Algérie : Krim Belkacem, révélations sur un crime d’État
Grâce à des documents exclusifs obtenus auprès des archives allemandes, Jeune Afrique lève un coin du voile sur l’assassinat, en octobre 1970, à Francfort, de Krim Belkacem, l’un des neufs chefs historiques du FLN.
Le 18 octobre 1970, Krim Belkacem était assassiné dans une chambre de l’hôtel Intercontinental, à Francfort. Cinquante-quatre ans plus tard, la mort d’un des chefs historiques du Front de libération nationale (FLN) – signataire des accords d’Évian en mars 1962 et fondateur, en 1967, d’un parti d’opposition clandestin, le Mouvement démocratique pour le renouveau algérien (MDRA) – est encore entourée d’un halo de mystère et fait toujours l’objet de nombreuses supputations.
Qui a assassiné Krim ? Pourquoi et comment s’est-il retrouvé dans cette chambre d’hôtel ? Comment, entre Alger, Paris, Rabat, Genève, Beyrouth et Francfort, s’est tramé son assassinat ? Qui en sont les commanditaires ?
Opposant irréductible de Boumédiène
Jeune Afrique est aujourd’hui en mesure de révéler en exclusivité le résultat des enquêtes de la police et de la justice allemandes, que nous avons pu consulter après avoir obtenu une dérogation spéciale du service des archives allemandes. Le contenu de ces quelque 1 400 pages n’avait à ce jour jamais été dévoilé.
Ces investigations, qui se sont étendues de 1970 à 2003, détaillent les préparatifs du guet-apens tendu à Krim Belkacem par un commando de trois hommes venus d’Alger afin de l’attirer dans un hôtel à Francfort en lui faisant miroiter un coup d’État imminent contre le président Houari Boumédiène.
Elles révèlent également les circonstances exactes de l’assassinat de celui qui fut un opposant notoire du chef de l’État algérien disparu en décembre 1978. L’enquête, conduite en Allemagne, en France, en Suisse, au Liban et au Maroc avec le concours d’Interpol et au moyen de commissions rogatoires internationales, a permis d’authentifier les véritables identités de deux des trois membres du commando qui ont voyagé avec de faux passeports marocains et abandonné leurs bagages dans une gare de Francfort.
Un commando de trois hommes
Le premier est Hamid Aït Mesbah, officier de la Sécurité militaire (SM) algérienne. Il a voyagé et opéré sous divers noms (voir encadré). Le deuxième se nomme Mohamed Ouslimani, haut cadre de l’État algérien, qui a voyagé sous le pseudonyme de Mohamed Debaï.
Du troisième membre, qui n’a jamais pu être identifié par les enquêteurs allemands, on ne connaît que le nom d’emprunt, Mohamed Salah. Plusieurs mandats d’arrêt internationaux avaient été lancés contre ces trois hommes sans qu’ils aient jamais été retrouvés. Les autorités algériennes, destinataires d’une copie de l’enquête, se sont toujours gardées de communiquer sur les circonstances de l’assassinat de Krim Belkacem, comme sur l’identité de ses commanditaires.
Jeune Afrique s’est également procuré des documents déclassifiés de la police française, qui avait enquêté de son côté sur le crime et documenté la présence de Krim Belkacem en France entre 1967 et 1970. Nous avons pu interroger des témoins de l’époque, ainsi que des proches de Krim afin de reconstituer le film de cet assassinat.
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