Présidentielle au Sénégal : Netflix au pays de la Teranga

Mauvais scénario ou série à rebondissements ? En reportant sine die l’élection présidentielle, Macky Sall fait entrer son pays dans une réalité aux allures de fiction.

© Damien Glez

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Publié le 5 février 2024 Lecture : 2 minutes.

Les électeurs sénégalais ont du mal à en croire leurs yeux. Si la tension est palpable depuis des mois dans un Sénégal en précampagne, le metteur en scène de cette réalité aux allures de fiction a surpris son monde. Samedi 3 février, le président Macky Sall a fait le coup du « glissement » électoral à la congolaise.

« Inédit » est le mot qui surnage dans la bouche des experts et sous la plume des journalistes. Depuis l’indépendance de 1960, jamais le Sénégal n’a manqué le rendez-vous d’une élection présidentielle. Le pays est même présenté comme un exemple de stabilité démocratique, avec un minimum de bruit de bottes et un record d’alternances, deux chefs de l’État sortants ayant été battus à la loyale. Alors depuis deux jours, les uns tentent de justifier l’épisode inattendu d’un thriller politique qui s’écrit en même temps qu’il s’interprète, tandis que d’autres espèrent encore l’infléchir.

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À qui profite le report ?

Macky Sall se drape dans la sagesse supposée de l’arbitre qui se sent obligé de siffler une suspension de match après avoir constaté « un différend entre l’Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel, en conflit ouvert sur fond d’une supposée affaire de corruption de juges ». Une affaire qui concerne justement le « processus de vérification des candidatures » à l’élection dont il est question. Tel Ponce Pilate, celui qui ne figurait pas sur la liste des présidentiables ne tend-il pas une main philanthropique aux recalés comme Karim Wade ou, même si ça n’était pas son intention, à Ousmane Sonko ?

Les partisans de ce dernier ne semblent pas l’entendre de cette oreille. Yassine Fall, vice-présidente du Pastef (officiellement dissous) parle de « coup d’État constitutionnel ». Certaine que son parti allait remporter le scrutin, avec ou sans Sonko, elle affirme que « Macky Sall ne fait pas ça pour nous, mais contre nous ».

Karim Wade peut-il davantage attendre de ce temps additionnel ? Retoqué pour nationalité française résiduelle à la date de validation des candidatures, le fils d’Abdoulaye Wade a certainement observé de près la séquence – voire y a joué un rôle plus ou moins direct.

Agenda caché ou boîte de Pandore ?

Quelle que soit la sincérité de Macky Sall en matière d’apaisement, c’est à une certaine nervosité de la rue dakaroise que son coup de théâtre a conduit.

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Le président a-t-il ouvert une boîte de Pandore qu’il aura du mal à refermer ? A-t-il un agenda caché ? Les plus ironiques des observateurs l’imaginent toquer à la porte de l’Alliance des États du Sahel (AES), lui qui vient de provoquer l’inquiétude de la Communauté économique des États de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao). À moins que son freinage brutal ne fasse dérailler plus radicalement le processus démocratique vers un putsch moins constitutionnel. Macky Sall s’inspirera-t-il du scénariste ivoirien qui brigua finalement un troisième mandat après avoir désigné son successeur ? Mais chut ! Pas de spoilers avant le climax de cette série à succès !

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