Présidentielle en RDC : Félix Tshisekedi large vainqueur selon les résultats provisoires
Les résultats provisoires annoncés le 31 décembre par la Ceni confirment la victoire du président sortant. Face à lui, l’opposition demande l’annulation du scrutin et appelle la population à protester.
Les résultats provisoires de l’élection présidentielle, annoncés le 31 décembre par le président de la Commission électorale nationale indépendante (Ceni), Denis Kadima, ont confirmé ce qui se dessinait déjà depuis plusieurs jours : Félix Tshisekedi a confortablement remporté un second mandat. Le président sortant s’est imposé avec 73,34 % des suffrages, soit 13 215 366 voix.
Ce score le place largement devant Moïse Katumbi et ses 18,08 %. Troisième, Martin Fayulu obtient 5,33 %. La plupart des candidats à cette élection, qui se déroule en un seul tour, n’ont pas dépassé les 1 %, y compris le prix Nobel Denis Mukwege, qui a fait son entrée en politique en octobre dernier.
Il n’y avait, à vrai dire, plus aucun suspense depuis plusieurs jours. Au centre Bosolo, où défilaient depuis le 22 décembre les résultats partiels compilés par la Ceni, Félix Tshisekedi s’était progressivement imposé comme le favori. Ainsi, au soir du 28 décembre, 12,5 millions de voix avaient été comptabilisées et le président sortant en obtenait déjà 9,53 millions, soit 76,04 % des suffrages pris en compte à ce stade, poussant certains médias locaux à évoquer une victoire en raison de l’écart de plus de 7 millions de voix qui le séparait alors de son premier poursuivant, Moïse Katumbi.
Faible participation
Plus de 41 millions d’électeurs enrôlés étaient attendus aux urnes dans le cadre de ces élections, qui devaient se tenir le 20 décembre mais qui, en raison de nombreux couacs logistiques, se sont étalées sur plusieurs jours. Rares étaient les analystes, qu’ils soient proches de la majorité, de l’opposition ou de la commission électorale, qui envisageaient ces derniers jours un taux de participation atteignant la barre des 50 %. Celui-ci a finalement été de 43,23 %.
Il s’agit à ce stade de résultats provisoires. Il reviendra ensuite à la Cour constitutionnelle de trancher, d’ici au 10 janvier, sur les éventuels recours qui seront déposés. La seule certitude à ce stade est que l’arène politique congolaise ressort de ce processus considérablement fragmentée, avec d’un côté un pouvoir qui célèbre sa victoire et, de l’autre, une opposition qui demande l’annulation du scrutin.
Rhétorique nationaliste
Cette large victoire du président sortant intervient après un mois d’une campagne au cours de laquelle Félix Tshisekedi n’aura eu de cesse d’user d’une rhétorique notamment axée autour d’un conflit avec le Rwanda, que Kinshasa accuse de soutenir les rebelles du M23 dans l’Est. Le 18 décembre, lors de son dernier meeting à Kinshasa, le chef de l’État, qui a multiplié les menaces vis-à-vis de son homologue rwandais Paul Kagame (dont il s’était rapproché au début de son mandat), avait même assuré qu’il n’hésiterait pas, en cas de réélection, à réunir les deux chambres du Parlement pour déclarer la guerre au Rwanda en cas d’attaque.
Au cours de sa campagne, dans la lignée de cet argumentaire nationaliste qui semble avoir séduit une partie de l’électorat, le président congolais a aussi insisté sur l’idée qu’il y aurait des « candidats de l’étranger » qui seraient à la solde de Kigali et qui représenteraient une menace pour la RDC. Ce discours, Félix Tshisekedi l’a utilisé tout au long de la campagne pour « décrédibiliser » certains de ses adversaires, Moïse Katumbi en tête. Ce dernier, par ailleurs accusé par la majorité d’avoir possédé un passeport zambien, a plusieurs fois dénoncé « un faux dossier monté par le pouvoir pour éviter de parler de son bilan ».
« Simulacre d’élection »
L’opposition choisira-t-elle pour autant la voie légale pour dénoncer ces résultats ? Vent debout depuis des mois contre un processus dont ils dénoncent les irrégularités, les adversaires de Félix Tshisekedi demandent encore l’annulation d’un scrutin émaillé de nombreux problèmes logistiques.
Quelques heures avant l’annonce de la Ceni, plusieurs d’entre eux, dont Martin Fayulu, Moïse Katumbi, Matata Ponyo Mapon, Denis Mukwege, Delly Sesanga, Théodore Ngoy ou encore Floribert Anzuluni, ont appelé au « rejet catégorique » des résultats des élections et à la réorganisation du scrutin par une commission électorale recomposée. Ils ont aussi appelé à une « protestation massive » dans la rue.
