Souad Benbachir (CFG Bank) : « Nous allons doubler notre taille d’ici à 2027 »
Succès de l’IPO à la Bourse de Casablanca, objectifs de croissance à moyen terme… La directrice générale de la première banque d’affaires au Maroc revient pour Jeune Afrique sur la stratégie de CFG.
Les habits neufs de la banque en Afrique
Dans ce dossier exclusif, JA se fait l’écho de la mutation du secteur bancaire sur le continent et explore, notamment au moyen de classements régionaux, les dynamiques spécifiques aux régions francophone et anglophone. L’interconnexion entre acteurs financiers ouvre un chapitre inédit, avec plus d’inclusion, une industrie résolument autonome et ancrée dans la réalité continentale.
Après avoir racheté tour à tour l’américain Season Brand LLC, Ain Ifrane à Castel, puis les parts d’Accor dans le capital de l’opérateur Risma, l’ancien ministre marocain Adil Douiri vient d’introduire sa banque à la Bourse de Casablanca. Fondée en 1992 par l’ex-ministre et son ami Amyn Alami, CFG Bank a réalisé en décembre une IPO retentissante, souscrite 35 fois pour un montant total de 21 milliards de dirhams (près de deux milliards d’euros). La banque n’en sollicitait pourtant que 600 millions initialement.
En pleine croissance, la banque – dont la Royale Marocaine d’Assurances (RMA) d’Othman Benjelloun est actionnaire – a réalisé en 2022 un produit net bancaire (PNB) de 500 millions de dirhams, soit une hausse de 25 % par rapport à 2021, et un résultat net de 54 millions de dirhams, soit une progression de 73 %. Son objectif pour les prochaines années ? Doubler sa taille en continuant de miser sur ses segments historiques.
La directrice générale de la banque, Souad Benbachir – passée notamment par Goldman Sachs après des études à l’Essec, dont elle est aujourd’hui membre de l’International Advisory Board – détaille à Jeune Afrique les enjeux de l’introduction en Bourse.
Jeune Afrique : L’introduction en Bourse de CFG Bank a été couronnée de succès. Il s’agit même de la meilleure opération en matière de taux de souscription depuis quinze ans. Quelle est, selon vous, la raison de cet engouement ?
Souad Benbachir : J’interprète ce succès, dont nous sommes bien entendu très heureux, de plusieurs façons. D’abord, il s’agit de la première introduction d’une banque depuis vingt ans. Et comme vous le savez, le secteur bancaire, étant bien réglementé, est rassurant. Il se trouve aussi que CFG est une banque en croissance.
À ces deux facteurs qui nous sont favorables s’ajoute le fait que nous sommes un acteur de la première heure des marchés financiers au Maroc. L’essentiel des souscripteurs sont d’ailleurs des investisseurs qui connaissent CFG, ce qui constitue pour moi une reconnaissance de notre rôle pionnier en tant que banque d’affaires. CFG, c’est aussi une histoire d’entrepreneurs qui n’ont quasiment pas distribué de dividendes jusqu’au lancement de la banque – lequel a été permis par nos fonds propres constitués par les résultats de la banque d’affaires.
L’engouement s’explique donc par une dimension factuelle – une banque en croissance –, mais aussi par une dimension émotionnelle liée à la reconnaissance de notre rôle sur les marchés et de notre histoire d’entrepreneurs.
Pourquoi avez-vous attendu 2023 pour réaliser cette IPO ?
Quand on se penche sur l’histoire de la banque, on s’aperçoit que les années 1990 étaient dévolues à la construction de la banque d’affaires, avant de nous diriger vers la banque de détail avec la création d’agences de conseil en épargne. La banque d’affaires étant par nature une activité cyclique, nous avons estimé qu’il n’était pas idéal à ce moment de faire une introduction en Bourse. Nous avons ainsi travaillé pour le lancement de la banque et pour renforcer nos activités non cycliques.
Dans les années 2010, nous avons réalisé des investissements importants et généré des pertes, ce qui est tout à fait normal au regard de notre secteur d’activité, mais c’est ce qui nous a permis d’être aujourd’hui bénéficiaire. Et nous avons encore de la croissance devant nous. C’est donc le moment idéal pour s’introduire en Bourse, dans la mesure où nous prouvons au marché que notre modèle fonctionne et que nous avons de la croissance à prendre.
Au-delà de la valorisation des fonds propres de CFG Bank – ce qui vous permettra d’octroyer plus de crédits –, l’introduction en Bourse avait aussi pour objectif d’accroître la notoriété de la banque et sa proximité auprès du public et des partenaires. Estimez-vous y être parvenu ?
La notoriété, ainsi que l’illustre le succès de l’opération, est déjà là dans la mesure où tout le monde parle de la banque. Cela nous a permis aussi d’associer nos clients, qui deviennent ainsi nos actionnaires. Ces objectifs ont donc bien été atteints.
Les encours de crédits de CFG Bank sont aujourd’hui de 11 milliards de dirhams, soit à peu près 1 % du crédit bancaire global au Maroc. Avez-vous des objectifs en matière de parts de marché dans les années à venir ?
Non, nous n’avons pas d’objectifs de parts de marché. Nous sommes focalisés sur deux segments de clients : les particuliers, qui sont sensibles à la qualité de service, ainsi que la moyenne et la grande entreprise. Nous essayons par conséquent de grandir au maximum dans ces segments et il y a bien de la place pour grandir.
Qu’est-ce qui attire particulièrement ces catégories ?
C’est l’expérience client qui se matérialise par de l’efficacité dans le service offert. Le client peut effectuer en toute autonomie une grande partie des opérations sur son application ou par la télébanque. Nous avons aussi des conseillers dotés d’un niveau de formation [aussi bien en matière de diplômes qu’en temps de formation] plus élevé que la moyenne du secteur bancaire au Maroc. En 45 minutes, le client peut ainsi tout faire et sortir avec un compte ouvert, une carte de crédit et un chéquier imprimé dans l’agence.
Quelques années après le lancement de la banque universelle, CFG est devenue rentable, ce qui vous a permis de vous introduire. Quelles sont aujourd’hui vos perspectives de rentabilité pour les années à venir ?
Historiquement, nous avons doublé notre taille entre 2018 et 2020, puis de nouveau entre 2020 et 2023. Là, nous devrions encore doubler notre taille d’ici à 2027. C’est en tout cas notre plan.
En résultat net, nous allons doubler notre taille plus vite, dans la mesure où l’essentiel des charges et des investissements sont déjà là. En matière de rentabilité, nous sommes d’ailleurs à 16 % [ROE], sachant que notre business plan prévoit de le maintenir à un niveau supérieur à 15 %.
Beaucoup de banques marocaines sont implantées en Afrique subsaharienne. Pourquoi pas CFG ?
Ce n’est pas dans notre plan d’action immédiat. Au cours des quatre prochaines années, nous allons continuer notre stratégie déjà définie : continuer à recruter des clients dans nos segments prioritaires avec des produits prioritaires, à savoir le crédit acquéreur immobilier et le crédit d’investissement à l’entreprise.
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Les habits neufs de la banque en Afrique
Dans ce dossier exclusif, JA se fait l’écho de la mutation du secteur bancaire sur le continent et explore, notamment au moyen de classements régionaux, les dynamiques spécifiques aux régions francophone et anglophone. L’interconnexion entre acteurs financiers ouvre un chapitre inédit, avec plus d’inclusion, une industrie résolument autonome et ancrée dans la réalité continentale.
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