CAN en Côte d’Ivoire : des Congolais défaits mais engagés
Avant de quitter la scène de la Coupe d’Afrique des nations, les footballeurs de la République démocratique du Congo ont esquissé, lors de leur hymne national, un geste en hommage aux victimes du conflit dans l’est de leur pays.
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Damien Glez
Dessinateur et éditorialiste franco-burkinabè.
Publié le 8 février 2024 Lecture : 2 minutes.
En pleine grand-messe du football continental, comment combiner le choc d’atrocités commises à domicile et « l’enjaillement » inspiré par un rectangle vert étranger ? Si The show must go on (« le spectacle doit continuer ») – généralement au bénéfice de la dépolitisation –, la concentration du sportif n’empêche pas celui-ci de détourner la lumière, un court instant, d’une pelouse apaisée vers un rift doublement volcanique. C’est ainsi que les joueurs de la République démocratique du Congo (RDC) ont fait passer un message muet, avant de quitter la 34e édition de la Coupe d’Afrique des nations (CAN).
Avant la demi-finale qui opposait les Léopards congolais aux Éléphants ivoiriens, ce 7 février à Abidjan, la Fédération congolaise de football (Fecofa) avait déjà annoncé que ses joueurs arboreraient un brassard noir « en guise de deuil et en mémoire » des récentes victimes du conflit armé dans l’est de leur pays. Avant le coup d’envoi de la confrontation, ajoutant le geste à l’accessoire, les footballeurs ont élaboré un message à double couche, comme une appropriation personnelle d’un choix qu’on aurait pu croire dicté par la hiérarchie politique.
Mime contre l’indifférence médiatique
Lors de la diffusion de leur hymne national, les sportifs ont bâillonné symboliquement leur bouche avec la main droite, tandis que leur main gauche mimait un pistolet sur la tempe. Ils représentaient ainsi la double peine subie par les Congolais de la province du Nord-Kivu, menacés de mort et empêchés d’exprimer leur douleur dans des médias blasés ou saturés de crises à l’échelle planétaire.
Depuis mars 2022, la recrudescence des affrontements entre les forces gouvernementales congolaises et les rebelles du M23 dans l’est de la RDC a contraint plus d’un million de personnes à fuir leur foyer, aggravant ainsi une crise humanitaire qui n’est pas nouvelle. Ces derniers jours, c’est dans le territoire de Masisi, à l’ouest de la capitale provinciale du Nord-Kivu, que les violences ont fait des dizaines de morts et de blessés, saturant les centres de santé et les lieux d’accueil de la ville de Goma.
Au geste collectif se sont ajoutées des interventions individuelles. L’avant-centre Cédric Bakambu a ainsi demandé que « la même énergie » soit déployée à « mettre en avant ce qu’il se passe » en RDC qu’à « parler de la CAN ». Lors des rencontres sportives qui charrient de fortes audiences, les comportements des délégations sont toujours scrutés avec attention, notamment à l’occasion du déroulé solennel des hymnes nationaux.
Les plus engagés des sportifs ont régulièrement saisi ces occasions, de façon plus ou moins inopinée, pour imprimer des gestes dans la persistance rétinienne des téléspectateurs. Sont ainsi gravés dans les mémoires les poings levés des athlètes africains-américains Tommie Smith et John Carlos, aux Jeux olympiques d’été de 1968, ou le genou à terre du joueur de football américain Colin Kaepernick, après la mort de George Floyd à Minneapolis.
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