Cette tentative d’union de l’opposition pourra-t-elle aboutir ? Jusque-là, plusieurs camps semblaient se dessiner. L’un organisé autour de Martin Fayulu, un autre autour de Moïse Katumbi et un troisième autour du Front commun pour le Congo (FCC) de Joseph Kabila, qui a boycotté le processus. Tous dénoncent ce qu’ils qualifient de « simulacre d’élection ».
Échauffourées
Martin Fayulu et quatre autres candidats avaient appelé à une première manifestation le 27 décembre à Kinshasa. Mais cette première marche avait tourné court à la suite d’échauffourées entre les manifestants et la police devant le siège du parti de Fayulu. Moïse Katumbi ne s’était pas associé à la marche du 27 décembre, mais il a annoncé que d’autres actions allaient suivre, alors que les discussions se poursuivaient cette semaine pour tenter de rapprocher les deux camps.
Très discret pour le moment, l’ex-président Joseph Kabila se trouve, lui, à Lubumbashi. Plusieurs sources dans son entourage confirment néanmoins qu’il doit se rendre en Afrique du Sud dans les prochains jours. Il y est attendu avant le 17 janvier par son directeur de thèse à l’université de Johannesburg, selon une invitation qui lui a été transmise le 18 décembre.
« Ennemis de la paix »
Dans ce contexte tendu, la crainte d’une contestation était forte ces derniers jours. Plusieurs chancelleries ont appelé à la retenue dans l’attente des résultats et multiplié les échanges informels avec l’opposition.
« Nous avons pris toutes les dispositions pour que la paix règne », a assuré dès le 26 décembre le ministre de l’Intérieur, Peter Kazadi, justifiant notamment un dispositif sécuritaire renforcé à Lubumbashi, fief de Moïse Katumbi et de Joseph Kabila. Le 29 décembre, lors du dernier Conseil des ministres de l’année, Félix Tshisekedi avait lui-même encouragé à faire preuve « de solidarité mutuelle pour faire échec aux ennemis de la paix qui cherchent à semer le chaos ».
Mais la position la plus attendue était celle des Églises congolaises. La Conférence épiscopale nationale indépendante (Cenco) et l’Église du Christ au Congo (ECC), deux des principales organisations religieuses du pays, avaient déployé près de 25 000 observateurs sur le terrain. Leur mission d’observation était donc la plus importante en termes de moyens humains. Le 28 décembre, leurs représentants ont livré leur déclaration préliminaire sur le déroulement des élections.
Dans leur rapport, la Cenco et l’ECC précisaient avoir constaté que, grâce au système de dépouillement parallèle mis en place par leurs observateurs, « un candidat s’est largement démarqué avec plus de la moitié des suffrages à lui seul ». Tout en affirmant avoir « documenté de nombreux cas d’irrégularités susceptibles d’affecter l’intégrité des résultats de différents scrutins, à certains endroits », elles invitaient la Ceni à « tirer toutes les conséquences qui s’imposent » avant de proclamer les résultats des différents scrutins.
« Chaos électoral »
La question de l’acceptation des résultats sera désormais l’un des points les plus délicats dans un processus massivement rejeté par l’opposition. Censé se tenir uniquement le 20 décembre, le vote, finalement prolongé au 21 décembre par la Ceni, s’est en réalité déroulé sur plus de six jours, certains bureaux de vote ayant reçu leur matériel électoral très en retard. Dès le 20 décembre, plusieurs opposants ont dénoncé un « chaos électoral ».
Un large flou a subsisté jusqu’au bout sur le nombre de bureaux ayant pu ouvrir. Les résultats annoncés le 31 décembre se basent sur le traitement de données d’un peu plus de 64 000 bureaux sur les 75 478 prévus, a finalement expliqué Denis Kadima.
Le 30 décembre, le président de la Ceni, qui n’a eu de cesse de relativiser les difficultés rencontrées, a affirmé que « des élections qui répondent aux critères d’inclusion, d’apaisement et de transparence ne peuvent pas être chaotiques ». Denis Kadima a aussi échangé avec les leaders de la mission d’observation de l’ECC et de la Cenco. « Nous avons parlé des irrégularités et nous avons tous aussi reconnu que ces irrégularités étaient localisées. Nous avons abouti à la même conclusion par rapport au résultat », a-t-il expliqué.
Pour la Cenco et l’ECC, « la prise en compte des irrégularités constitue un gage pour l’acceptation des résultats par le public et pour garantir au mieux la paix ».
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus – Politique
- Le livre « Algérie juive » soulève une tempête dans le pays
- Maroc-Algérie : que contiennent les archives sur la frontière promises par Macron ?
- L’Algérie doit-elle avoir peur de Marco Rubio, le nouveau secrétaire d’État améric...
- En Algérie, le ministre Ali Aoun affaibli après l’arrestation de son fils pour cor...
- Au Bénin, arrestation de l’ancien directeur de la police