Au Mali, les putschistes zappent France 2
Après les suspensions de RFI et de France 24, la Haute autorité de la communication du Mali ordonne le retrait de la chaîne de télévision publique France 2 de tous les bouquets audiovisuels pendant quatre mois.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 2 février 2024 Lecture : 2 minutes.
Au Sahel, les bouquets télévisuels deviennent des patchworks où alternent des chaînes non cryptées, des canaux brouillés que le téléspectateur n’a pas les moyens de s’offrir et des programmes suspendus à la demande des autorités. Désormais, les Maliens sont priés de ne plus suivre les ventes aux enchères de bibelots ébréchés dans l’émission « Affaire conclue », ni les aventures de Claire et Clément dans le feuilleton « Un si grand soleil »…
Par courrier, les autorités locales ont ordonné aux diffuseurs le retrait de la télévision France 2 de tous les bouquets audiovisuels, pour une période de quatre mois. Elles réagissent à un sujet diffusé, en janvier, par un journal du soir de la chaîne française. La Haute autorité de la communication du Mali (HAC) considère que le document consacré à la situation sécuritaire malienne relevait d’une « apologie du terrorisme », par sa présentation de l’opposition entre « la puissance de feu des groupes armés terroristes » et celle des forces armées maliennes.
Entorses à la déontologie ?
Pour esquiver d’avance les accusations de censure politicienne, la HAC dénonce des « manquements graves » à la déontologie journalistique. Ces entorses au professionnalisme auraient pour conséquence la démoralisation des troupes et de la population. Un effet qui serait même l’objectif premier, l’organisme malien de régulation des médias établissant un lien entre le traitement journalistique de France 2 et la volonté des médias français de « justifier », a posteriori, la présence de la force antijihadiste française Barkhane, jusqu’en 2022. Un catastrophisme hypothétique au service d’une rancœur présumée…
Au jeu de la censure, les chaînes françaises sont les premières croquées, notamment celles qui ont un lien avec les pouvoirs publics. En 2022, ce sont les médias France 24 et Radio France Internationale (RFI) qui étaient définitivement suspendus. Ils relèvent tous les deux de la société nationale France Médias Monde, qui supervise et coordonne les activités des radios et télévisions publiques détenues par l’État français et ayant une diffusion internationale. France 2, elle, appartient au groupe France Télévisions, qui gère les activités de la télévision publique en France.
Dans le désamour entre le Mali et son ancien colon figure en bonne place la guerre de communication, entre paroles officielles plus ou moins digérées et propagande plus ou moins assumée… Alors que l’organisation non gouvernementale Reporters sans frontières (RSF) craint que le Sahel devienne « la plus grande zone de non-information de l’Afrique », les techniques de contournement de la censure se mettent en place. Des Sahéliens se dotent de logiciels VPN, tandis que les chaînes sanctionnées investissent des sites d’hébergement comme YouTube…
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