Badr Abadi : « Il n’y a pas de sentiment anti-rifain au PAM »

Affaire du « Pablo Escobar du Sahara », succession ou maintien d’Abdellatif Ouahbi à la tête du Parti authenticité et modernité (PAM), représentativité régionale au sein de la formation… Le membre du conseil national du PAM et proche de Fatima-Zahra Mansouri répond aux questions de « Jeune Afrique » à la veille du 5e congrès du Tracteur.

Badr Abadi © DR

Badr Abadi © DR

Publié le 8 février 2024 Lecture : 6 minutes.

Ingénieur originaire d’Al Hoceima, et fidèle lieutenant de la ministre de l’Habitat et maire de Marrakech, Fatima-Zahra Mansouri, Badr Abadi sera demain l’un des 3 500 congressistes officiellement attendus à Bouznika, pour la grand-messe du Parti authenticité et modernité (PAM), les 9 et 10 février.

Également membre du comité préparatoire du congrès, le jeune dirigeant aspire à un renouvellement des instances du Tracteur. Foudroyé par l’arrestation de deux de ses principaux ténors (Abdenbi Bioui, président de la région de l’Oriental, et Saïd Naciri, président du conseil préfectoral de Casablanca) dans le cadre de l’affaire du « Pablo Escobar du Sahara », le PAM encaisse. « Cette affaire relève du tribunal compétent et nous n’avons aucun droit d’y interférer, que ce soit directement ou indirectement », confie cette figure de proue d’Al Hoceima.

la suite après cette publicité

Au sujet des répercussions de cette secousse en interne et sur les préparatifs du congrès, il rétorque qu’ « un parti politique est un échantillon du peuple et les partis politiques ne peuvent en aucun cas contrôler la vie privée personnelle ou professionnelle des individus qui ont adhéré à leurs projets ». Ceci dit, « le parti peut être responsabilisé par rapport à la gestion des établissements gérés en son nom, et encore », concède l’homme qui a gravit plusieurs échelons au sein du PAM.

Soutien franc de la « dame de fer » de Marrakech, Badr Abadi milite aussi pour un changement qu’il espère « sérieux et raisonnable » de la représentativité de sa région natale : le Rif dont sont issus deux anciens patrons de la formation, outre des dizaines de cadors qui, jusqu’en 2020, faisaient partie de l’état-major du PAM.

Jeune Afrique : Fin 2023, le PAM a été ébranlé par l’implication de deux de ses principaux élus dans l’affaire du « Pablo Escobar du Sahara ». Que pourra décider votre congrès qui débute demain afin de lever toute équivoque sur l’intégrité des personnes élues au nom du PAM ?

Badr Abadi : Le 5e congrès national, qui débute demain après-midi, va répondre à des questions d’abord organisationnelles, puis politiques bien évidemment – par rapport à la question idéologique qui ne cesse d’être mise à jour dans un contexte sociétal et mondial changeant –, ensuite à la gestion des établissements publics chapeautés par le PAM. Viennent en premier lieu les portefeuilles ministériels [au nombre de sept, NDLR] et puis bien sûr les régions [quatre] et les collectivités territoriales, dont nous présidons l’association nationale. Mais je vous assure que la gestion du PAM, dans la majorité écrasante des cas, à toujours été – et ce depuis 2009 – une gestion exceptionnelle, sauf bien sûr quelques cas isolés, comme l’homme n’est pas un ange et ne peut l’être.

la suite après cette publicité

Alors que ses proches ne cessent de répéter qu’elle serait la patronne idéale, Fatima-Zahra Mansouri a diffusé hier sur les réseaux sociaux un « appel » où elle n’a ni confirmé, ni infirmé, son intention de se porter candidate au secrétariat général du PAM. Y a-t-il des raisons objectives à cette indécision selon vous qui êtes un de ses plus proches collaborateurs ?

Je confirme cette hypothèse. Madame Mansouri est la patronne idéale. J’irais jusqu’à dire parfaite pour notre parti, et je rajoute ma voix à celles des congressistes qui la réclament, même si le congrès n’a toujours pas commencé et sa candidature n’est toujours pas officielle.

la suite après cette publicité

C’est très simple, nous avons la chance et l’honneur d’avoir parmi nous un leader au féminin, qui est une vraie première dans l’histoire des grands partis politiques de notre pays. Puis, vient le fait que nous avons trouvé en elle une grande dame avec des compétences managériales incroyables, une femme fédératrice incarnant les valeurs et principes selon lesquels ce jeune parti fut créé. Si je rajoute ses valeurs humaines, son humilité, sa notoriété et son militantisme de longue date, la résolution de cette équation est facile, même pour les amateurs de politique. Et pour résumer, les marocains l’ont vu à l’œuvre pendant ces deux années au gouvernement et peuvent juger par eux-mêmes.

