À Kinshasa, « deuil » mouvementé pour les partisans de Tshisekedi

« Deuil national ! Nous sommes en deuil national ! » De nombreux Kinois ont bravé la police pendant le week-end pour contester la victoire de Joseph Kabila à la présidentielle.

Un partisan de Tshisekedi à Kinshasa, le 9 décembre 2011. © Gwenn Dubourthoumieu/AFP

Un partisan de Tshisekedi à Kinshasa, le 9 décembre 2011. © Gwenn Dubourthoumieu/AFP

Publié le 11 décembre 2011 Lecture : 3 minutes.

"Deuil national! Nous sommes en deuil national!": dans une rue barricadée du centre de Kinshasa, des jeunes crient leur déception après la défaite de l’opposant Etienne Tshisekedi face au sortant Joseph Kabila à la présidentielle en République démocratique du Congo (RDC).

Dans le quartier Bambu (centre), beaucoup disent avoir voté pour le vieil opposant de 78 ans, qui a rejeté les résultats et s’est autoproclamé président. "Nous ne voulons pas de Kabila ici!", s’égosille un homme d’une quarantaine d’années, le regard chargé de colère. Et revient la lancinante complainte de ces derniers jours: plusieurs congolais accusent, sans plus de précisions, le président français Nicolas Sarkozy d’avoir orchestré la réélection "frauduleuse" de Joseph Kabila.

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Une détonation stoppe net le brouhaha, les pro-Tshisekedi s’éparpillent, ceux qui observaient la scène sur le pas de leur porte s’enferment chez eux. La détonation provient d’un tir en l’air d’une kalachnikov d’un des policiers, venus à pieds ou en pick-up. Plus loin, des policiers en panne de menottes ont ligoté trois jeunes hommes avec de fines cordes qui sanglent leurs bras. "Vous êtes des instigateurs! Vous, vous êtes là pour soulever la masse!", lance un policier, pendant qu’un autre gifle l’un des suspects. Il ne bronche pas.

"La police est en train de terroriser la population"

Un autre jeune, accusé d’avoir mis le feu à un pneu, pleure son innocence et implore Dieu de lui venir en aide. Trois autres jeunes en civil et aux traits juvéniles accompagnent les policiers et frappent à l’occasion le trio interpellé. "Ils nous aident à dénicher certains badauds qui veulent semer des troubles parce qu’avec nos uniformes, nous sommes très visibles", explique un policier, alors que l’un des "aides" tient un longeron en guise d’arme.

Certains habitants saluent discrètement l’élection de Joseph Kabila, mais d’autres se plaignent de la faim ou des exactions. "Des policiers sont venus nombreux avec un camion. Ils n’ont pas pris le pain, seulement l’argent et mon téléphone", se plaint Pablo, vendeur de pain.

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Mêmes scènes à Mombele, près de la résidence d’Etienne Tshisekedi. "La police est en train de terroriser la population: elle casse les portes des maisons sous prétexte de chercher je ne sais quoi et la première chose qu’ils prennent est le portable et l’argent", affirme à l’AFP l’opposante Angèle Makombo, présidente du parti Ligue des démocrates congolais.

"Une rupture de confiance entre la police et les jeunes"

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"Le gouvernement ne nous a pas dit de ne pas travailler, mais de travailler calmement. Comment (les policiers) peuvent nous piller comme ça!", regrette Pablo, avant d’aller voir des policiers pour se plaindre.

Un pick-up arrive subitement. Des policiers pénètrent dans des domiciles et embarquent quelques jeunes. Les interpellés sont emmenés dans le véhicule. L’un d’eux, un beignet à la main, est assis sur un autre couché sur le plancher, mains attachées dans le dos, le visage tordu de douleur. Un père s’approche pour récupérer son fils, ses autres enfants en bas âge hurlent et pleurent de peur. "Il n’a rien fait!" lance-t-il. "On va te tuer!" menace un policier pour le faire fuir. Un autre jeune est interpellé: "Mais quelle brutalité!", murmure un vieil homme témoin de la scène.

"Avec ce climat, il va y avoir une rupture de confiance entre la police et les jeunes, et quand ils verront les policiers, ils vont leur jeter des pierres, eux vont réprimer, et cela risque d’être un cercle sans fin", s’inquiète Angèle Makombo. Interrogé samedi sur le comportement de certains de ses hommes, le chef de la police congolaise, le général Charles Bisengimana, a évoqué des "brebis galeuses" et promis que la justice militaire les jugerait.

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