Donald Trump et Jacob Zuma, même combat ?

Populistes et sans vergogne, les anciens présidents américain et sud-africain présentent de troublants points communs. Si leurs ambitions diffèrent, ils n’en constituent pas moins les deux faces d’une même pièce.

Donald Trump et Jacob Zuma. © (Montage JA) Gianluigi Guercia/AFP – Mike Segar/REUTERS

Donald Trump et Jacob Zuma. © (Montage JA) Gianluigi Guercia/AFP – Mike Segar/REUTERS

Publié le 31 janvier 2024 Lecture : 4 minutes.

Difficile de ne pas les comparer. Anciens présidents, fréquemment décrits comme des politiciens roués, tous deux puisent abondamment et sans vergogne dans le registre populiste. Refusant de prendre leur retraite politique, ils sont bien déterminés à peser – de manière directe ou indirecte – sur la conduite de leur pays (les États-Unis pour l’un, l’Afrique du Sud pour l’autre) où se dérouleront des élections en 2024, une coïncidence de calendrier qui n’arrive qu’une fois tous les 20 ans.

La liste des points communs entre Donald Trump et Jacob Zuma ne s’arrête pas là. L’un et l’autre avaient dépassé l’âge de la retraite quand ils ont été élus aux plus hautes fonctions : le Sud-Africain avait 67 ans lorsqu’il a succédé à Kgalema Motlanthe en 2009 et l’Américain en avait 70 lorsqu’il est entré à la Maison Blanche en 2016. L’humoriste d’origine sud-africaine Trevor Noah, qui résidait alors à New York, avait ainsi résumé leurs ressemblances : « Quand on regarde Zuma et Trump, on a l’impression que ce sont deux frères nés de mère différente. »

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Des hommes politiques « en téflon »

Il s’était ensuite plu à souligner que tous deux avaient eu des démêlés avec la justice, qu’ils avaient bénéficié d’un soutien décisif dans les zones rurales, qu’ils avaient été qualifiés d’hommes politiques « en téflon » (autrement dit sur lesquels tout semble glisser), qu’ils avaient l’un et l’autre été accusés de viol et qu’ils aimaient impliquer leurs enfants dans leurs affaires.

Quelques années plus tard, leur retrait du pouvoir a été marqué par des insurrections violentes qui auront marqué l’histoire de leur pays. Défait dans les urnes par Joe Biden, Trump aura été à l’origine de l’assaut du 6 janvier 2021 qui a vu des milliers d’émeutiers attaquer le Capitole, brisant portes et fenêtres, pour contester les résultats de l’élection et « sauver l’Amérique ». En Afrique du Sud, c’est l’incarcération de Zuma après son refus de témoigner devant une commission anti-corruption ainsi que le lui ordonnait la Cour constitutionnelle, qui déclenchera des manifestations violentes et des pillages en juillet 2021 au cours desquels plus de 300 personnes perdront la vie.

La comparaison s’arrête-t-elle là ? Soutenu par son parti, le Congrès national africain (ANC), Jacob Zuma s’est accroché au pouvoir plus longtemps que Donald Trump. Il est parvenu à obtenir un second mandat en 2014, alors même qu’il avait été prouvé qu’il avait rénové sa maison de Nkandla avec les fonds de l’État. Mais à l’époque, les députés de l’ANC l’ont couvert en mentant notamment au sujet d’une piscine, soutenant qu’il s’agissait bien d’un dispositif de sécurité destiné à lutter contre les incendies. Zuma sera finalement évincé un an avant la fin de son mandat, le 14 février 2018, après être tombé en disgrâce auprès de l’ANC qui avait porté Cyril Ramaphosa à sa tête deux mois plus tôt.

Retour de Trump

Et Trump ? Lui a été désavoué par les électeurs au bout de quatre ans mais, en dépit des efforts déployés par ses adversaires pour le faire déclarer inéligible à la présidence, il est bien parti pour devenir le candidat du Parti républicain à nouveau, et a une réelle chance de s’imposer lors de la présidentielle de novembre prochain.

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Ce n’est pas le cas de Jacob Zuma. Incarcéré en 2021, il ne peut pas devenir député, condition sine qua non pour être élu président dans le système sud-africain. Il n’a d’ailleurs été désigné candidat par aucun parti.

Toutefois, l’ancien président sud-africain a déjà publiquement critiqué le travail de la commission électorale : en semant la méfiance dès maintenant, il pourrait préparer un rejet violent du résultat par ses partisans, comme l’a fait Donald Trump. Et de fait, l’establishment sud-africain est inquiet. Le ministre de l’Eau et de l’Assainissement, Senzo Mchunu, originaire de du KwaZulu-Natal, fief de Zuma, est allé jusqu’à déclarer sur les ondes de la radio SAFM que Zuma pourrait être « dangereux ». Il a aussi souligné le fait que les instigateurs des violences de 2021 n’ont jamais été arrêtés.

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« Nous devrions avoir peur »

Pour l’instant, ce dernier s’est rallié à un parti portant le nom de l’ancienne branche armée de l’ANC, uMkhonto weSizwe (MK), se disant insatisfait de la direction que prend l’ANC sous la présidence de Cyril Ramaphosa. En 2021, « il y avait un indice que quelqu’un préparait quelque chose quelque part, et je pense que nous devrions avoir peur et ne pas [sous-estimer] ce genre de choses, a ajouté Senzo Mchunu. Nous devrions renforcer notre sécurité et suivre certaines personnes en ce qui concerne leurs activités et leurs projets. »

A-t-il raison de s’inquiéter ? Le politologue Ebrahim Fakir explique que Zuma est moins intéressé par le pouvoir que par l’influence dont il rêve de pouvoir disposer et qui lui permettrait d’éviter de rendre des comptes devant la justice. « Il s’agit simplement d’exercer des pressions au sein du système pour rester à l’abri des tribunaux, dit-il. Ses plans ne sont pas aussi grandioses que ceux de Trump. »
L’ancien président sud-africain fait en effet face à de nombreuses accusations de corruption, notamment en lien avec une affaire de vente d’armes. Il doit également rembourser des millions de dollars de frais de justice.

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