Égypte : Tahrir reprend du service après la condamnation de Moubarak

Le président égyptien déchu Hosni Moubarak a été condamné samedi à la prison à vie pour la mort de manifestants durant la révolte qui l’a renversé en 2011, mais six ex-hauts responsables de la sécurité ont été acquittés, poussant des milliers d’Egyptiens en colère dans la rue.

Des Égyptiens en colère après les verdicts du procès Moubarak, le 2 juin 2012 place Tahrir. © Mohammed Abed/AFP

Des Égyptiens en colère après les verdicts du procès Moubarak, le 2 juin 2012 place Tahrir. © Mohammed Abed/AFP

Publié le 3 juin 2012 Lecture : 4 minutes.

Un avocat de M. Moubarak, 84 ans, a aussitôt annoncé à l’AFP que son client allait faire appel. Peu après, l’ancien président, jusque-là placé en détention préventive dans un hôpital militaire près du Caire, a été transféré dans la prison de Tora, au sud de la capitale.

Le Parquet avait requis la peine capitale contre M. Moubarak, son ancien ministre de l’Intérieur Habib el-Adli et les six ex-hauts responsables du ministère de l’Intérieur pour leur responsabilité dans la mort de près de 850 manifestants lors de la révolte populaire de janvier/février 2011.

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Mais le président du tribunal, Ahmed Rifaat, a condamné MM. Moubarak et Adli à la réclusion à perpétuité et acquitté les six autres. Les deux fils de M. Moubarak, Alaa et Gamal, qui comparaissaient également, n’ont pas été condamnés, les faits de corruption qui leur étaient reprochés étant prescrits. De brefs heurts ont éclaté après la lecture des verdicts devant le tribunal, faisant 24 blessés légers, mais aussi à l’intérieur de la salle d’audience.

Dans la nuit de samedi à dimanche, des locaux du candidat à la présidentielle Ahmad Chafiq, dernier Premier ministre de Moubarak, ont été attaqués dans deux villes de province, a indiqué un responsable des services de sécurité.
Le QG de campagne de M. Chafiq au Caire avait déjà été attaqué lundi. Un groupe d’inconnus a envahi le QG à Fayyoum, au sud du Caire, avant d’y mettre le feu, a affirmé le responsable de la sécurité sous le couvert de l’anonymat. A Hourghada, sur la mer Rouge, les locaux ont été saccagés et les vitres brisées.

Martyrs

Dans la soirée, près de 20.000 personnes se sont rassemblées place Tahrir, dans le centre du Caire, pour exprimer leur colère selon un photographe de l’AFP. "Soit nous obtenons justice pour nos martyrs, soit nous mourrons comme eux", scandait la foule.

Certains jugent le verdict de Moubarak trop clément, tandis que d’autres craignent que l’acquittement des six anciens responsables de la sécurité ne soit synonyme d’impunité pour la police.

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La place Tahrir était toujours occupée dimanche matin par plusieurs centaines de manifestants. Une partie d’entre eux a dormi sous des tentes ou à même le sol. Dans la grande ville d’Alexandrie (nord), de 4.000 à 5.000 personnes ont manifesté, tandis qu’à Ismaïliya, sur le canal de Suez, quelque 1.500 personnes s’étaient rassemblées selon des correspondants de l’AFP sur place. Des manifestations ont aussi eu lieu à Suez, à l’est du Caire, et à Port-Saïd (nord-est) d’après des témoins.

Certains jugent le verdict trop clément et réclament la pendaison de M. Moubarak, tandis que d’autres craignent que l’acquittement des six anciens responsables de la sécurité ne soit synonyme d’impunité pour la police, largement honnie en Egypte et accusée de violations systématiques des droits de l’Homme.

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Une "farce", pour Morsi

Premier des dirigeants emportés par le "Printemps arabe" à comparaître en personne devant le juge, M. Moubarak était jugé depuis le 3 août 2011. Les Frères musulmans, première force politique d’Egypte, ont appelé à descendre en masse dans la rue. Leur candidat à la présidentielle, Mohammed Morsi, a brièvement rejoint les manifestants place Tahrir après avoir qualifié sur Twitter le verdict de "farce" et jugé qu’il fallait un nouveau procès.

Lors d’une conférence de presse, il a plus tard appelé les Egyptiens à poursuivre leur "révolution" en estimant que les protestataires devaient exiger une élection libre et le transfert du pouvoir par l’armée. M. Morsi affrontera M. Chafiq au second tour de la présidentielle les 16 et 17 juin.

"Si les chefs de la police sont innocents, alors qui a tué les manifestants?", a dit à l’AFP un haut responsable des Frères, Mahmoud Ghozlan. M. Chafiq a de son côté affirmé que les décisions de justice "doivent être acceptées", y compris l’acquittement des six hauts responsables de la sécurité.

La secrétaire d’Etat américaine Hillary Clinton a quant à elle refusé de commenter le verdict, estimant que l’affaire ne concernait que les Egyptiens. Comme pour toutes les audiences de son procès, M. Moubarak a comparu couché sur une civière en raison de son état de santé, qui a fait l’objet de nombreuses spéculations. Ses opposants l’accusent de jouer la comédie pour susciter la compassion.

"Plus de questions que de réponses"

Le regard cette fois caché par des lunettes de soleil, il est resté de marbre tout au long de l’audience. Mais une fois arrivé à la prison de Tora, il a refusé en pleurant de quitter l’hélicoptère qui le transportait avant de finalement céder, selon une source de sécurité. D’après l’agence officielle Mena, il a aussi "souffert d’un problème de santé surprise".

Pendant l’audience, ses fils Alaa et Gamal, vêtus de la tenue blanche des prévenus, avaient l’air grave et les yeux cernés. Ils ont eu les larmes aux yeux après la lecture des verdicts. Un autre procès les concernant doit s’ouvrir prochainement pour une affaire de corruption boursière, et ils resteront en détention en attendant, a indiqué le Parquet.

Yasser Bahr, l’un des avocats de M. Moubarak, a annoncé à l’AFP qu’il ferait appel: "Ce verdict est plein de failles juridiques. Nous allons gagner (en appel) à un million pour cent". L’avocat et militant des droits de l’Homme Hossam Bahgat a de son côté estimé que "le verdict soulève plus de questions qu’il n’apporte de réponses".

"Les Egyptiens se sentent vengés de voir Moubarak et son ministre de l’Intérieur condamnés à la prison à vie, mais (…) la cour semble ne pas avoir trouvé de preuves que les meurtres aient été commis par des policiers. Il semble que la cour ait condamné Moubarak et Adli pour avoir échoué à empêcher les meurtres", a-t-il ajouté.

Pour leur part, Amnesty International et Human Rights Watch ont estimé que l’acquittement de six ex-hauts responsables pourrait encourager une culture d’impunité dans la police. Le juge Rifaat a dit avoir pris sa décision "la conscience tranquille". Il a eu a des mots très durs pour la situation de l’Egypte sous Hosni Moubarak, dénonçant la pauvreté de ceux qui vivaient dans "la pourriture des bidonvilles" et "ont bu l’eau des mares".

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