Naïma Meralli-Ballou Ismaël, la Willy Wonka de Madagascar
Avec ses tablettes de chocolat au gingembre, à la fleur de sel ou à la cacahuète, la pâtissière et entrepreneuse entend bien séduire au-delà de la Grande Île avec sa marque, Sambika.
S’il est une chose que Naïma Meralli-Ballou Ismaël maîtrise à la perfection, c’est bien sa capacité à vous mettre l’eau à la bouche lorsqu’elle parle de son chocolat. Pas étonnant quand on sait que cette Malgache d’origine indienne, styliste de formation – et titulaire d’un master en marketing et management du luxe de l’Institut supérieur de marketing de luxe (ISML), à Paris –, a travaillé pour la communication du chef pâtissier français Christophe Michalak, quand il officiait au sein de l’hôtel Plaza Athénée.
Après une scolarité à Madagascar, où elle est née en mars 1986, la jeune femme aurait pu envisager une carrière à l’international, dans ces grosses sociétés qui font briller les yeux des étudiants en école de commerce. Elle y a goûté : Paul & Joe, Vogue, entre l’Inde et la France… Elle y a appris, aussi. Et elle y a renoncé. « J’avais le mal du pays, confie-t-elle. Et j’avais envie de rentrer pour créer quelque chose. À Madagascar, même si nous disposons d’excellents produits, l’offre n’est pas très développée en matière de pâtisserie. »
La main à la pâte
Partant de cette idée, Naïma Meralli-Ballou Ismaël a mis la main à la pâte. Littéralement. Elle est rentrée à Madagascar, où sa famille vit toujours, et elle a ouvert une pâtisserie : Dité. Bien entendu, tout ne s’est pas fait en deux coups de cuiller à pot. « J’ai appris à cuisiner avec ma grand-mère, raconte-t-elle, et j’ai toujours aimé faire plaisir aux autres, préparer de quoi partager un bon moment. À vrai dire, je n’avais jamais pensé à en faire un métier. En 2012, à mon retour à Madagascar, j’ai commencé dans la cuisine de mes parents. C’est moi qui cuisinais et, aujourd’hui encore, je suis derrière les fourneaux. »
À peine un an plus tard, en 2013, elle s’équipe d’un laboratoire et ouvre donc Dité, dans le centre commercial La City Ivandry, à Antananarivo. Elle y propose de la pâtisserie d’inspiration française. « Ça a cartonné et j’ai pu ouvrir d’autres boutiques : un seconde Dité ; une restaurant indien, Indian Express ; un restaurant de burgers, Joe’s ; et un glacier, Scoop. » Un développement qui n’a qu’un temps.
En 2020, Naïma Meralli-Ballou Ismaël vend deux de ses filiales et en ferme deux autres, ne conservant que le Dité initial. « Alors que la période Covid-19 allait commencer, j’ai décidé de me concentrer sur la partie traiteur et de me lancer dans le chocolat », raconte-t-elle. Dité traiteur, c’est aujourd’hui 15 employés pour un chiffre d’affaires de 360 000 euros par an. « L’idée, c’est de cuisiner devant le client lors d’événements, dans des cocktails d’entreprises, en proposant des cuisines du monde : française, malgache, indienne, italienne… Chaque fois, on crée un univers en essayant de retrouver le goût local. »
Made in Mada
Sambika – 7 employés, 100 000 euros de chiffre d’affaires –, la marque de chocolats créée par la jeune femme, propose, elle, une dizaine de produits : tablettes classiques, barres de snacking, coffrets de dégustation… Et plusieurs alliances de produits, selon les goûts : noir 63 % caramel gingembre, noir 63 % fleur de sel et grué, noir 63 % praliné cacahuète, noir 70 % « pure dark » ou « noix de coco grillé », et pour les plus audacieux noir 80 % « pure dark ».
Telle une Willy Wonka malgache, Naïma Meralli-Ballou Ismaël raconte : « J’ai toujours rêvé d’avoir une usine de bonbons ou de chocolat. Pendant le Covid-19, j’ai eu beaucoup de temps pour réfléchir sur mon désir de travailler les produits locaux et de les sublimer. J’avais envie de montrer qu’il est possible de créer un produit haut de gamme qui fait briller Madagascar. Ici, la plupart du temps, le chocolat n’est pas transformé, on se contente de vendre la fève de cacao. J’avais à cœur de mettre en avant le savoir-faire malgache. »
Ce savoir-faire, il a d’abord fallu le maîtriser. « J’ai commencé par créer des chocolats, que j’ai ensuite fait tester tout autour de moi avant de les proposer chez Dité, explique-t-elle. Si je devais décrire ma touche personnelle, je dirais que j’essaie au maximum de travailler avec des produits locaux comme la cacahuète, le gingembre, pour élaborer mes différentes recettes. Mais il faut vraiment qu’on sente les produits, qu’on ait l’impression de croquer dans du gingembre ou de la cacahuète. Pour l’instant, je ne fais pas encore de chocolat à la vanille, je n’ai pas trouvé la bonne recette ! » La tablette praliné-cacahuète, peut-être parce qu’elle est plus proche des saveurs d’un chocolat au lait, est celle qui aujourd’hui remporte tous les suffrages.
Andry Rajoelina, un allié de poids
Pour les fèves « bio de qualité supérieure », la chocolatière a choisi de se fournir dans la vallée de la rivière Sambirano – d’où le nom Sambika qui associe Sambirano à « bika », « la forme » en malagasy. Ce cacao, si l’on en croit le communiqué de presse ventant les produits de la marque aurait « un goût acidulé unique lié à l’ombrage des cacaoyers ». Son achat via des coopératives assure un revenu stable aux fermiers, même si Naïma Meralli-Ballou Ismaël confie « ne pas s’être concentrée sur l’aide aux fermiers », préférant diriger son effort social vers ses employées. « Les filles qui travaillaient à la plonge chez Dité ont montré beaucoup d’intérêt pour Sambika. Je les ai formées et j’ai monté mon équipe comme ça, de A à Z », soutient-elle fièrement, soulignant aussi la proximité qu’elle entretient avec ses collaboratrices, essentiellement des femmes.
Les 500 kg de chocolat que Sambika produit chaque mois sont aujourd’hui disponible chez Dité ou en grande surface, à Madagascar. Une boutique pourrait bientôt voir le jour. Pour l’export, les commandes se font, pour l’heure, via Internet, mais Naïma Meralli-Ballou Ismaël entend bien « faire découvrir l’or noir de Madagascar à l’international ». En la matière, elle peut compter sur un allié de poids : le président Andry Rajoelina a repéré sa marque et l’a invitée à participer à un voyage en France, en août dernier.
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