Mali : les putschistes tentent de rompre leur isolement

De plus en plus isolés à l’étranger comme au Mali, les auteurs du putsch contre le président Amadou Toumani Touré tentaient samedi de mettre fin à la dangereuse incertitude dans le pays et de garder le contrôle de la situation face à une possible contre-offensive loyaliste.

Le chef de la junte malienne, le capitaine Amadou Sanogo, le 22 mars 2012 à Bamako. © AFP

Le chef de la junte malienne, le capitaine Amadou Sanogo, le 22 mars 2012 à Bamako. © AFP

Publié le 25 mars 2012 Lecture : 3 minutes.

Installé dans son quartier général de la caserne de Kati, près de Bamako, le chef de la junte, le capitaine Amadou Sanogo a eu samedi une série d’entretiens, notamment avec l’ambassadeur de France Christin Rouyer, a rapporté dans la soirée la télévision publique ORTM, sous contrôle des mutins.

Au cours d’une journée sans incident majeur, mais toujours marquée par des pillages isolés et une relative tension dans certains quartiers, les putschistes du Comité national pour le redressement de la démocratie et la restauration de l’Etat (CNRDRE) ont appelé à la réouverture des stations essence, alors que le carburant commence à manquer en ville. "Des mesures sécuritaires ont été prises depuis 04H00 du matin" pour prévenir les pillages, a assuré un porte-parole sur l’ORTM. Des numéros verts ont été mis à la disposition de la population "à toutes fins utiles" et "par souci de sécuriser les biens et les personnes".

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Dans une autre déclaration, le CNRDRE a "invité tous les porteurs d’uniforme à rejoindre les casernes pour un contrôle physique", et rappelé que "les commandants d’unités sont responsables des hommes et des matériels". Dans la matinée, l’ORTM a diffusé une brève intervention du capitaine Sanogo, apparemment tournée la veille, pour démentir des rumeurs sur son sort et la situation à Bamako, alimentées par une brève interruption du signal de la télévision publique vendredi soir. "Je vais bien avec tous mes hommes, il n’y a actuellement aucun problème", a simplement déclaré, souriant et détendu, le chef de la junte, tandis que l’un des adjoints affirmait que "toute l’armée est avec nous".

Offensive du MNLA

Des soldats du rang dirigés par le capitaine Sanogo ont annoncé jeudi avoir déposé le président Touré, dissous toutes les institutions et suspendu la Constitution, après des affrontements avec des loyalistes autour de la présidence. Ils ont accusé le président et leurs supérieurs hiérarchiques, d’incompétence dans la lutte contre la rébellion touareg qui mène depuis la mi-janvier une vaste offensive dans le nord-est du pays, avec le soutien tacite ou effectif de groupes islamistes armés, en particulier Al-Qaïda au Maghreb islamiques (Aqmi).

La rébellion a affirmé vendredi qu’elle poursuivrait ses opérations. Et samedi, l’une de ses composantes, le groupe islamiste Ansar Dine a dit qu’elle s’apprêtait à prendre Kidal, une des villes les plus importantes du nord-est malien en plein pays touareg, et à y "appliquer" la charia. A Gao, l’autre grande ville du nord, l’armée a reçu le renfort de membres des milices Ganda Koy et Ganda Izo – déjà utilisées contre les précédentes rébellions touarègues dans les années 90 -. Près de 200 jeunes ont été recrutés et équipés pour combattre la rébellion.

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Le président Touré "sous bonne protection"

Le sort du président Touré reste pour l’instant toujours inconnu. On ignore si, protégé par des militaires loyalistes il préparerait la contre-offensive, comme l’assurait jeudi son entourage, ou s’il est prisonnier des mutins. Le chef de l’Etat "va très bien, il est en sécurité", a affirmé vendredi le capitaine Sanogo, refusant de dire où il se trouve. De fait, le silence dans les médias du président Touré accrédite de plus en plus la thèse de sa détention par les putschistes. Dans un entretien téléphonique samedi avec le président sénégalais Abdoulaye Wade, le capitaine Sanogo "a assuré que le président Touré et sa famille sont en lieu sûr et sous bonne protection", selon un communiqué officiel sénégalais.

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Des pillages isolés et tirs sporadiques continuaient d’être signalés dans la ville, alors que les premières heures du putsch avaient été marquées par de nombreuses exactions, pour lesquelles le chef de la junte s’est "excusé" et auxquelles il s’est engagé à mettre fin. A l’incertitude sur la situation militaire, s’ajoute l’incertitude politique sur les projets de la junte: à cinq semaines du premier tour de la présidentielle prévu le 29 avril, le coup d’Etat a été condamné par 12 des principaux partis politiques maliens, fragilisant un peu plus la position des putschistes.

Plusieurs associations de la société civile ont elles aussi condamné samedi le putsch, et appelé la junte à quitter le pouvoir, tandis que la Commission nationale des droits de l’homme a dénoncé "un climat de terreur" causé notamment par "des coups de feu intempestifs". Le coup d’Etat a été également unanimement condamné internationalement. Une délégation conjointe de la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), de l’UA et de l’ONU, a séjourné à Bamako vendredi. Ses membres se sont entretenus par téléphone avec le capitaine Sanogo, et ont rencontré des représentants des putschistes.

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