Mali : doutes sur les causes de la mort du chef rebelle Ibrahim Ag Bahanga
La mort du chef rebelle touareg Ibrahim Ag Bahanga représente pour certains une « chance pour la paix » dans le nord du Mali mais d’autres s’inquiètent de la saisie d’armes par des proches de cet irréductible combattant en Libye.
Ibrahim Ag Bahanga était présenté par les observateurs comme un chef rebelle ayant toujours voulu évoluer en marge du processus de paix initié dans le nord du Mali avec les accords d’Alger signés en juillet 2006 entre Bamako et des groupes touaregs maliens.
Ag Bahanga est mort vendredi dans le nord-est du Mali dans un accident de la circulation et a été inhumé le jour de sa mort, a indiqué à l’AFP un membre de sa famille. Cette version suscitait cependant des interrogations.
Armes récupérées en Libye
"Est-il mort des suite d’un accident ou des suite d’un règlement de comptes avec des touareg ayant fui le front libyen ? On peut se poser la question de savoir s’il n’y a avait pas lutte de leadership" au sein du groupe d’Ag Bahanga, a déclaré à l’AFP un diplomate d’un pays voisin du Mali.
Une source dans le nord du Mali partage la thèse du règlement de comptes en faisant remarquer que "Ibrahim (Ag Bahanga) a été abattu par des gens qui ne voulaient pas se mettre" sous son contrôle.
"Avec les armes qu’il a récupérées en Libye, il devenait très fort. Certains n’ont pas voulu de son leadership", renchérit un ancien gouverneur d’une région du nord du Mali qui cite également parmi les hypothèses "une possible liquidation de Ibrahim Ag Bahanga par des trafiquants de drogue".
Le chef rebelle touareg était soupçonné par plusieurs chancelleries d’avoir récupéré des armes en Libye à la faveur de la rébellion armée déclenchée il y a six mois contre le régime de Mouammar Kadhafi.
Plusieurs touareg dont des hommes d’Ag Bahanga ont combattu en Libye aux côtés des troupes du régime qui ont cédé aux insurgés la quasi-totalité du territoire libyen.
Conséquences imprévisibles
Les conséquences de la disparition du plus radical des chefs rebelles touaregs sur le processus de paix dans la région nord du Mali suscitaient des questions.
"En Afrique, on ne peut pas se réjouir de la mort de quelqu’un. Nous devons maintenant poursuivre les efforts de paix pour le nord du Mali, pour tout le Sahel" où, outre des rébellions touaregs dans plusieurs pays, sévit Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) qui y a notamment ces dernières années procédé à plusieurs enlèvements d’Occidentaux, a déclaré à l’AFP le maire de la ville de Kidal, Arbacane Ag Zéwak.
"La mort de Ibrahim (Ag Bahanga) ? C’est une arme à double tranchant. C’est d’abord une chance pour la paix. Il était radical", a déclaré un responsable d’un important projet de développement dans le nord du Mali qui n’a pas voulu être cité.
Mais pour lui, "ces derniers temps, on s’inquiétait beaucoup sur les intentions" d’Ag Bahanga qui "revenait de Libye avec de l’armement pris sur le terrain. On se demandait s’il ne voulait pas encore faire parler de lui. Dans son groupe, il est le plus radical. Certains de ces éléments ont déserté depuis. Mais que vont devenir les autres ? Où sont les nombreuses armes qu’il détient", s’est-il interrogé.
De nombreux observateurs se sont ces derniers mois inquiétés d’un éventuel recyclage au Sahel d’armes de guerre dont des armes lourdes prises sur le front libyen par des combattants touaregs et/ou d’Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi).
Après la fuite d’Ag Bahanga du nord du Mali en février 2009, pour ensuite un exil de près de deux ans en Libye, l’accord de paix signé en Algérie en 2006 entre Bamako et les rebelles touareg avait été relancé. Cet accord prévoit le développement des régions déshéritées du nord malien, en grande partie désertique.
Le chef rebelle touareg était revenu en janvier dernier au Mali pour selon plusieurs sources participer au processus de paix.
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