Qui veut la chemise en soie de Mandela ?
Cadeaux de Barack Obama et Bill Clinton, carte d’identité, lettres… Une vente aux enchères d’effets personnels du premier président noir d’Afrique du Sud vient d’être suspendue à New-York, car le gouvernement sud-africain refuse que le patrimoine national soit bradé.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 31 janvier 2024 Lecture : 2 minutes.
Un héros s’appartient-il ? Après son décès, son patrimoine doit-il être la propriété exclusive de sa descendance ? Si les héritiers politiques de Nelson Mandela ont du mal à faire fructifier son legs idéologique – Jacob Zuma a été suspendu par un Congrès national africain (ANC) qui aborde fébrilement la prochaine campagne électorale –, le gouvernement sud-africain s’oppose à la vente d’objets ayant appartenu à « Madiba ».
C’est Makaziwe Mandela, la fille du héros de la lutte anti-apartheid, qui décida d’organiser à New York, dès 2021, la vente aux enchères d’« objets précieux » ayant appartenu à son père, mort en 2013. Dans la liste des références que présente la société américaine Guernsey’s figurent notamment une carte d’identité de 1993, des échanges épistolaires et des cadeaux de dirigeants étrangers comme Barack Obama et Bill Clinton.
La clé de la cellule de Robben Island
Qualifié d’« exceptionnel » et « sans précédent », le catalogue comprend également une chemise en jacquard de soie noire proposée au prix de départ de 34 000 dollars. Mandela la portait, en 1996, lors de sa rencontre avec feu la reine du Royaume-Uni, Elizabeth II. Les éventuels acheteurs pourraient également acquérir un porte-document en cuir d’autruche actuellement estimé à 24 000 dollars. La clé de la cellule de Robben Island, elle, a disparu du catalogue…
En 2021, l’agence sud-africaine des ressources patrimoniales (Sahra) avait saisi la justice pour empêcher la vente de biens qu’elle jugeait d’importance historique et culturelle. L’opération avait été suspendue, avant que les juges sud-africains ne l’autorisent finalement. Programmé le 22 février prochain au Lincoln Center, l’événement vient d’être à nouveau ajourné, selon une annonce faite le 30 janvier.
L’exécutif sud-africain est entré dans la danse, le ministre de la Culture appelant à ce que les témoignages de « l’œuvre de la vie » de Mandela « restent dans le pays ». Pour Zizi Kodwa, l’ancien chef de l’État aujourd’hui disparu fait « partie intégrante du patrimoine sud-africain ». Le recours évoque une « exportation non autorisée » de certains objets listés par la salle de vente. Les procédures judiciaires doivent se poursuivre.
Patrimoine public ou privé ?
Au-delà de l’invocation d’une propriété familiale théoriquement légitime des objets personnels de Madiba, le président de Guernsey’s, Arlan Ettinger, souligne l’intérêt collectif de la vente qu’il entend toujours finaliser. Il serait moins question d’enrichissement personnel de Makaziwe Mandela que d’une récolte de fonds pour la construction d’un jardin mémoriel, près de la tombe de l’ancien chef de l’État, dans son village d’enfance de Qunu.
Arlan Ettinger considère d’ailleurs que ces objets proposés à la vente relèvent davantage de la vie privée de Mandela que de son action publique. Il se dit même certain que, sans cette vente, les éléments du catalogue auraient été « oubliés », échoués « sur des étagères ou dans un placard quelque part », plus vraisemblablement que dans un musée.
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