Libye : la bataille de Tripoli est engagée

Les rebelles menaient dimanche une virulente offensive sur Tripoli par mer et par terre, tablant sur une chute dans les prochaines heures de ce bastion du régime, mais Mouammar Kadhafi toujours combatif a promis de résister et de sortir victorieux de cette bataille.

Des rebelles sur le front dans la forêt de Gadayem, à l’ouest de Tripoli, le 21 août 2011. © AFP

Des rebelles sur le front dans la forêt de Gadayem, à l’ouest de Tripoli, le 21 août 2011. © AFP

Publié le 22 août 2011 Lecture : 5 minutes.

Devant l’hôtel Rixos où logent les journalistes étrangers, de violents affrontements ont éclaté en soirée. Des hommes fidèles au régime postés devant l’établissement ont tiré avec leur kalachnikov probablement en direction des rebelles, mais le reporter de l’AFP ne pouvait pas voir leurs cibles. Déclenchée samedi soir, l’opération "Sirène" se déroule en coordination entre le Conseil national de transition (CNT, organe politique de la rébellion) et les combattants dans et autour de Tripoli, a dit Ahmed Jibril, porte-parole du CNT basé à Benghazi (est), précisant que "l’Otan est également impliquée".

Après la perte ces derniers jours par les troupes du régime de plusieurs villes au profit des forces rebelles puis l’assaut de Tripoli, plusieurs pays occidentaux dont les Etats-Unis, ont estimé que le régime de M. Kadhafi approchait de sa fin après un conflit qui dure depuis plus de six mois. Pour la Maison Blanche, les jours de M. Kadhafi comme dirigeant sont "comptés". Le président français Nicolas Sarkozy l’a "exhorté" "à renoncer sans délai à ce qui lui reste de pouvoir" alors "que l’issue ne fait désormais plus de doute".

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"Point crucial"

La "tragédie" du conflit "touche à sa fin", a commenté le chef de la diplomatie italienne Franco Frattini. La situation est "à un point crucial", a dit le secrétaire d’État britannique aux Affaires étrangères Alistair Burt. En fin de journée, le quartier populaire de Tajoura, situé dans la banlieue est de Tripoli, était sous contrôle des rebelles de même que celui de souk Al-Jomaa, selon des témoins. Des insurgés, participant aux combats à Tripoli, se sont infiltrés dans la capitale en arrivant par la mer de l’enclave côtière de Misrata, à 200 km à l’est, selon un porte-parole de la rébellion. "Nous espérons que d’ici demain (Tripoli) sera tombée entre nos mains", a déclaré à l’AFP un chef militaire rebelle, Abdelhakim Belhaj.

"Nous nous attendons à la victoire pour cette nuit", a déclaré le représentant du CNT aux Émirats arabes unis, Aref Ali Nayad, ajoutant que la rébellion avait "formellement demandé à l’Otan" une plus grande implication des hélicoptères d’assaut Apache dans les combats. Malgré cette avancée inédite des rebelles, Mouammar Kadhafi a encore affirmé qu’il ne se rendrait pas et sortirait "victorieux" de la bataille de Tripoli dans un nouveau message sonore diffusé par la télévision. Il s’agit du deuxième en moins de 24 heures de M. Kadhafi.

"Nous ne nous rendrons pas. Nous n’abandonnerons pas Tripoli aux occupants et à leurs agents", a-t-il lancé, appelant ses partisans à "marcher sur Tajoura par dizaines de milliers pour le purger des agents des colonisateurs". "Aujourd’hui, il faut prendre le dessus à Tajoura. Je crains, si vous les laissez, qu’ils vont détruire Tripoli", a-t-il dit. Dans la nuit, la télévision officielle avait déjà diffusé un message sonore de M. Kadhafi exhortant ses partisans à "marcher par millions" pour "libérer les villes détruites".

