M. Ejekam, Actis : « Rien qu’à Lagos, il y a de la place pour 15 centres commerciaux »
Alors que les projets de centres commerciaux se multiplient en Afrique, Michael Chu’di Ejekam, directeur immobilier chez Actis, l’un des plus sérieux acteurs dans ce domaine en Afrique, détaille les grands challenges auxquels est confronté un métier qui n’est pas, loin s’en faut, une activité facile.
Dans son édition en kiosques cette semaine (n°2755-56 du 27 octobre au 9 novembre), Jeune Afrique a enquêté sur le boom de la grande distribution et des centres commerciaux en Afrique. Alors que les annonces, les ambitions et les projets se multiplient, J.A. souligne les grandes difficultés auxquelles est confronté ce métier loin d’être simple : coût du foncier très élevé, exigences de financement importantes, risque lié au mauvais dimensionnement des centres. Et, bien sûr, la question de la gestion des approvisionnements : dans certains pays, comme le Congo, 80% des produits vendus dans les supermarchés sont importés… Actis est l’un des précurseurs des centres commerciaux au sud du Sahara, avec une décennie d’expérience. Michael Chu’di Ejekam, directeur immobilier chez le capital-investisseur, répond aux questions de J.A.
Propos recueillis par Frédéric Maury
Jeune Afrique : Combien de centres commerciaux avez-vous construit ?
Michael Chu’di Ejekam : Cinq. Deux à Lagos (The Palms et Ikeja), un à Accra (Accra Mall), un à Nairobi (The Junction) et à Maurice. Et nous avons quelques projets en cours. Garden City, à Nairobi, est le plus important, avec 48 000 m2 de GLA. Les travaux ont commencé pour une livraison en 2015. Tout comme le Jabi Lake Mall, qui sera le premier centre commercial de qualité à Abuja. Nous allons aussi construire deux autres centres, l’un à Accra, l’autre à Lusaka.
Connaissent-ils le succès ?
Ikeja Mall à Lagos attire 750 000 visiteurs par mois. Le supermarché Shoprite est le troisième magasin le plus performant au monde du groupe sud-africain. Les marques nous accompagnent : la première vague a été constituée des Sud-Africaines, Massmart et Shoprite pour les surfaces alimentaires, ou Foschini pour l’habillement, par exemple. Nous attendons une deuxième vague venant cette fois du Moyen-Orient. Les groupes de ces pays là apporteront soit leurs propres marques soit des marques internationales dont ils ont déjà la franchise pour leur zone d’origine.
Vous faites le pari de la classe moyenne…
L’Afrique subsaharienne a une population très importante et qui va être amenée à croître. En 200, 66% appartenait à une catégorie définie comme ayant des besoins basiques. En 2020, la proportion se sera totalement inversée et 54% des ménages auront des besoins intermédiaires. Les 18 principales villes en Afrique afficheront en 2030 un niveau de dépenses de 1300 milliards de dollars par an. La France, c’est 539 milliards. D’autres éléments comptent et notamment la croissance de la population dans les zones urbaines, où la consommation croît deux fois plus vite que dans les campagnes. En 2007, 65% de la population africaine était rurale. En 2025, le même chiffre sera atteint mais pour les villes. Il y a une demande massive non satisfaite dans plusieurs domaines relevant de l’immobilier, en raison de nombreuses années de sous-investissement : les centres commerciaux, les bureaux de qualité et les logements pour les revenus moyens.
Pensez-vous qu’il y a de la place pour un grand nombre de centres commerciaux au sud du Sahara ?
Si l’on observe le nombre de surfaces de qualité de plus de 20 000 m2 : Johannesburg, (entre 4 et 5 millions habitants) en compte 72. Lagos, (22 millions d’habitants), n’en a que 2. Accra, un seul, comme Kampala. Et Nairobi, 3. Rien qu’à Lagos, je pense qu’il y a facilement de la place pour 15 centres commerciaux de ce genre. Il y a en Afrique la même dynamique qu’en Inde entre 2003 et 2007, où le nombre de malls est passé de 30 à 230.
Comment choisissez-vous vos sites d’implantation et leur taille ?
Nous commandons systématiquement des études par des consultants. Ce derniers analysent la zone, évaluent l’infrastructure routière et le pouvoir d’achat. Tout cela détermine le choix du site et la taille du centre. Après, il y a des contextes locaux qui peuvent être bloquants. En général, 40% des commerces dans les centres sont liés au secteur de l’habillement. Et jusqu’en 2010, au Nigeria, il était interdit d’importer des produits textiles finis. C’était forcèment un facteur bloquant.
Vous n’avez pas investi en zone francophone. Le potentiel est moins important ?
Il est équivalent. Nous nous intéressons à cette zone, qui connaît le même boom que le reste du continent. Et en particulier à la Côte d’Ivoire.
Votre métier est complexe. Quels en sont les principales difficultés ?
Je citerais plusieurs challenges. D’abord trouver le terrain et à un bon prix. Ensuite, dénicher les financements. Un mall comme Ikeja coûte environ 90 millions de dollars dont la moitié sous forme de prêts. C’est une somme pas forcèment simple à trouver et coûteuse, car les taux d’intérêt sont élevés en Afrique. Un autre challenge est le manque d’expertise locale en matière de développement immobilier. Les coûts de la construction sont également très élevés. Il est 2,5 fois plus cher de construire au Nigeria qu’en Afrique du Sud. Et 70% des matériaux sont importés. Ensuite, il n’y a pas suffisamment de marques de renom susceptibles de s’installer dans les malls : davantage, ce serait mieux. Enfin, pour nous, Actis, qui avons vocation à céder les centres commerciaux après quelques années, il y a la revente : en revendant trois centres à des spécialistes de l’immobilier, nous avons prouvé notre capacité à relever ce défi.
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