Contre braconnage et violences régionales, le Rwanda préserve ses gorilles

C’est l’heure de la pause dans le parc national des Volcans du Rwanda pour la famille Agashya. Les enfants se roulent sur le dos de leurs mères, les parents dégustent troncs d’arbres, plantes épineuses et foisonnantes.

Un gorille des montagnes dans le parc national du massif des Virunga, au Rwanda, le 17 juin 2012. © AFP

Un gorille des montagnes dans le parc national du massif des Virunga, au Rwanda, le 17 juin 2012. © AFP

Publié le 24 juin 2012 Lecture : 3 minutes.

Soudain, le guide rappelle à l’ordre la poignée de visiteurs venus observer, à quelques mètres, les 27 membres de ce groupe de gorilles au coeur de la jungle du massif des Virunga. L’un des primates s’approche, il faut reculer. Par prudence, et pour respecter l’environnement de ces grands singes.

"Nous voulons les garder à l’état le plus sauvage possible," explique le guide, Francis Bayingana.

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Tendance positive

Depuis une dizaine d’années, le nombre des gorilles des montagnes croît dans le massif des Virunga, que se partagent Rwanda, Ouganda et République démocratique du Congo (RDC). Les primates y sont désormais environ 480, pour une population mondiale totale de quelque 790 têtes.

Cette tendance positive, observée en dépit de conflits armés chroniques côté RDC, en bordure de l’habitat des gorilles, est essentiellement le fruit de la lutte contre le braconnage, disent les autorités rwandaises.

Le braconnage "diminue d’année en année," grâce notamment aux travaux de sensibilisation des communautés locales, assure Télesphore Ngoga, chef de la division conservation au Rwanda development board (RDB). "On n’a plus de situation de braconnage de bébés gorilles comme avant."

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Les gorilles ne sont plus tellement "visés par les pièges" des braconniers, confirme Augustin Basabose, directeur par intérim du Programme international de conservation des gorilles. Mais ils se font désormais souvent prendre à la place d’autres animaux, comme les antilopes.

M. Basabose est l’une des 20 personnes choisies cette année par les autorités rwandaises pour baptiser un groupe de 19 bébés et un adulte gorilles.

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La cérémonie, dite "kwita izina", a lieu tous les ans depuis 2005. Organisée sans les primates mais en présence du gratin de la communauté internationale de Kigali, la journée doit sensibiliser à la préservation d’une espèce malgré tout encore menacée, et, au passage, donner un coup de pouce au tourisme. Le secteur touristique est une importante source de devises étrangères pour le pays: il a, selon le RDB, rapporté 252 millions de dollars en 2011.

Une journée avec les gorilles au Rwanda coûte au visiteur étranger 750 dollars.

A l’entrée du parc des Volcans, un ranger attend les visiteurs du jour –jamais plus de huit par groupe de gorilles– pour les guider sur le chemin broussailleux, pentu et glissant des primates. Il a bien une kalachnikov en main, mais elle est plus là en prévision d’une impromptue rencontre avec des buffles que pour répondre à l’instabilité de l’autre côté de la frontière.

Répercussions des violences en RDC

La récente flambée de violences dans l’est de la RDC, conséquence d’une mutinerie au sein de l’armée, touche désormais de plein fouet le flanc congolais du massif des Virunga.

En mai, les mutins "ont traversé le parc pour arriver dans le secteur gorille," explique par téléphone le directeur du parc national congolais du Virunga, Emmanuel de Mérode. Depuis environ six semaines, poursuit-il, les portes du parc congolais sont fermées aux touristes.

Le responsable dit avoir perdu trois hommes le mois dernier, tombés dans une embuscade le long d’une route alors qu’ils protégeaient des civils. La semaine dernière, quand deux rangers ont été blessés par balle et à la baïonnette dans des accrochages, les patrouilles dans le "secteur gorille" ont été suspendues.

Les rangers n’avaient jeudi toujours pas rétabli le contact avec deux des six familles de gorilles du parc, qui se "trouvent dans des zones inaccessibles", dit encore le responsable.

Les violences se déroulent à quelques dizaines de km de là, mais côté rwandais, la vie semble suivre son cours normal.

Seul changement notable récemment, les "patrouilles conjointes" de rangers rwandais et congolais ont cessé, dit M. Ngoga. A cause des combats, "au cours de la dernière (patrouille), les rangers du Congo ont eu des difficultés pour traverser la frontière et rentrer chez eux," poursuit-il.

Tout au plus aussi, certains se demandent si des gorilles n’ont pas ou ne vont pas traverser la frontière pour fuir les échanges de tirs.

"Les gorilles sont sensibles aux crépitements des balles et se promènent d’un pays à l’autre pour chercher de la nourriture," commente M. Basabose, incapable cependant de dire si de tels mouvements se sont récemment produits.

En 2005, disent les conservateurs rwandais, il se pourrait qu’une famille de gorilles se soit réfugiée dans le parc des Volcans pour fuir l’instabilité dans l’est de la RDC.

Les gorilles passent fréquemment d’un pays à l’autre pour de courtes périodes. Mais cette fois-ci, ils sont restés. Pour M. Ngoga, c’est peut-être "en raison de l’insécurité persistante de l’autre côté de la frontière".

Ces préoccupations semblent cependant loin des Agashya. Après son long stop sous le soleil d’une paisible clairière, leur chef, un imposant gorille à dos argenté, montre tranquillement le signal du départ à ses troupes. Et aux visiteurs.

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