Sierra Leone : les zones diamantifères font grise mine
Les diamants ont longtemps dominé l’économie de la Sierra Leone, et alimenté la guerre civile qui a ravagé le pays. Une décennie après le conflit, les zones diamantifères peinent à tirer profit de l’exploitation de ce cristal.
« Nous trouvons des diamants parfois, mais ça fait très longtemps que je n’en ai pas vus », confie Sembo Sesay, 27 ans, un mineur de la ville de Koidu, dans la région de Kono (est) réputée pour ses réserves d’or et de diamants alluviaux parmi les plus importantes au monde. « Quand nous n’en voyons pas, cela nous inquiète vraiment, parce qu’il n’y a pas d’autre travail. Nous dépendons des diamants pour survivre », ajoute-t-il.
Sembo Sesay fait partie des dizaines de chercheurs de diamant qui, dès l’aube, se rendent dans des carrières à Koidu et dans ses environs, armés de pelles, tamis et seaux. Pour 3.000 Leones (55 centimes d’euro) par jour, ils passent des heures à creuser, transporter de la terre sablonneuse, laver, trier, sans avoir l’assurance de tomber sur une pierre gemme.
Une situation très différente du passé
Selon des spécialistes, les exportations de diamant de la Sierra Leone ont atteint jusqu’à deux millions de carats par an dans les années 1960. Et le pays continuait à en produire pendant la guerre civile qui l’a ravagé de 1991 à début 2002 : durant le conflit, qui a fait quelque 120.000 morts et des milliers de civils mutilés, ces pierres précieuses produites et commercialisées dans l’illégalité par des groupes armés servaient à acheter armes et munitions, d’où leur surnom de « diamants du sang ». Le matériel de guerre venait du Liberia voisin, alors dirigé par Charles Taylor, chef rebelle puis président jusqu’à 2003.
Inculpé par le Tribunal spécial pour la Sierra Leone (TSSL) et arrêté en mars 2006, Taylor a été reconnu coupable en avril dernier de crimes contre l’humanité et crimes de guerre pour avoir appuyé des rebelles sierra-léonais en échange de « diamants du sang ». Le 30 mai, il a été condamné à 50 ans de prison.
Dix ans après la fin de la guerre et sept ans après la levée de l’embargo sur l’exportation de diamant, les précieuses pierres sierra-léonaises arrivent chez des joailliers comme Tiffany (Etats-Unis).
"La pauvreté est visible"
Koidu demeure une importante zone d’exploitation diamantifère, comme en témoignent ses diverses boutiques de vente de diamant, détenues en majorité par des Libanais.
A côté des exploitations artisanales qui contribuent à apporter des revenus importants au pays depuis la découverte de diamant en Sierra Leone dans les années 1930, il existe des entreprises plus structurées, comme la compagnie minière locale Koidou Holdings.
Cette société appartenant à des Israéliens a investi 115 millions d’euros pour un nouveau complexe, comprenant un centre de traitement de kimberlite, roche réputée pour sa teneur en diamant, issue des deux mines qu’elle possède.
A Koidu, les mines se sont agrandies, la population a augmenté, des écoles et hôpitaux ont été construits, mais la ville reste pauvre, comme la majorité de ses habitants, surtout les chercheurs de diamant.
« Les habitants des zones diamantifères sont les plus démunis. La pauvreté est visible » et en termes de projets de développement communautaires, « il n’y a rien à montrer », regrette Patrick Tongu, membre de l’ONG locale Mouvement pour la justice et le développement, évoquant des frustrations fortes au sein des populations.
Réconciliation des anciens ennemis
Depuis 2010, une loi oblige les compagnies minières travaillant en Sierra Leone à reverser 1% de leurs bénéfices annuels à des projets de développement des communautés où elles opèrent. A Koidu, la première tranche de ces fonds est toujours attendue.
« Nous n’avons pas vraiment réussi à répondre aux attentes élevées des communautés », reconnaît Alpha Kpetewama, économiste et un responsable de la chefferie de Tankoro, qui coiffe Koidu.
Toutefois, le bilan n’est pas complètement négatif, estime-t-il : « Si nous n’avions pas des groupes comme Koidu Holdings, les diamants resteraient sous terre. Or maintenant, nous pouvons en tirer profit. Il y a encore des problèmes qu’il faut résoudre, certes, mais en fin de compte, je pense que c’est un plus ».
Autre « bon côté » de l’activité diamantifère : la réconciliation des anciens ennemis, car dans les mines, se côtoient ex-combattants et ex-victimes. « Nous en sommes heureux, mais nous avons faim. (…) Nous survivons simplement », lâche un ex-rebelle.
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