Report de la présidentielle au Sénégal : aux racines de la crise politique
Le renvoi du scrutin au 15 décembre 2024 a provoqué un séisme politique qui plonge le pays dans la crise. Comment en est-on arrivé là ? Décryptage en vidéo.
À chaque jour, désormais, son lot de rebondissements et de retournements aussi inédits qu’inquiétants. En annonçant le report sine die de la présidentielle, dont le premier tour était initialement prévu le 25 février, le président Macky Sall a provoqué un séisme politique sans précédent. La manière dont s’est déroulé le vote de ce report à l’Assemblée nationale, le 5 février, au terme d’une séance plus que tendue et alors que les députés de l’opposition avaient été expulsés de l’hémicycle manu militari, a encore accentué le choc.
Comment en est-on arrivé à ce niveau de tensions ? Pourquoi le président sénégalais, dont l’annonce, en juillet dernier, de son intention de ne pas briguer de troisième mandat avait été largement saluée, tant au Sénégal qu’au niveau international, a-t-il décidé de décaler le scrutin ? Les opposants ont-ils raison de dénoncer un « coup d’État institutionnel » ? « Les rumeurs d’un report sont arrivées très tardivement. Ce n’est qu’au cours des derniers jours que la machine s’est emballée », souligne Mehdi Ba dans le décryptage vidéo que nous vous proposons pour mieux comprendre les racines de cette crise politique.
« Troubles »
La désignation d’Amadou Ba comme « dauphin » par Macky Sall a constitué l’un des premiers crans dans la montée des tensions. Le Premier ministre était en effet loin de faire l’unanimité au sein du camp présidentiel. Certains des caciques du parti au pouvoir ont d’ailleurs choisi de faire cavalier seul et de se présenter en indépendants. Au sein de la majorité, les critiques à l’encontre du candidat désigné n’ont cessé d’enfler ces dernières semaines.
L’invalidation de plusieurs candidats de poids par le Conseil constitutionnel a été une autre étape dans cette crispation. Si l’éviction d’Ousmane Sonko était attendue – au point où sa formation avait d’ores et déjà déployé son « plan B » en la personne de Bassirou Diomaye Faye –, celle de Karim Wade a créé la surprise et l’incompréhension dans les rangs du Parti démocratique sénégalais (PDS). Ce sont les députés du PDS qui, en déposant devant l’Assemblée nationale une proposition de loi réclamant la création d’une commission d’enquête sur le processus électoral, ont porté la charge. Dans le viseur des alliés de Karim Wade : deux juges du Conseil constitutionnel et Amadou Ba.
« Le seul fait que cette résolution ait été adoptée, qu’une commission d’enquête parlementaire soit créée pour des faits aussi graves contre un candidat de la mouvance présidentielle qui est en pleine campagne, a abouti à jeter le discrédit sur ce dernier », constate Mehdi Ba. Un discrédit d’autant plus grand que la mise en place de la commission d’enquête n’a été possible que grâce au soutien de voix venues des rangs de la majorité présidentielle.
En présentant sa décision de reporter le scrutin, Macky Sall s’est appuyé sur ce « différend entre l’Assemblée nationale et le Conseil constitutionnel », jugeant que le conflit créait un climat de « troubles qui pourraient gravement nuire à la crédibilité du scrutin ». Force est de constater que la décision de procéder à un glissement électoral de près de dix mois n’a pas permis d’apaiser les tensions. Et la proposition de Macky Sall de lancer un nouveau dialogue politique ne rencontre pour l’heure pas un grand succès au sein de l’opposition.
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