La capture de Seif el-Islam, un test pour les nouvelles autorités libyennes
La capture de Seif el-Islam Kadhafi et la manière dont se jouera son sort vont mettre à l’épreuve la capacité des nouveaux dirigeants libyens à imposer leur autorité et à gérer la transition, estiment des experts.
Dernier des enfants de Mouammar Kadhafi à être en cavale, Seif el-Islam Kadhafi a été arrêté dans la nuit de vendredi à samedi dans le sud de la Libye.
Les nouvelles autorités ont promis qu’il bénéficierait d’un procès équitable et le ministre du Pétrole, Ali Tarhouni, a espéré que ce jour "historique" signerait "la fin d’une étape et le début d’une autre", consacrée à "construire un pays sur les bases de la justice et de l’égalité".
Il s’agit effectivement de "la fin de l’influence politique du clan Kadhafi et de la peur psychologique" qu’il imposait aux Libyens, estime Saad Djebbar, spécialiste en droit international et expert sur la Libye.
Risques de division
Mais "le plus grand danger maintenant, c’est que les forces qui ont fait tomber Kadhafi père se divisent", ajoute-t-il, en jugeant que la traque de Seif el-Islam avait contribué à unifier les rangs des différentes factions pendant des semaines.
"Le problème, c’est qu’il est détenu par une milice", estime de son côté Fred Abrahams, de l’organisation de défense des droits de l’Homme Human Rights Watch (HRW), en allusion à la brigade de volontaires civils armés qui l’a capturé et ramené à Zenten, 170 km au sud-ouest de Tripoli, dont elle est originaire.
"Je crains qu’ils ne le détiennent pour des questions de positionnement politique alors que (les autorités) sont en train de former un nouveau gouvernement", poursuit-il. "Cela pourrait provoquer plus de tensions entre les factions et nuire aux tentatives de la Libye de créer un nouvel Etat, basé sur les droits de l’Homme".
La composition du nouveau gouvernement intérimaire libyen est attendue dimanche et d’ex-combattants rebelles ont haussé le ton ces derniers jours en réclamant leur part dans le nouvel exécutif.
La gestion de l’affaire Seif el-Islam constituera "sans aucun doute un test (pour les autorités) après la manière dont son père et son frère Mouatassim ont été tués", un test pour savoir si "elles peuvent traiter (ce dossier) selon la loi et pas selon la rue", selon M. Abrahams.
Ahmed Jibril, un conseiller du chef du Conseil national de transition (CNT), minimise les risques de division.
"Les différends entre factions sont naturels et même sains", affirme-t-il, en ne les jugeant pas menaçants parce que "personne ne dit qu’il veut sortir de la tutelle du CNT".
L’éventuelle tenue en Libye du procès de Seif el-Islam, sous le coup d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes contre l’humanité, pourrait aussi avoir un certain impact sur la transition.
M. Djebbar craint que ce procès, qui promet d’être long, ne détourne l’attention de problèmes plus urgents.
"Les institutions judiciaires ne fonctionnent pas"
"Les Libyens doivent maintenant construire un Etat moderne et il y a d’autres priorités", estime-t-il, en citant la sécurité, le désarmement des brigades ou encore les infrastructures.
Sans compter que "les conditions actuelles ne sont pas favorables" à la tenue d’un procès équitable en Libye, poursuit-il. "L’opinion publique est enflammée et il n’y a pas de culture de la justice".
"Les défis sont très grands, il y a tellement de colère et les institutions judiciaires ne fonctionnent pas en Libye aujourd’hui", renchérit M. Abrahams.
Le Premier ministre Abdel Rahim al-Kib a laissé entendre samedi soir que les autorités préfèreraient que Seif al-Islam soit jugé en Libye.
HRW et Amnesty International ont appelé à ce que le fils du défunt "Guide" soit livré à la CPI. La Cour a indiqué de son côté que la Libye avait l’obligation de le lui remettre, sans toutefois exclure la possibilité que le procès ait lieu dans son pays.
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