Le canal de Suez, victime collatérale de la guerre à Gaza
Avec les attaques des Houthis en mer Rouge, la plupart des compagnies de transport maritime ont suspendu le passage de leurs navires par le détroit d’al-Mandab. Privée de cette source importante de devises étrangères, l’économie égyptienne souffre.
Mardi 9 janvier, la compagnie de transport maritime international Hapag-Lloyd, basée en Allemagne, a annoncé qu’étant donné la situation internationale dans la région, elle allait continuer à faire passer ses navires par la route du Sud, celle du cap de Bonne-Espérance. De Maersk à CMA CGM, Evergreen, HMM, MSC ou Euronav, la plupart des grandes compagnies maritimes ont décidé de contourner l’Afrique pour échapper aux missiles des Houthis. Par conséquent, le nombre de navires empruntant le canal de Suez est en chute libre, menaçant l’une des sources principales de devises étrangères de l’Égypte.
En 2022-2023, il avait généré des revenus record pour l’État égyptien, avec 9,4 milliards de dollars. Le gouvernement égyptien misait sur un nouveau record pour l’année 2023-2024, espérant récolter près de 10,3 milliards de dollars, selon un communiqué officiel publié le 16 octobre dernier. Mais les attaques des Houthis contre les navires en mer Rouge ont changé la donne : d’après les statistiques du FMI, le transport maritime via le canal de Suez a diminué de 35 % durant la première semaine de janvier, comparé à la même période l’année dernière.
En outre, Bloomberg intelligence a confirmé que huit grandes compagnies de transport maritime sur 10, contrôlant environ 61 % du transport maritime mondial, ont modifié la route de leurs navires. « Il est clair qu’il y aura une baisse des revenus du canal de Suez, étant donné l’annonce par plusieurs grandes compagnies maritimes internationale comme Maersk, CMA et autres, d’arrêter de passer par la mer Rouge et le canal de Suez, par crainte des attaques des Houthis », reconnaît le président d’une compagnie de navigation appartenant à l’Autorité du canal de Suez.
« Une grande partie des navires ont déjà détourné leur trafic vers la route du cap de Bonne-Espérance », ajoute l’officiel qui précise que « si la situation continue comme cela et que les tensions durent, ça affectera malheureusement les revenus du canal, et par conséquent l’économie égyptienne, car elle touche une source essentielle des devises étrangères. »
Le Caire en alerte
Le 10 janvier, le Premier ministre égyptien Mostafa Madbouli, accompagné du chef de l’Autorité du canal de Suez, Osama Rabie, a tenté de rassurer sur la situation, lors d’une visioconférence avec les responsables de Maersk. Il a confirmé que « le dossier de la sécurité et la sûreté de la navigation maritime en mer Rouge sont prioritaires pour la sécurité nationale égyptienne », réaffirmant que le Caire suit la situation de près.
Professeur d’économie à l’Université Al-Azhar, Salah al-Dine Fahmy estime pour sa part que la situation actuelle démontre surtout la vulnérabilité de l’économie égyptienne, et son exposition aux multiples crises régionales. « Ces attaques vont aggraver les crises profondes que traverse l’économie égyptienne, développe-t-il pour Jeune Afrique. Les revenus du Canal de Suez seront sans aucun doute affectés et cela intervient au moment où les virements faits par les expatriés égyptiens, première source en devises étrangères pour l’économie, enregistrent une baisse de 30 % durant ce premier trimestre de 2023-2024. À cela s’ajoute l’impact de la guerre à Gaza sur le secteur du tourisme. »
La situation est d’autant plus préoccupante que l’Égypte affiche déjà une dette colossale de 167 milliards de dollars, ce qui en fait le deuxième pays le plus endetté auprès du FMI. D’ici la fin de cette année, Le Caire devra rembourser 29,3 milliards de dollars aux créanciers. « Une année difficile attend l’économie égyptienne », conclut Salah al-Dine Fahmy.
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