoin de jauger mon niveau, de consolider mes acquis avant de véritablement faire mon entrée dans le monde professionnel. Rentrer au pays n’était ni un plan A ni un plan B mais un plan I, comme initial. »

À contre-courant des jeunes en quête d’un eldorado européen, Ouerdia veut participer à la construction d’un écosystème en Algérie « qui existe déjà », « nous le voyons à travers les profils très dynamiques de femmes que nous avons interviewées », souligne-t-elle.  Et de renchérir : « Si nous partons tous, comment les choses peuvent-elles évoluer ? » renchérit-elle. Même si le format du podcast n’est encore qu’à « ses balbutiements » dans le pays, selon ses mots.

« Ce n’est pas encore considéré comme un média à part entière, mais nous bénéficions d’une audience fidèle qui est restée à nos côtés même pendant l’interruption de deux ans liée au confinement et qui a répondu présente à la reprise d’Éclosion. » D’autant que le format représente une façon authentique de raconter des histoires, en contrepied de l’afflux d’images et de storytelling sur les réseaux sociaux, estime-t-elle. « Le podcast invite à l’écoute, à l’heure où nous sommes sur-sollicités par de multiples notifications et à une époque où le diktat de l’image est devenu un quasi-fléau », conclut la productrice.