Le Soudan reprend au Soudan du Sud la zone contestée de Heglig

Le Soudan a célébré vendredi la reprise « par la force » de la zone stratégique contestée de Heglig, le Soudan du Sud évoquant pour sa part un repli volontaire et progressif sous la pression internationale.

Le président soudanais Omar el-Béchir devant ses partisans à Khartoum, le 20 avril 2012 © AFP

Le président soudanais Omar el-Béchir devant ses partisans à Khartoum, le 20 avril 2012 © AFP

Publié le 21 avril 2012 Lecture : 3 minutes.

"Il n’y a pas eu de retrait. Nous les avons battus par la force", a lancé le président Omar al-Béchir, en uniforme militaire, devant des milliers de partisans réunis devant le siège de l’état-major de l’armée à Khartoum. "Allah est grand", a crié la foule en arborant le drapeau soudanais. "Un peuple, une armée", a-t-elle scandé, en appelant l’armée à marcher sur Juba, la capitale du Soudan du Sud.

L’armée sud-soudanaise a cependant affirmé dans la soirée que ses soldats étaient toujours dans la zone de Heglig, et qu’ils ne partiraient qu’aux conditions émises par Juba: arrêt des bombardements soudanais et retrait des forces de Khartoum de la province voisine d’Abyei, également disputée. Le président sud-soudanais Salva Kiir avait annoncé plus tôt dans la journée le retrait "ordonné" de ses troupes de Heglig, précisant que ce repli serait achevé dans les trois jours. M. Kiir n’avait pas mentionné la contre-offensive annoncée par l’armée soudanaise contre cette ville ultra-stratégique qui assure la moitié de la production de pétrole du Nord. M. Kiir a affirmé n’avoir fait que céder aux pressions répétées de la communauté internationale, qui considère que Heglig appartient au Soudan, tout en soulignant qu’il considérait toujours cette zone comme faisant partie du territoire sud-soudanais.

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Une "mentalité de guérilleros"

Selon des témoignages, des combats ont eu lieu vendredi matin à Heglig et de nombreux soldats sud-soudanais en sont revenus blessés. Il n’était pas possible de vérifier de source indépendante les informations sur le terrain. Les affrontements ont éclaté vendredi entre la tribu des Toubous et une brigade dépendant de l’armée libyenne à Koufra dans le sud-est de la Libye, faisant deux morts et 4 blessés, a-t-on appris de sources locales.

L’ambassadeur du Soudan à l’ONU a estimé vendredi que les dirigeants du Soudan du Sud avaient une "mentalité de guérilleros", mais que Khartoum était forcé de négocier avec son rival pour éviter que les violents combats ne dégénèrent en une guerre ouverte. La prise de Heglig le 10 avril par l’armée sud-soudanaise, suivie de violents combats et de raids aériens soudanais au Soudan du Sud, ont fait craindre un nouveau conflit ouvert et poussé la communauté internationale à multiplier les appels à la retenue.

"Notre avancée n’aura pas de fin"

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En soirée, le gouvernement soudanais a posé quatre conditions à une "normalisation" avec son voisin: une "approbation" d’un pacte de non-agression signé par les renseignements des deux pays, une "reconnaissance" des frontières de janvier 1956, la fin de "toutes les agressions" contre son territoire, "la fin du soutien" de Juba aux rebelles combattant les troupes de Khartoum.

M. Béchir a dans le même temps affirmé que son pays ne rouvrirait pas l’oléoduc exportant le pétrole du Sud, l’une des principales sources de tension entre les deux pays. Le Soudan du Sud, indépendant depuis juillet 2011, a hérité des trois quarts des réserves de brut mais reste tributaire des infrastructures du Nord pour exporter sa production.

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A l’annonce de la "libération" de Heglig, des milliers de personnes ont convergé vers le QG de l’armée à coups de sifflets et de klaxons à Khartoum. Des dizaines de personnes ont défilé dans les rues et d’autres ont sillonné la ville en voiture en multipliant appels de phares et coups de klaxons, dans l’une des plus grandes manifestations de joie dans la capitale depuis des années. "Ils ont entamé les combats et ce sera à nous d’annoncer quand ils seront terminés, et notre avancée n’aura pas de fin", a aussi dit M. Béchir, qui avait promis mercredi de renverser le gouvernement de Juba en le qualifiant d’"insecte" nuisible.

Pression de la communauté internationale

Les Etats-Unis, l’Union africaine et l’ONU avaient multiplié les appels pour que l’armée de Juba évacue Heglig et que l’aviation de Khartoum cesse ses bombardements en territoire sud-soudanais. Le chef de l’ONU, Ban Ki-moon, avait aussi sommé le Soudan de se retirer d’autres territoires disputés comme la région d’Abyei, tout près de Heglig. Entre 1983 et 2005, le Nord, musulman et arabe, et le Sud, essentiellement noir et chrétien, s’étaient livrés à une guerre civile qui avait fait deux millions de morts et abouti à la partition.

Outre la menace d’un nouveau conflit de ce type, la communauté internationale redoute que les affrontements Nord-Sud ne renforcent la mobilisation des rebelles déjà engagés contre les forces de Khartoum au Kordofan-Sud — dont dépend Heglig — et au Nil Bleu, deux Etats frontaliers du Sud, ainsi qu’au Darfour (ouest).

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