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"Le sang sera partout"

Et le porte-parole du régime a affirmé lors d’une conférence de presse dimanche que "des milliers de soldats professionnels et des milliers de volontaires défendent et protègent la ville". "Ces gens ne sont pas seulement patriotes mais ont des familles et des maisons qu’ils veulent protéger et comprennent bien que si les rebelles entrent, le sang sera partout", a déclaré Moussa Ibrahim.

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Le régime, qui a reconnu des infiltrations "de groupes isolés", a envoyé des messages sur les téléphones portables appelant "le peuple à éliminer les traîtres et les agents avec des armes et à les piétiner", a indiqué un journaliste de l’AFP. Les membres de la direction de l’hôtel Rixos ainsi que son chef, de nationalité suisse, ont quitté l’établissement. Ce dernier a affirmé que les employés avaient reçu des appels téléphoniques de personnes menaçant de prendre d’assaut l’hôtel parce qu’il y héberge des officiels.

En début de soirée, les rebelles venus des montagnes de Nefoussa, dans l’Ouest libyen, se trouvaient de leur côté à 12 km de Tripoli. Dans leur avancée, ils ont pris le contrôle d’une caserne, située au "kilomètre 27", où ils se sont emparés d’armes et de munitions, selon un correspondant de l’AFP sur place. Cette caserne était l’obstacle le plus important sur la route de Tripoli. "Nous avons pris cette base, mais elle n’est pas encore sécurisée. Il y a toujours des tireurs embusqués à l’intérieur", a déclaré à l’AFP un combattant. Les insurgés ont par ailleurs libéré plusieurs dizaines de détenus de la prison de Maya, située non loin de la caserne.

Enfin, l’ancien numéro deux du régime libyen Abdessalem Jalloud, qui a fui Tripoli vendredi et se trouve en Italie, a estimé dimanche que le colonel Mouammar Kadhafi n’avait plus de temps à sa disposition pour négocier son départ du pouvoir et risquait d’être tué. "Je crois qu’il reste une semaine, au maximum 10 jours au régime et peut-être moins", a estimé M. Jalloud dans une interview à la chaîne de télévision publique TG3. Selon lui, Kadhafi n’a aucun moyen de quitter Tripoli. Toutes les routes sont bloquées. Il peut seulement partir sur la base d’un accord international et je pense que cette porte est fermée.

"Kadhafi n’est pas comme Hitler"

Plus tôt dans la journée, le ministre italien de la Défense, Ignazio La Russa, avait confirmé que M. Jalloud, ancien bras droit de Kadhafi, qui avait participé au putsch du colonel en 1969, se trouvait en Italie. "Je pense qu’il serait difficile pour Kadhafi de se rendre et il n’est pas comme Hitler qui a eu le courage de se suicider. Je ne crois pas que l’évolution de la situation à Tripoli lui permettra de survivre", a-t-il ajouté.

Tombé en disgrâce au milieu des années 1990, M. Jalloud a rejoint vendredi la rébellion après avoir réussi à fuir la capitale libyenne. Arrivé avec sa famille en Tunisie, il était reparti samedi à l’aube vers l’Italie, selon des sources officielles tunisiennes. Dans une interview à la chaîne de télévision Al-Jazira, M. Jalloud avait appelé la tribu du colonel Mouammar Kadhafi à renier ce tyran.

L’ex-compagnon de route du colonel Kadhafi avait aussi exhorté les habitants de Tripoli à se joindre à la rébellion.
Le régime de Mouammar Kadhafi est en train de s’effondrer ce dimanche soir, a estimé un porte-parole de l’Otan, Mme Oana Lungescu, à la suite du déclenchement de l’offensive des rebelles libyens à Tripoli. "Nous voyons des gens faisant leurs bagages, trois personnes de haut rang ayant fait défection ces derniers jours, et le territoire contrôlé par Kadhafi rétrécir sous nos yeux", a-t-elle ajouté.

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