Présidentielle au Sénégal : Macky Sall acte le report de l’élection
Le président de la République a annoncé ce samedi l’abrogation du décret qui fixe l’élection au 25 février prochain, lors d’une allocution adressée à la nation. Il a également convoqué un dialogue national.
« J’ai signé le décret 2024-106 du 3 février 2024, abrogeant le décret 2023-2283 du 29 novembre 2023, portant convocation du corps électoral », a annoncé Macky Sall ce samedi 3 février à 14 heures, dans une allocution transmise en direct à la télévision nationale.
Si le mot « report » n’a pas été prononcé, le scrutin présidentiel – fixé au 25 février 2024 par ledit décret signé en 2023 – sera bien repoussé à une date ultérieure, qui n’a pas été communiquée. « Mon engagement solennel à ne pas me présenter à l’élection présidentielle reste inchangé », a précisé Macky Sall, qui avait annoncé en juillet dernier ne pas vouloir briguer un troisième mandat.
« J’engagerai un dialogue national ouvert afin de réunir les conditions d’une élection libre, transparente et inclusive », a-t-il ajouté. Le chef de l’État a choisi de s’exprimer le jour même du lancement de la campagne électorale, censée débuter ce samedi à minuit pour l’ensemble des candidats à la présidentielle.
Les rumeurs de report du scrutin enflaient au Sénégal depuis la publication de la liste des candidats par le Conseil constitutionnel, le 20 janvier dernier. Les opposants Ousmane Sonko et Karim Wade avaient été écartés – le premier pour sa condamnation à six mois de prison pour diffamation, le second pour n’avoir pas renoncé à sa nationalité française à temps.
Vers un report de six mois ?
Samedi matin, le bureau de l’Assemblée nationale convoqué en urgence validait une proposition de loi du groupe parlementaire du Parti démocratique sénégalais (PDS) pour le report de l’élection présidentielle.
« Notre groupe parlementaire Démocratie, liberté et changement vient de déposer à l’Assemblée nationale une proposition de loi pour le report de l’élection présidentielle prévue le 25 février prochain, a fait savoir Karim Wade le 2 février. Cette proposition de loi permettra de réparer le préjudice subi par plus de 40 candidats écartés de l’élection présidentielle. »
Pour le PDS, le report était « impératif » : il fallait « s’assurer que toutes les zones d’ombre entourant le processus électoral seront dissipées ». Une initiative motivée « par les nombreux incidents et contestations […] mettant en lumière de graves dysfonctionnements dans la gestion des parrainages et du fichier électoral, et plus encore avec l’élimination arbitraire de candidats« , a fait savoir son groupe parlementaire.
Le mercredi 31 janvier, les députés de la majorité faisaient déjà adopter à l’Assemblée nationale une résolution pour la création d’une commission d’enquête parlementaire, chargée de faire la lumière sur l’ensemble du processus. Karim Wade et son parti accusent de corruption deux membres du Conseil constitutionnel, les magistrats Cheikh Tidiane Coulibaly et Cheikh Ndiaye. Ils soupçonnent également le Premier ministre, Amadou Ba, de « collusion » avec le Conseil.
« Ces conditions troubles pourraient gravement nuire à la crédibilité du scrutin en installant les germes d’un contentieux pré et postélectoral, a indiqué Macky Sall samedi pour justifier le report. Alors qu’il porte encore les stigmates des violentes manifestations de mars 2021 et de juin 2023, notre pays ne peut pas se permettre une nouvelle crise. »
Amadou Ba avait été reçu par le chef de l’État ce 2 février. Le soir même, le candidat de la coalition présidentielle annonçait « le début de la campagne » et son souhait de voir se tenir « des élections dans la paix et la transparence ». « Les élections se tiendront bien le 25 février », voulait encore croire un membre de son équipe vendredi. Le même jour, la ministre du Développement communautaire, Thérèse Faye Sall, fidèle du chef de l’État, s’exprimait publiquement pour militer pour un report des élections « de six mois », en raison d’un risque de « troubles ».
L’opposition mobilisée
Plusieurs candidats ont exprimé leur désaccord vis-à-vis d’un report de l’élection. L’ancien maire de Dakar Khalifa Sall a ainsi dit son « opposition catégorique à toute tentative de report ». « Le non-respect du calendrier républicain ouvrirait la voie à une instabilité politique inédite, jetant le Sénégal dans une période d’incertitude aux conséquences désastreuses », a-t-il prévenu. « Il n’existe dans le pays aucune crise institutionnelle, aucune interruption du fonctionnement régulier des institutions pouvant justifier un tel report », a-t-il ajouté.
« Nous rejetons fermement toute idée de report des élections, qui ne repose sur aucune base juridique », a ajouté le candidat Thierno Alassane Sall, qui avait déposé le recours contre Karim Wade devant le Conseil constitutionnel, évoquant un « forcing infondé et insensé » du candidat du PDS.
La Cedeao exprime son « inquiétude »
La Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest a exprimé samedi soir son « inquiétude » après le report de la présidentielle au Sénégal, État membre, et a appelé la classe politique au dialogue.
Sur les réseaux sociaux, la Cedeao « exprime son inquiétude face aux circonstances qui ont conduit au report de l’élection et appelle les autorités compétentes à favoriser les procédures afin de fixer une nouvelle date ». Elle appelle la classe politique à « donner la priorité au dialogue ».
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