L’Italienne Meloni présente à l’Afrique son « new deal »

Des accords énergétiques en échange de l’arrêt des migrations : Giorgia Meloni dévoile ce week-end aux pays africains son « new deal » pour le continent, une approche « d’égal à égal » selon elle. Mais il y a loin des intentions aux actes, préviennent ses détracteurs.

La Première ministre italienne Giorgia Meloni accueillie par le président tunisien Kaïs Saïed au palais présidentiel à Tunis, le 16 juillet 2023. © AFP

Publié le 28 janvier 2024 Lecture : 3 minutes.

Arrivée au pouvoir en 2022 avec un programme anti-migrants, la cheffe du gouvernement italien espère faire de l’Italie un pont entre l’Europe et l’Afrique, en assurant à la première de nouvelles voies d’approvisionnement en ressources énergétiques et à la seconde des investissements massifs.

Les dirigeants de nombreux pays africains, dont la liste n’a pas encore été communiquée, sont attendus à Rome pour un sommet qui a lieu de dimanche à lundi 29 janvier. La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et des représentants des agences des Nations unies et de la Banque mondiale en seront.

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Giorgia Meloni doit présenter son « plan Mattei », du nom d’Enrico Mattei, fondateur de l’Eni (le géant énergétique public italien), qui, dans les années 1950, préconisait un rapport de coopération avec les pays africains, en les aidant à développer leurs ressources naturelles. « Une certaine approche paternaliste et prédatrice n’a pas fonctionné jusqu’à présent. Ce qu’il faut faire en Afrique, ce n’est pas de la charité, mais des partenariats stratégiques d’égal à égal », plaidait Giorgia Meloni au début du mois.

Accroître son influence

L’Italie, qui préside cette année le G7, s’est engagée à faire du développement de l’Afrique un thème central de son mandat, en partie pour accroître son influence sur un continent où des puissances telles que la Chine, la Russie, la Turquie, l’Inde et le Japon ont accru leur poids politique.

Mais des experts avancent que l’Italie pourrait avoir du mal à obtenir le soutien de l’Union européenne qui a déjà présenté un plan d’aide à l’Afrique de 150 milliards d’euros en 2022. Pour le moment, le gouvernement italien, qui a réduit son aide bilatérale au développement l’an dernier (hors Libye), a fléché 2,8 millions d’euros par an entre 2024 et 2026 au titre du plan Mattei, dont on ne connaît pas ni le montant ni les modalités. En réalité, selon le quotidien Corriere della Sera, Rome pourrait affecter quatre milliards d’euros à ce plan au cours des cinq à sept prochaines années, dans l’agro-industrie, le transport et les infrastructures – et surtout l’énergie.

Giorgia Meloni souhaite capitaliser sur la demande des autres pays européens qui cherchent à réduire leur dépendance au gaz russe suite à l’invasion de l’Ukraine par Moscou en février 2022.

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Inquiétudes environnementales

Une quarantaine d’organisations de la société civile africaine ont dit craindre cette semaine que l’objectif de ce plan ne soit simplement « d’accroître l’accès de l’Italie au gaz fossile africain au profit de l’Europe et de renforcer le rôle des entreprises italiennes dans l’exploitation des ressources naturelles et humaines de l’Afrique ».

Pour Dean Bhekumuzi Bhebhe, responsable de la campagne « Don’t Gas Africa », l’ambition de Rome « ne tient pas compte de l’urgence de la crise climatique et des voix de la société civile africaine ». Les ONG appellent à un effort en faveur des énergies renouvelables pour répondre aux besoins de plus de 40% des Africains n’ayant aucun accès à l’électricité, au pétrole ou au gaz.

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Francesco Sassi, chercheur en géopolitique de l’énergie au sein du groupe de réflexion RIE, estime que Giorgia Meloni poursuit une « stratégie à courte vue » et « trop simpliste » destinée à « faire face à l’insécurité énergétique et aux défis de la transition énergétique ».

Son approche « apolitique » signifie de fait « moins d’intrusion dans la politique intérieure des partenaires énergétiques africains, qu’il s’agisse de la défense des droits humains ou des politiques énergétiques et environnementales ».

Migration

Et alors que l’énergie « pourrait être la partie la plus pertinente » du plan Mattei, « Meloni y investit du capital politique principalement en raison de la migration », selon Giovanni Carbone, responsable du programme Afrique au centre de réflexion (ISPI).

Bien que la dirigeante italienne ait promis d’arrêter les bateaux en provenance d’Afrique du Nord, les débarquements en Italie ont énormément augmenté depuis son entrée en fonction, passant de quelque 105 000 migrants en 2022 à près de 158 000 en 2023. Le plan Mattei prévoit de s’attaquer aux facteurs dits « incitatifs » et de persuader les pays d’origine de signer des accords de réadmission pour les migrants déboutés.

Les experts avertissent par ailleurs que l’initiative doit être structurée pour durer, l’Italie souffrant d’instabilité politique chronique.

Giovanni Carbone souligne que si « l’Italie a une tradition de relations relativement étroites avec les pays méditerranéens tels que la Tunisie, la Libye, en partie l’Algérie et l’Égypte, c’est moins le cas avec l’Afrique subsaharienne, qui devrait être au cœur du plan Mattei ».

(Avec AFP)

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