Constituante : les Tunisiens votent librement pour la première fois de leur histoire

Les Tunisiens ont commencé à voter dimanche dans l’émotion, pour le premier scrutin libre de l’histoire du pays afin d’élire une assemblée constituante et tourner définitivement la page de Ben Ali chassé en janvier par une révolution populaire après 23 ans d’un règne sans partage.

Affiche électorale au centre de presse international, le 22 octobre 2011 à Tunis. © Lionel Bonaventure/AFP

Affiche électorale au centre de presse international, le 22 octobre 2011 à Tunis. © Lionel Bonaventure/AFP

Publié le 23 octobre 2011 Lecture : 3 minutes.

"Je n’ai pas fermé l’oeil de la nuit tellement je suis content de voter pour la première fois de ma vie pour des élections libres", a déclaré à l’AFP Houcine Khlifi, 62 ans, qui attendait depuis 6H00 (05H00 GMT) devant un bureau de vote du centre-ville de Tunis, qui a ouvert à 07H00 précises, comme prévu.

"La Tunisie offre aujourd’hui au monde entier un bouquet de fleurs, de liberté et de dignité", a-t-il dit.

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Avant même l’ouverture du bureau, gardé par six militaires et trois policiers, une trentaine de personnes attendaient, impatientes de pouvoir voter.

Crucial pour les Tunisiens, l’enjeu l’est aussi pour le printemps arabe : sa réussite ou son échec enverront un signal déterminant aux peuples qui se sont soulevés dans la foulée de la révolution tunisienne.

Coïncidence du calendrier: la Tunisie se rend aux urnes le jour même où son voisin libyen doit proclamer sa "libération totale", trois jours après la mort de Mouammar Kadhafi.

Devant les bureaux de vote du quartier résidentiel d’El Menzah comme dans la banlieue sud de Ben Arous, des centaines de personnes attendaient de déposer leur bulletin dans l’urne.

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"Avant, c’était une mascarade"

"C’est un événement. C’est la première fois de ma vie que je vote. Avant, je ne faisais aucun effort pour venir voter, c’était une mascarade", a dit Salima Cherif, 48 ans, devant un bureau de Mutuelle-ville, près de Tunis.

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Plus de 7 millions d’électeurs sont appelés à élire les 217 membres d’une assemblée constituante qui devra rédiger une nouvelle constitution et désigner un exécutif, lequel gouvernera jusqu’aux prochaines élections générales.

La grande inconnue est le taux de participation au vu de la multiplicité des candidats dans un paysage politique remodelé pour des élections dont, pour la première fois, les résultats ne sont pas connus par avance.

Les électeurs devront départager 11.686 candidats, répartis sur 1.517 listes, présentées par 80 partis et des "indépendants" (40%). Alors que la parité est obligatoire, les femmes ne sont que 7% à mener des listes.

Le scrutin sera sécurisé par plus de 40.000 forces de l’ordre, surveillé par des observateurs locaux (13.000) et internationaux (plus de 600).

L’acte de voter avait perdu tout son sens sous la présidence autoritaire de Habib Bourguiba, le père de l’indépendance (1956) qui s’en été vite dispensé.

Il n’était qu’une formalité électorale sous le règne de son successeur Zine El-Abidine Ben Ali, constamment réélu avec des scores défiant l’imagination (99,91% en 1994).

Fait inédit, c’est une instance électorale (Isie) totalement indépendante de l’éxécutif qui a piloté tout le processus électoral, à la place du ministère de l’Intérieur disqualifié par des années de fraude.

Samedi soir, le président de l’Isie Kamel Jendoubi avait encore appelé ses concitoyens à voter massivement, en "pensant à la grande Tunisie, à son avenir et aux martyrs de la révolution qui nous ont permis de vivre ce jour historique".

Parti du centre déshérité du pays le 17 décembre 2010 après l’immolation d’un jeune vendeur ambulant de Sidi Bouzid, un soulèvement populaire sans précédent a gagné en un mois tout le pays. Ben Ali a pris la fuite le 14 janvier pour se réfugier en Arabie saoudite.

Souvenir des martyrs de la révolution

Le vent de liberté de la révolution a profité au grand parti islamiste Ennahdha, durement réprimé sous l’ancien régime et légalisé en mars, qui a reconstitué rapidement ses réseaux.

Son chef Rached Ghannouchi a cherché à rassurer. Il s’est réclamé d’un islam modéré proche du parti islamo-conservateur au pouvoir en Turquie AKP, a promis de ne pas toucher au statut de la femme, le plus avancé du monde arabe, et prôné un gouvernement de large union.

Incapables de s’entendre pour créer un front anti-islamiste, les grands partis de gauche ont promis une vigilance de tous les instants pour défendre les libertés acquises de la révolution et le statut de la femme tunisienne.

Le dépouillement commencera dès la fermeture des bureaux de vote à 19H00 et les premiers résultats tomberont dans la nuit. L’Isie annoncera les résultats définitifs lundi après-midi.

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