Climat : des solutions sur mesure pour la survie du Sahel
Sécheresse, inondations, violences liées aux luttes pour le contrôle des ressources naturelles, insécurité inhérente à l’extrémisme religieux, déplacement forcé de populations… La région est confrontée à des chocs et des aléas complexes et interconnectés, qui ne peuvent être contrés que par des réponses de terrain.
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Blerta Cela
Directrice de la Facilité régionale de stabilisation (FRS) du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud)
Publié le 26 janvier 2024 Lecture : 4 minutes.
Solange, agricultrice de Kassalare, dans le Hadjer-Lamis, au Tchad, a fui son village en 2021 en raison d’un conflit armé. Elle a trouvé refuge avec sa famille à Baltram, dans la même province, où le gouvernement tchadien, par l’intermédiaire de la Facilité régionale de stabilisation (FRS) du Programme des Nations unies pour le développement (Pnud), œuvre à l’intégration des populations déplacées.
Quelques mois après son arrivée, Solange se confie en ces termes : « Après avoir tant travaillé sur nos terres, il a été difficile de partir. Heureusement, à Baltram, nous nous sommes sentis bien accueillis. On nous a attribué des terres et des équipements pour relancer nos activités agricoles. Aujourd’hui, en cultivant du maïs et du riz, je retrouve une certaine normalité. Cela me donne de l’espoir pour toute notre communauté. »
50 millions d’habitants menacés par le climat et l’insécurité
Au Sahel, les températures augmentent 1,5 fois plus rapidement que la moyenne mondiale, menaçant les 50 millions d’habitants de la région, en particulier les femmes et les filles qui dépendent de l’élevage et de l’agriculture.
À cela s’ajoute la survenue d’événements météorologiques extrêmes, lesquels augmentent les risques de catastrophes et menacent les moyens d’existence des personnes les plus vulnérables. En 2022, au Tchad, les pluies les plus abondantes des trente dernières années ont déplacé 1 million de personnes et endommagé plus de 465 000 hectares de terres agricoles. Et, au cours des deux dernières années, les inondations au Niger ont engendré des conséquences humaines et matérielles particulièrement dévastatrices.
Pour les communautés locales, ces effets des changements climatiques s’ajoutent à ceux des violences liées au banditisme, aux conflits intercommunautaires et aux menaces de l’extrémisme religieux. Selon le Centre d’études stratégiques de l’Afrique, les incidents liés à l’extrémisme religieux dans le Sahel représente 40 % de toutes les activités des groupes militants islamistes en Afrique.
Effets multiplicateurs
Les observations faites dans nos zones d’intervention indiquent comment les effets du changement climatique interagissent avec les pressions politiques et sociales, accentuant les vulnérabilités et les tensions existantes.
Au Sahel, les conditions climatiques de plus en plus défavorables, la rareté croissante des ressources en terre et en eau, ainsi que le déplacement forcé de plus de 5,6 millions de personnes exacerbent les tensions entre populations et génèrent parfois des conflits, comme dans le sud-ouest du Nigeria, entre éleveurs nomades fulani migrants et agriculteurs yoruba autochtones.
Dans la région du lac Tchad, où les populations dépendent largement de l’eau du lac et des pluies, l’insécurité et les conflits armés entravent fréquemment l’accès vital à l’eau, intensifiant les rivalités entre agriculteurs et éleveurs face aux fluctuations saisonnières des précipitations.
Par ailleurs, des études de l’Institut norvégien des affaires internationales et de l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm indiquent que le changement climatique influence la prise de décision, le recrutement et les tactiques des groupes armés terroristes au Sahel, qui ciblent tout particulièrement les jeunes marginalisés avec des incitations économiques et alimentaires en échange de leur loyauté.
Une réponse basée sur la nature et les besoins locaux
La priorité doit être accordée à l’expertise des communautés locales, qui sont les mieux placées pour contribuer aux stratégies de réponse. C’est pour cela que des comités locaux de stabilisation, qui incluent nombre de jeunes et de femmes, jouent un rôle central dans chaque intervention.
Les initiatives de la Facilité régionale de stabilisation pour le Liptako-Gourma et le bassin du lac Tchad fournissent aux communautés des outils et des solutions basées sur la nature, afin de sécuriser leurs moyens de subsistance, d’améliorer les conditions socio-économiques et de renforcer la cohésion sociale dans les zones touchées par les conflits, en tenant compte des dynamiques créées par les effets du changement climatique.
Par exemple, nous avons régénéré plus de 650 hectares de sol appauvri à la frontière avec le Burkina Faso et le Niger, ce qui crée des espaces propices aux activités agricoles. Au Cameroun, nous avons formé environ 5 000 agriculteurs, dont la moitié sont des femmes, dans la production et l’utilisation de biopesticides. Au Mali, le programme a soutenu plus de 1 500 personnes avec la fourniture d’équipements essentiels pour l’agriculture, l’élevage et la pêche, ce qui permet d’améliorer la productivité du travail, les revenus des ménages et de renforcer la sécurité alimentaire.
L’accès à l’eau potable, rendu possible grâce à la construction de puits communautaires et agropastoraux, a permis de réduire les risques de maladies transmises par l’eau et de diversifier la production agricole à travers l’irrigation au Burkina Faso et au Mali.
Un modèle de stabilisation
Enfin, grâce à l’installation de 3 700 lampadaires solaires à travers le bassin du lac Tchad et le Liptako-Gourma, la sécurité est renforcée en particulier pour les femmes et les filles, exposées à des risques accrus de violence. En soutenant les communautés d’accueil et les populations déplacées par les inondations dans le bassin du lac Tchad, la stabilisation a contribué à résoudre les griefs sous-jacents et à atténuer les risques de conflit.
Avec le retour dans leurs villages de plus de 435 000 personnes déplacées internes depuis le début du programme, en 2019, le modèle de stabilisation progresse dans l’un des contextes les plus complexes au monde.
Il est crucial de maintenir ces investissements et de les étendre, afin d’atteindre plus de personnes, en abordant de manière approfondie l’interaction complexe entre le changement climatique et les violences, pour véritablement renforcer la résilience et promouvoir la paix durable dans la région du Sahel.
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