Cameroun : indifférence et scepticisme pour la présidentielle
Nous avons faim. Cette campagne ne nous intéresse pas. Ce sont tous des bandits », lâche une vendeuse de cigarettes au quartier Kondengui à Yaoundé, en parlant des candidats à la présidentielle de dimanche au Cameroun.
Présidentielle camerounaise : Paul Biya, jusqu’à quand ?
"Je vote pas, ça changera rien parce qu’on sait déjà qui va gagner. Ca se passe toujours comme ça", explique Solange Kegne, vendeuse dans un magasin de Douala.
La campagne électorale en vue de la présidentielle se déroule dans l’indifférence et l’anonymat dans la capitale politique (Yaounde, 1,7 million d’habitants) comme dans la capitale économique (Douala, 2 millions).
"Les gens considèrent que le match est joué d’avance et (que) les règles du jeu ne sont pas suffisamment équitables", explique le politologue Mathias Nguini Owona.
Désintérêt
L’absence de perspectives et l’immobilisme dans lequel semble plongé le pays, dirigé depuis 1982 par Paul Biya, candidat à sa succession, sont d’autres facteurs de ce désintérêt.
"Je ne vois pas trop d’affiches dans mon quartier (Kondengui)", affirme Bertrand Evina, jeune "call-boxeur" (gérant d’une cabine téléphonique de fortune)."Je n’ai pas le temps d’aller dans les meetings. Je suis occupé par mon job".
Non loin de lui, de petites affiches sur une clôture proclament: "Votons tous le dr. Joachim Tabi Owono, le président du peuple". "Je me demande bien qui c’est", affirme une jeune femme qui tient une échoppe toute proche.
"L’opposition est divisée dans un scrutin à un tour. En revanche le pouvoir a rapidement mobilisé ses forces", souligne M. Nguini Owona.
Contrairement à ses concurrents, Paul Biya, 78 ans, brille par ses affiches géantes visibles dans les rues principales de Yaoundé.
Officiellement, plus de 7 millions de Camerounais sont attendus aux urnes dimanche. Dans la réalité, ils seraient beaucoup moins, l’affichage des listes électorales ayant révélé de nombreux cas de doublons.
Depuis le lancement de la campagne, les meetings politiques ont été rares à Yaoundé et n’ont pas fait recette. Même chose à Douala.
Pour beaucoup comme Solange Kegne, ce manque d’engouement tient surtout au fait que tout semble déjà joué : "La majorité dit +on s’en fout, c’est le même président qui sera là. On ne veut pas savoir+".
"En 92 tout le monde est allé voter. Chacun savait qu’il n’avait pas voté pour le président (Biya) pourtant c’est le président qui a gagné", ajoute-t-elle.
Lors de la présidentielle de 1992, Paul Biya avait été crédité officiellement de 39,9% de voix contre 35,9% pour John Fru Ndi, leader du Social democratic front (opposition), a l’issue d’un scrutin contesté.
Coups de feu sur le pont de Douala
Le manque d’enthousiasme des Camerounais s’explique peut-être aussi par la peur d’affrontements ou de violences.
Des coups de feu ont été tirés sur un pont de Douala par un groupe baptisé Armée de libération du peuple camerounais (ALPC) et qui demande le départ de Biya.
En 2008, des émeutes contre la vie chère mais aussi le projet de supprimer la limitation du nombre de mandats présidentiels s’était soldé par 40 morts selon le bilan officiel et plus de 139 selon les ONG.
"J’ai un peu peur des débordements", explique Solange, ajoutant que "déjà tout le monde est effrayé, tout le monde a peur.
Pour Sylvain Leutcha, un hôtelier de 26 ans, "le plus important c’est que nous ayons la paix (…) fraude ou pas fraude".
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