En Guinée, la junte met les journalistes sous pression

Accès internet bloqués, sites suspendus… Pour protester contre les atteintes à la liberté de la presse par le régime de Mamadi Doumbouya, les journalistes guinéens avaient organisé une manifestation le 18 janvier dans la banlieue de Conakry. Plusieurs d’entre eux ont été arrêtés.

Depuis la prise de pouvoir en Guinée de la junte de Mamadi Doumbouya (ici le 1er octobre 2021 alors qu’il prêtait serment), les atteintes à la liberté de la presse se multiplient. © Cellou BINANI / AFP.

Depuis la prise de pouvoir en Guinée de la junte de Mamadi Doumbouya (ici le 1er octobre 2021 alors qu’il prêtait serment), les atteintes à la liberté de la presse se multiplient. © Cellou BINANI / AFP.

Publié le 19 janvier 2024 Lecture : 3 minutes.

Les gendarmes de Guinée ont interpellé le 18 janvier dans la banlieue de Conakry plusieurs journalistes qui projetaient de protester contre les sévères restrictions infligées depuis plusieurs semaines à la liberté de la presse et à l’accès à internet sous la junte de Mamadi Doumbouya.

Des journalistes s’étaient retrouvés à la Maison de la presse, où la profession tient d’ordinaire des rencontres ou des conférences de presse, en vue d’une journée de manifestation, a constaté un correspondant sur place.

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Deux pick-ups de gendarmes sont arrivés et ont embarqué de force environ cinq journalistes, a-t-il rapporté. Deux responsables de la presse ont fait état, sous le couvert de l’anonymat, d’une dizaine de journalistes interpellés au total à la Maison de la presse et ailleurs en banlieue. Tous ont été conduits à la gendarmerie.

« L’escalade sans fin des attaques contre la presse en Guinée doit cesser » et les journalistes arrêtés doivent être libérés, a réagi Reporters sans frontières (RSF) sur X (anciennement Twitter).

Suspensions et expulsion

Le Syndicat des professionnels de la presse de Guinée (SPPG) avait appelé à manifester « pour libérer les médias et réseaux sociaux ». Il a reçu le soutien d’organisations de la société civile. Le « droit à l’information et à la connectivité est bafoué depuis bientôt deux mois », disait le SPPG le 7 janvier. Il invoquait le blocage de l’accès à internet, le retrait de certaines chaînes de télévision des principaux bouquets de distribution, le brouillage de fréquences radio. Les autorités veulent « obliger l’ensemble des médias du pays à changer de lignes éditoriales », disait-il.

Les autorités ont suspendu le 18 janvier pour neuf mois le site d’information dépêcheguinée et pour six mois l’auteur d’un article sur des fonds publics guinéens considérables qui pourraient avoir été détournés et qui seraient bloqués à Dubaï, selon lui.

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Le syndicat français SNJ-CGT a fait état, avec d’autres, de l’interpellation et de l’expulsion ces derniers jours du journaliste Thomas Dietrich, pour une enquête sur la Société nationale des pétroles et le patrimoine de son directeur général, selon le syndicat.

Un responsable d’une radio très écoutée, Espace FM, a indiqué sous le couvert de l’anonymat avoir découvert avec surprise le 18 janvier au matin que les programmes avaient été piratés et remplacés par de la musique militaire.

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Mise en garde

Le ministre de l’Administration du territoire, Mory Condé, a assimilé les incitations à manifester à des « messages d’appel à la violence ». Il a rappelé l’interdiction de toute manifestation édictée en 2022 par la junte qui a pris le pouvoir l’année précédente.

La veille des opérations de gendarmerie, il avait ainsi mis en garde lors d’une intervention sur la télévision d’État : « Je rassure le peuple de Guinée [quant à] la détermination du gouvernement à mettre hors d’état de nuire ces individus et à poursuivre les auteurs et les commanditaires de tout acte de violence qui surviendrait suite à ces appels à manifester. »

« Discours divisifs »

Le porte-parole du gouvernement, Ousmane Gaoual Diallo, avait présenté récemment les mesures contre certains médias comme la réponse « à des pratiques telles que l’apologie de la haine communautaire » ou « la propagation de discours divisifs ». Après avoir nié toute implication, le gouvernement a justifié la semaine dernière les restrictions d’accès à internet par un « problème sécuritaire », sans plus de précision.

En dépit des engagements initiaux de la junte, « un climat de répression des médias d’information indépendants s’installe depuis plusieurs semaines », s’alarmait en décembre RSF. « Les médias concernés ont tous en commun de suivre une ligne éditoriale libre et critique », disait RSF.

Les restrictions à internet et notamment l’impossibilité d’accéder sans VPN à des réseaux sociaux très populaires restent en vigueur, a dit le service de surveillance d’internet Netblocks. Quant à leurs initiateurs, les perturbations sont « cohérentes avec des restrictions imposées par le gouvernement par le passé », a-t-il ajouté.

(avec AFP)

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