Après le double échec d’Ilyas El Omari (2016-2018) et de Hakim Benchemach (2018-2020) qui, tous deux, n’ont pas réussi à finir leur mandat à la tête du PAM, certains observateurs font allusion à l’émergence d’un sentiment anti-rifain au PAM. Vous en pensez quoi, vous qui êtes également un enfant de la région ?

Omari et Benchemach ont partagé équitablement le mandat entre les deux congrès de 2016 et de 2020 – pratiquement deux ans chacun. Personnellement je ne trouve pas qu’ils aient échoué. Je dirais plutôt que tous les deux ont pu contribuer – comme ils ont pu – à la cristallisation de ce qu’est le PAM d’aujourd’hui, et dont je suis fier avec tout ses points positifs ou négatifs. Mais la nature ne s’arrête pas, et le changement est ce qu’il y a de meilleur dans ce monde, même s’il favorise et défavorise les uns par rapport aux autres. Il reste le pilier des nations qui ont choisi la démocratie pour vocation.

À propos de ce que vous avez appelé « sentiment anti-rifain au PAM », et étant fils de la région, je n’ai jamais eu ce sentiment. Que ce soit pendant la première décennie de l’âge du parti, ou bien la seconde. Le sentiment anti-rifain au PAM n’existe pas. Je dirais même que nous, qui venons de la région du Rif, – et qui sommes nombreux à être acteurs au plan national –, comme tous nos confrères et consœurs des autres régions de notre grand royaume, représentons toutes les fractions culturelles, linguistiques ou même ethniques de ce beau pays qui nous encadre, nous protège et nous assure notre dignité. Nous sommes au service de notre patrie, militants jour et nuit, pour le projet de société qui nous a en premier lieu rapproché du PAM.

Néanmoins, je suis pour un rajeunissement des acteurs et pour un changement sérieux et raisonnable de la représentativité de ma région natale. Je trouve que nous avons besoin de bosser davantage pour mieux la mener et la défendre vis-à-vis des services centraux. Et je me porte volontaire depuis quatorze ans pour ce changement, comme je peux et avec les moyens accessibles. Surtout après les événements de fin 2016 et 2017. Je reste très optimiste pour le futur.

Pendant près de dix ans, le leadership du PAM était majoritairement composé de dirigeants issus du Rif. Y a-t-il quand même eu un changement dans la perception des cadres de la région au cours du mandat d’Abdellatif Ouahbi, de 2020 à 2024 ?

D’abord, je considère que le mandat de Monsieur Ouahbi fut l’un des plus équilibré en termes politique depuis la création du PAM. Il a su gérer une période pratiquement difficile et a su garder un bon score d’élus, surtout à la première chambre, ce qui nous a permis de faire partie d’une coalition gouvernementale tripartite forte.

Sinon, le leadership politique relève en premier lieu, selon moi, d’une question de personnalité politique et non pas de région ou fractions régionales d’un pays. Le leadership politique du PAM ne dépend d’aucune région par rapport à une autre, et ça ne doit pas l’être. C’est vrai que trois secrétaires généraux sur six au total – on a battu le score en termes de changement de têtes – sont de la région du Rif, mais ça ne peut pas être une règle. Ce n’est pas un critère dans l’appel à candidatures.

Cette question de représentativité régionale devrait-elle être débattue durant le congrès ?

Le Maroc est un pays de régions depuis l’Antiquité. C’est une des forces majeures d’une grande nation comme la nôtre. Aussi, pour moi, la représentativité régionale doit être l’une des règles de l’évolution de l’élite nationale qui gérera le parti lors du mandat suivant. Mais une règle à appliquer avec beaucoup de modération afin d’éviter d’attirer toutes les compétences au niveau central, pour ne pas vider les régions d’acteurs politiques de taille. Chez nous, au PAM, on ne peut cumuler de représentativité entre deux bureaux exécutifs régional et national.

Pensez-vous que cette même question soit déterminante dans le choix du ou de la prochain(e) secrétaire général(e) du parti ?

Non, je ne le pense pas et je le refuse catégoriquement. On veut le ou la meilleur(e) ; qu’il ou elle soit du Nord, du Sud ou du Centre, l’essentiel c’est de mener notre parti vers un future meilleur. Il faut avancer.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

La rédaction vous recommande

Le Parlement marocain, à Rabat le 23 janvier 2023. © Mosa’ab Elshamy/AP/SIPA

Au Maroc, le roi Mohammed VI rappelle les parlementaires à l’ordre

Contenus partenaires