Les Marocains de France dopés par la CAN
Depuis le 13 janvier 2024, nombreux sont les membres de la diaspora marocaine en France qui suivent passionnément le parcours des Lions de l’Atlas dans la CAN qui se joue en Côte d’Ivoire. Et souvent, l’événement va pour eux bien au-delà du football.
Si beaucoup de Franco-Marocains suivent la Coupe d’Afrique des nations (CAN) par goût du football, nombre d’entre eux regardent aussi – voire surtout – la compétition comme un moment pour se retrouver autour de leur pays d’origine. Pendant la Coupe du monde 2022 disputée au Qatar, les nations africaines et arabes ont encouragé le Maroc, qui est allé jusqu’en demi-finale. Mais la CAN, elle, est l’occasion d’affirmer ses différences et de taquiner ses voisins. Cette année, les Lions de l’Atlas y sont très attendus.
À Paris, les événements se multiplient pendant ce mois de compétition pour permettra aux supporters marocains de se retrouver les soirs de match. Des associations qui valorisent les cultures africaines, comme Soko Fundi ou Arabengers, organisent la diffusion des matchs et profitent de cette occasion pour faire découvrir à ceux qui le veulent les cultures et gastronomies des pays en lice. La joie et le stress sont vécus collectivement à chaque match.
Nadia, journaliste de 45 ans, suit le football depuis l’âge de 12 ans. Elle était la seule à s’y intéresser dans sa famille, et suivait surtout les championnats français et européens. Elle se souvient de la Coupe du monde 1998, jouée en France, durant laquelle Mustapha Hadji, franco-marocain et chleuh, lui permettait de cultiver son identité. Depuis lors, elle suit le parcours de l’équipe nationale, ce qui renforce pour elle le bonheur d’être marocaine. La binationalité de nombreux joueurs de l’équipe actuelle, et leur rapport à la langue arabe, parfois peu ou mal parlée, les rapprochent des membres de la diaspora. « Le succès de l’équipe fédère le peuple là où la politique ne pourrait pas le faire, par exemple », explique-t-elle.
La CAN offre aussi l’opportunité de rassembler les Africains de France qui, en plus d’avoir en commun d’être loin de leur pays d’origine, partagent une même histoire coloniale. Le sport, le football en particulier, est un moyen de fédérer les Africains et permet de rendre visibles les innombrables cultures du continent, comme on a pu le voir lors de la cérémonie d’ouverture. « Le monde entier va bientôt pouvoir situer le Maroc sur une carte », se réjouit Nadia. Avec les drapeaux amazigh, marocain et palestinien, brandis en soutien aux événements se passant à Gaza, la diaspora se sent reconnue, ce qui ne lui semble pas évident en France habituellement.
Sentiment d’appartenance
Pour Dylan, scénariste de 24 ans, « le Maroc est une terre de nostalgie » que ses parents ont quittée. « Regarder l’équipe de football jouer, c’est aussi un moyen de célébrer le Maroc et le passé familial », estime-t-il. Il espère que la CAN prendra de plus en plus d’ampleur et deviendra aussi importante que l’Euro aux yeux du monde. Pour sa part, il envisage déjà d’aller au Maroc pour assister à la CAN 2026.
Les nombreuses images de ferveur de la Coupe du monde 2022 sur les réseaux sociaux restent dans la mémoire des membres de la diaspora, et nombreux sont ceux qui voudraient prendre part aux festivités. C’est ainsi le cas d’Ayoub, étudiant à Paris, qui raconte que « la CAN renforce les liens avec le pays, le sentiment d’appartenance, et cela donne envie d’aller au Maroc ». Il suit l’équipe depuis son enfance avec son père, né au Maroc, qui ne rate pas une compétition. Aujourd’hui, il voit toute l’excitation suscitée par le football marocain et s’en réjouit. Il salue le travail de la fédération et cette période positive, tant pour les hommes que pour les femmes, celles-ci ayant fini en huitième de finale lors de la dernière Coupe du monde. La décennie prochaine s’annonce prometteuse, notamment avec les U20 féminines qui viennent de se qualifier pour la prochaine Coupe du monde 2024.
Omar, lui, vit en France depuis une dizaine d’années. Pour cet entrepreneur de 28 ans, « la CAN est un événement durant lequel les Africains se vannent pendant quelques semaines, notamment au travail ». Cela crée des conversations et des bons moments dans les bureaux. S’il regarde très rarement les matchs, il va suivre les prochains avec sa mère, qui est la seule de la famille à s’intéresser vraiment à ce sport. Omar s’amuse à la voir crier sur les joueurs et « se comporter comme le deuxième entraîneur ». Mais il précise que son rapport au Maroc ne passe pas que par le foot, mais plutôt par la nourriture et sa famille. La Coupe d’Afrique des nations est aussi une occasion de mêler le tout.
La CAN est donc souvent une affaire de famille, comme en témoigne Adil, marocain par sa mère, qui a commencé à s’intéresser à l’équipe marocaine sous l’influence de ses cousins et surtout après la venue d’Achraf Hakimi au Paris-Saint-Germain, pendant l’été 2021. Quand son travail sur les tournages de cinéma le lui permettait, il regardait les matchs de poule sur son téléphone. « Cela ne change pas mon rapport au pays, j’allais au Maroc l’été étant plus jeune », assure Adil. Il s’identifie beaucoup à l’équipe et pense déjà aller au Maroc si elle se hisse jusqu’en finale, pour participer à l’effervescence qui s’annonce immense.
Signe de cet engouement pour l’équipe marocaine – et pour la CAN plus globalement – , l’association Arabengers a organisé une table ronde intitulée « CAN : quel symbole pour les diasporas ? » Parmi les intervenants, Moussa Sow, qui a créé la Coupe nationale des quartiers, se réjouit que des personnes de différentes nationalités viennent suivre les retransmissions et se réunissent autour de leurs identités.
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