À Gaza, le désespoir et la faim s’installent
Tandis que les négociations en vue d’une trêve patinent, l’ONU prédit des « conditions catastrophiques » pour la population qui manque de tout.
L’ONU a mis en garde contre un risque de famine dans la bande de Gaza, où se poursuivent vendredi 22 décembre les bombardements israéliens, pendant que le Conseil de sécurité tente de sortir de l’impasse pour voter une résolution permettant d’y accroître l’aide humanitaire. Israël et le mouvement islamiste palestinien Hamas, en guerre depuis le 7 octobre, ont réaffirmé le 21 décembre leurs conditions divergentes en vue d’une trêve humanitaire, au moment où les médiateurs multiplient leurs efforts pour parvenir à un compromis.
Les services des Nations unies continuent eux d’alerter sur la crise humanitaire dans laquelle s’enfonce la bande de Gaza. Environ la moitié de la population devrait se trouver dans la phase « d’urgence » – qui comprend une malnutrition aiguë très élevée et une surmortalité – d’ici le 7 février, selon un rapport du système de surveillance de la faim des Nations unies publié le 21 décembre.
Et « au moins une famille sur quatre », soit plus d’un demi-million de personnes, sera confrontée à la « phase 5 », c’est-à-dire à des conditions catastrophiques. « Nous avertissons depuis des semaines qu’avec de telles privations et destructions, chaque jour qui passe ne fera qu’apporter plus de faim, de maladie et de désespoir à la population de Gaza », a prévenu sur X (ex-Twitter) le chef des opérations humanitaires de l’ONU, Martin Griffiths. « La guerre doit cesser. »
85 % de la population gazaouie déplacée
Sur le terrain, aucun répit n’est en vue. Ce 22 décembre au matin, un bombardement israélien a fait cinq morts à Rafah (Sud), selon le ministère de la Santé du Hamas. L’armée israélienne assure avoir tué « plus de deux mille » terroristes dans la bande de Gaza depuis le 1er décembre. Jeudi, elle a bombardé intensément le territoire, avec 230 frappes en vingt-quatre heures, essentiellement concentrées sur le sud de l’enclave. L’une d’elles a notamment ciblé le côté palestinien du point de passage de Kerem Shalom, faisant quatre morts et interrompant les activités des agences onusiennes pour acheminer l’aide humanitaire via cette route, récemment rouverte par Israël.
« Il n’y a pas d’endroit sûr, tout a été bombardé et les gens ont vraiment peur », a confié Mahmoud el Mash’hid, un homme déplacé par le conflit à Khan Younès (Sud). Plus de deux mois de bombardements israéliens par air, mer et terre ont fait au moins vingt mille morts – majoritairement des femmes et des enfants – à Gaza selon le Hamas, détruit des quartiers entiers et déplacé 1,9 million de personnes, soit 85 % de la population, d’après l’ONU.
Israël a juré de détruire le mouvement islamiste palestinien, considéré comme une organisation terroriste par les États-Unis et l’Union européenne, après son attaque d’une ampleur et d’une violence sans précédent le 7 octobre. Cette attaque a fait environ 1 140 morts, en majorité des civils. Les commandos palestiniens ont en outre enlevé environ 250 personnes, dont 129 sont toujours retenues à Gaza, selon Israël.
Les efforts se poursuivent sur plusieurs fronts pour tenter de parvenir à une nouvelle trêve, après celle d’une semaine fin novembre qui avait permis la libération de 105 otages et de 240 Palestiniens détenus par Israël et l’acheminement de plus d’aides à Gaza.
Vers une deuxième trêve ?
Le chef du Hamas Ismaïl Haniyeh, installé à Doha, se trouve au Caire pour des entretiens avec le médiateur égyptien. Ziad al-Nakhala, le chef du Jihad islamique, un autre mouvement islamiste qui combat au côté du Hamas et détient aussi des otages, devrait s’y rendre dans les prochains jours.
Israël dialogue avec le Qatar et les États-Unis, deux autres médiateurs. Mais les positions des protagonistes restent très éloignées. Le Hamas pose comme préalable un arrêt des combats avant toute négociation sur les otages. Israël est ouvert à l’idée d’une trêve, mais exclut tout cessez-le-feu avant « l’élimination » du Hamas.
L’objectif israélien d’éliminer le mouvement est « voué à l’échec », a déclaré jeudi dans un enregistrement sonore Abou Obeida, le porte-parole de la branche armée du Hamas. Il a de nouveau conditionné la libération des otages à « l’arrêt de l’agression » d’Israël.
Un haut responsable israélien a fait état de son côté d’une « sorte de progrès » après « des rencontres avec les Qataris à deux reprises la semaine dernière ».
« Nous sommes prêts à négocier une nouvelle formule [pour] des libérations d’otages […] Nous aurons alors besoin d’une pause humanitaire comme la première [fin novembre]. Avant et après cela, nous restons engagés à réaliser notre objectif majeur, qui est de mettre fin à l’existence du Hamas », a-t-il dit sous le couvert de l’anonymat.
Depuis le 18 décembre, les membres du Conseil de sécurité de l’ONU multiplient les reports, faute de pouvoir s’accorder sur un texte capable d’échapper à un veto des États-Unis, qui ont déjà bloqué deux précédentes résolutions ces dernières semaines. Mais un nouveau texte édulcoré désormais au goût des Américains, qui ne voulaient pas d’un appel à une cessation des hostilités, pourrait être voté vendredi.
Signes de désespoir
En attendant, les souffrances perdurent et les proches d’otages tremblent pour eux. « C’est une roulette russe, nous nous réveillons chaque matin sans savoir quelle nouvelle nous allons recevoir », a expliqué jeudi à la presse Ella Ben Ami, dont la mère Raz a été libérée après cinquante-quatre jours de captivité mais le père, Ohad, reste retenu à Gaza.
Les destructions occasionnées par les combats ont réduit le système hospitalier de Gaza en lambeaux. Seuls neuf des trente-six hôpitaux du territoire fonctionnent encore en partie et tous se situent dans le sud du territoire palestinien assiégé, selon l’Organisation mondiale de la Santé (OMS). « Même dans les hôpitaux, des gens avec des fractures ouvertes et en sang nous demandent de la nourriture », a raconté jeudi Sean Casey, un employé de l’Organisation mondiale de la Santé, après s’être rendu dans deux hôpitaux de Gaza, Al-Shifa et Al-Ahli Arab. « Si ce n’est pas un signe de désespoir, je ne sais pas ce que c’est. »
Une coalition en mer Rouge
Au-delà de la bande de Gaza, le conflit continue d’alimenter les tensions au Proche-Orient. Depuis le début de la guerre, les échanges de tirs entre Israël et le Hezbollah, allié islamiste du Hamas au Liban voisin, sont quasi quotidiens à la frontière. Jeudi, une octogénaire a été tuée et son mari blessé dans un bombardement israélien sur un village frontalier du sud du Liban, selon un média officiel. Deux civils israéliens ont été légèrement blessés par des tirs du Hezbollah dans un secteur proche de la frontière libanaise, selon l’armée israélienne.
En mer Rouge, la menace d’attaques sur le trafic maritime international de la part des rebelles Houthis du Yémen – solidaires du Hamas – provoque un ralentissement du commerce mondial. Les principaux transporteurs n’empruntent plus cette autoroute de la mer, ce qui a poussé Le géant suédois du meuble Ikea a annoncé de possibles retards de livraison jeudi. Plus de vingt pays ont désormais rejoint la coalition menée par les États-Unis pour défendre les navires en mer Rouge, selon le Pentagone.
(Avec AFP)
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