Libye : témoignages de « mercenaires » touaregs de Kadhafi rentrés au Niger
« J’ai combattu pour Kadhafi, je suis rentré malade et sans un sou! »: Silimane a déserté les forces pro-Kadhafi, en déroute, après avoir combattu pendant quatre mois les insurgés libyens et a retrouvé sa case en paille, à la périphérie d’Agadez, dans le nord du Niger.
Silimane Albaka, 56 ans est un vétéran des deux rébellions touareg au Niger (1990 et 2009). Comme lui, des centaines d’ex-combattants touareg ont été contacté en avril par Agaly Alambo, figure de la deuxième révolte des Touareg qui vivait alors à Tripoli, pour des actions de mercenaires dans les forces du régime libyen.
Rentré il y a trois semaines à Agadez, ce père de sept enfants, blessé à la poitrine pendant la bataille de Misrata (est de Tripoli), peine à nourrir sa famille. "Nous étions 229 ex-combattants à partir. Ils ont promis à chacun une avance de 3,2 millions FCFA (environ 5.000 euros), mais je n’ai jamais vu la couleur des billets", se lamente-t-il. "Ils ont ensuite dit qu’après la victoire, Kadhafi allait nous faire +d’immenses cadeaux+, moi je n’ai vu que le déluge de feu des avions de l’OTAN", dit ce spécialiste des armes lourdes.
"C’est la débandade"
"Depuis fin juillet, quelque 200 mercenaires touaregs ont fui la Libye pour Agadez, environ 500 sont à Syrte, mais je crois que tous les autres sont morts", regrette Silimane, qui a profité d’une évacuation à Tripoli pour s’évader par le Mali voisin. "C’est la débandade", a affirmé à l’AFP Mohamed Anako, figure touareg de l’ex-rébellion et actuel président du Conseil de la région d’Agadez, confirmant le retour pendant les dernières semaines de "plusieurs dizaines" de Touareg partis combattre en Libye.
Une source touareg estime à quelque 1.500 les ex-rebelles nigériens qui combattaient pour Kadhafi, dont une majorité vivant en Libye après avoir déposé les armes en 2009. Selon cette source, des proches du dirigeant libyen sont arrivés en avril à Agadez avec des mallettes remplies d’argent et ont recruté "des centaines" de jeunes, dont des militaires nigériens radiés de l’armée en 2002.
D’après Almoudène Moha, autre ex-rebelle touareg rentré il y a deux semaines, "les intenses" bombardements de l’OTAN et "ses nombreux morts" ont semé la panique parmi les Nigériens. "On a eu très chaud, avec trois autres Nigériens on a organisé notre fuite dans notre véhicule de patrouille", raconte cet ex-mécanicien "enrôlé de force" par les loyalistes.
"L’enfer"
Ancien combattant touareg de 39 ans, Lamine Souleymane et trois de ses camarades, dont un Tchadien, ont parcouru plus de 80 km à pied après avoir déserté une garnison de Tripoli. "Nous avons simulé une prière collective, une fois très loin du camp, nous avons volé un véhicule que nous avons vendu à Agadez", témoigne Lamine Souleymane, rentré il y a deux jours.
"Les soldats de Kadhafi sont venus dans nos appartements et ont recruté 110 d’entre nous. Ils nous ont fait miroiter à chacun un million FCFA (environ 1.500 euros), une maison et la nationalité libyenne", affirme Abdoulaye Ahmadou, 36 ans, un chômeur recruté en avril à Agadez par les pro-Kadhafi.
"C’était l’enfer, un soir je me suis caché dans un camion de ravitaillement. Une fois en ville, j’ai rejoint des migrants qui rentraient au pays", dit-il, affirmant que de nombreuses armes ont été abandonnées dans le désert. Pour le moment, les "Mourtazak" (mercenaires en arabe) rentrent sans leur armes, mais ce retour inquiète au Niger où quelque 211.000 personnes ont fui depuis février les violences en Libye.
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