L’affaire du clandestin d’Air Algérie coûte son poste au patron de la police

Le 28 décembre dernier, un jeune passager clandestin en état d’hypothermie a été découvert caché dans le train d’atterrissage d’un avion d’Air Algérie qui venait de se poser à Orly. L’affaire a provoqué beaucoup de réactions en Algérie, où l’on soupçonne des complicités parmi les forces de sécurité.

L’aéroport Ahmed-Ben-Bella, à Oran. © RYAD KRAMDI / AFP

L’aéroport Ahmed-Ben-Bella, à Oran. © RYAD KRAMDI / AFP

Publié le 8 janvier 2024 Lecture : 4 minutes.

La procédure avance à grands pas. Moins de deux semaines après la découverte, à l’aéroport français d’Orly, d’un jeune Algérien caché dans le train d’atterrissage d’un appareil d’Air Algérie, les premières sanctions sont tombées. Le parquet général de la cour d’Oran – la ville de départ de l’avion – s’est auto-saisi de cette affaire dont les autorités estiment qu’elles font planer un doute sur le système sécuritaire de l’aéroport Ahmed-Ben-Bella. Les auditions ont commencé le dimanche 7 janvier.

Dix fonctionnaires de police, dont des officiers, ainsi qu’un mécanicien de la compagnie algérienne d’aviation civile, ont été placés sous mandat de dépôt, et quinze agents de sécurité suspendus provisoirement. Conformément « aux articles 290 bis, alinéa 1 du code pénal, et 20 et 206 de la loi précisant les règles générales liées à l’aviation civile, les prévenus ont été interrogés par le juge d’instruction, qui a pris des ordonnances de placement en détention provisoire », a détaillé ce lundi le parquet général, qui précise également que les mis en cause sont poursuivis pour « acte non intentionnel qui expose à la mort les passagers d’avions d’Air Algérie » et « délit de mise en danger de la vie ou de la sécurité physique d’autrui, ainsi que la sécurité de l’avion ».

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Depuis l’annonce de la découverte du jeune homme, retrouvé en état d’hypothermie sévère et sans papiers d’identité, l’affaire suscite beaucoup d’émoi en Algérie et a provoqué des réactions jusqu’au sommet de l’État. Le 4 janvier, la présidence a ainsi publié un communiqué sur les premiers résultats de l’enquête préliminaire lancée par la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) sur instruction du président Abdelmadjid Tebboune. Le texte annonçait aussi que des sanctions administratives avaient été prises contre des responsables régionaux et centraux de la Direction générale de la sûreté nationale (DGSN). Il précisait que le jeune homme avait été transporté à l’hôpital Henri-Mondor de Créteil, en région parisienne.

C’est au lendemain de la publication de ce communiqué présidentiel que la procédure judiciaire a été lancée. Les investigations de la DGSI ont en effet déjà permis de conclure à l’implication, notamment, du directeur de la deuxième division des frontières à l’aéroport d’Oran et du chef de brigade de la sécurité aéroportuaire. Sur le plan administratif, les responsabilités s’étendent au directeur technique d’Air Algérie, au directeur de l’aéroport d’Oran et au directeur de la société de gestion de l’aéroport d’Oran.

Farid Bencheikh limogé

Cette intrusion dans un avion d’Air Algérie a également coûté son poste au directeur général de la police, Farid Bencheikh. Lequel a été immédiatement remplacé par Ali Badaoui, jusqu’alors contrôleur général et directeur de la police des frontières, installé dans ses fonctions dès le dimanche 7 janvier au matin par le ministre de l’Intérieur et des Collectivités locales, Brahim Merad.

Selon nos sources, ces sanctions administratives et judiciaires sévères visent à mettre un terme aux tentatives de passage en Europe de jeunes Algériens via les vols d’Air Algérie. Le phénomène, s’il n’est pas nouveau, semble avoir récemment pris de l’ampleur ; l’affaire du 28 décembre 2023 est la troisième en moins de deux ans.

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En mars 2022, un adolescent de 16 ans avait ainsi tenté de rejoindre la France en se cachant dans la soute à bagages d’un appareil de la compagnie nationale assurant la liaison entre Constantine et Paris-Charles-de-Gaulle. Admis en France dans un établissement de santé dans l’attente d’une décision des autorités à son égard, le mineur a expliqué, en montrant un schéma de l’aéroport Mohamed-Boudiaf de Constantine, comment il avait pu pénétrer dans l’enceinte en passant sous la clôture de barbelé, avant de se cacher un moment, le temps qu’un gardien quitte son poste, pour enfin atteindre le tarmac et grimper dans l’avion qu’il avait identifié. Dans son témoignage, le jeune homme a également expliqué que ce n’était pas sa première tentative.

En plus de mettre potentiellement en danger les passagers des appareils, ces tentatives sont évidemment extrêmement risquées pour les clandestins eux-mêmes ; d’autres candidats au voyage n’ont pas eu la chance d’y survivre. Les corps sans vie de deux Algérois ont ainsi été découverts le 4 juin 2022 dans la soute d’un avion de la compagnie algérienne qui était à l’arrêt à l’aéroport international de la capitale.

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En 2006, un jeune de 19 ans avait trouvé la mort en percutant le sol après avoir effectué le voyage recroquevillé dans le train d’atterrissage, où la température peut descendre jusqu’à -40°.

Les autorités algériennes redoutent que la répétition de ces incidents dramatiques n’amène les avions d’Air Algérie à être soumis, en France, à de longs et inhabituels contrôles après leur atterrissage. Ce qui envenimerait inéluctablement un peu plus les relations entre les deux pays.

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