Les petits commerçants transfrontaliers au secours du marché unique africain
Alors que s’accélère la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine, l’inclusion financière numérique des acteurs du secteur informel devient une réelle nécessité.
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Wamkele Mene
Secrétaire général de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf)
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et Lacina Kone
Directeur général et exécutif de Smart Africa
Publié le 18 février 2024 Lecture : 4 minutes.
Chaque jour, des millions de petits commerçants africains entreprennent la traversée de frontières terrestres semées d’embûches, déterminés à nourrir leur famille, à envoyer leurs enfants à l’école et à leur assurer une subsistance décente. Ces héros méconnus sont également le cœur du commerce informel sur le continent, leur activité représentant 30 % à 72 % du commerce dans de nombreuses économies africaines. Mais leur résilience et leur contribution, pourtant significative, passent souvent inaperçues en raison de la nature de leurs transactions, lesquelles s’effectuent en espèces.
En 2024, l’Afrique est sur le point de connaître une transformation historique alors que nous accélérons la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf). Cet accord historique promet d’unir diverses nations, de stimuler la croissance économique et de réduire la dépendance à l’égard des marchés extérieurs. Cependant, malgré cet optimisme, le sort des commerçants transfrontaliers, dont beaucoup sont des femmes et des jeunes, est mis en évidence.
Le potentiel inexploité du commerce formel intra-africain
Pour bien comprendre les difficultés quotidiennes auxquelles sont confrontés ces commerçants, les secrétariats de la Zlecaf, de Smart Africa et de l’Alliance Better Than Cash ont effectué des visites à des points frontaliers cruciaux. Ces interactions mettent en lumière les défis auxquels ils font face et le potentiel inexploité à leur portée. Aujourd’hui, le commerce intra-africain reste mal mesuré et vulnérable à des pertes financières substantielles en raison de sa dépendance aux transactions en espèces.
L’un des principaux obstacles à l’inclusion financière et au commerce digital est le manque d’interopérabilité des systèmes de paiement numériques, en particulier pour les petits et micro-commerçants qui dominent l’économie africaine, notamment aux frontières terrestres. En outre, l’utilisation récurrente de monnaies tierces dans ces paiements fait peser une charge importante sur les réserves de change nationales, ce qui entraîne des retards dans les règlements et une diminution des bénéfices pour les petits et les microcommerçants. C’est là qu’intervient le système panafricain de paiement et de règlement (PAPSS), une initiative novatrice conçue pour relever ces défis et faciliter des versements rapides et transparents.
Actuellement estimé à plus de 18 % du commerce total (avec des taux allant de 30% à 80% dans 13 pays), le commerce formel intra-africain recèle un grand potentiel. Le PIB combiné de l’Afrique est estimé à 6,7 trillions de dollars à parité de pouvoir d’achat, ce qui en ferait la quatrième plus grande économie du monde si elle était un seul pays. Nous sommes optimistes quant aux excellentes perspectives de commerce et d’investissement sur le marché africain : la Zlecaf devrait augmenter le commerce intra-africain d’environ 33 % et réduire le déficit commercial du continent de 51 %.
Besoin de systèmes de paiement fiables
Pour atteindre ces objectifs, nous avons besoin de systèmes de paiement fiables, interopérables et inclusifs comme base d’échanges et du commerce numérique qui profitent à tous. Les paiements en ligne sont essentiels pour favoriser l’inclusion financière et débloquer d’innombrables opportunités économiques afin d’accélérer la réalisation de la Zlecaf et de l’Agenda 2063.
Représentant plus de 70 % des commerçants dans le secteur des micro, petites et moyennes entreprises (MPME), les femmes constituent l’épine dorsale de l’économie africaine. L’initiative de la Commission de l’Union africaine (CUA) pour l’inclusion financière et économique des femmes et des jeunes (WYFEI 2030) reconnaît leur rôle central dans le développement de l’Afrique. En débloquant 100 milliards de dollars pour 10 millions de femmes et de jeunes d’ici à 2030, cette initiative autonomise les individus tout en renforçant l’ensemble de l’économie africaine.
Par ailleurs, le Conseil d’administration de Smart Africa a approuvé une initiative visant à collaborer avec les États membres pour la révision des restrictions de change pour les transactions en ligne. Cette décision a ouvert la voie à une adoption plus large des services financiers numériques parmi les micro et petits commerçants transfrontaliers. En outre, le Conseil d’administration a approuvé la déclaration de la Smart Africa Trust Alliance (SATA) et autorisé le lancement d’une preuve de concept (PoC) pour les paiements transfrontaliers des commerçants numériques, une étape cruciale vers le renforcement de la confiance envers ces transactions, la simplification de l’identité digitale et de l’échange de données, ainsi que la réalisation de la vision d’un marché digital unique.
L’inclusion financière numérique des petits commerçants, en particulier des femmes et des jeunes, est un objectif clé des protocoles de la Zlecaf sur le commerce en ligne. Dans le cadre de ce protocole et du plan directeur du secrétariat de Smart Africa pour les paiements électroniques et pour la facilitation du commerce numérique en Afrique, l’objectif est de stimuler l’inclusion financière digitale en développant des écosystèmes de paiement numérique transfrontaliers abordables, en temps réel, sûrs, sécurisés, inclusifs, interopérables, responsables et universellement accessibles à travers l’Afrique.
L’appel à l’action de la Zlecaf
Cependant, l’histoire ne s’achève pas là. En partenariat avec la CUA, Smart Africa et l’Alliance Better Than Cash, la Zlecaf a lancé un appel à l’action sur l’inclusion financière numérique pour le succès du marché africain unique. Celui-ci se concentre sur cinq piliers clés qui seront déterminants dans la préparation des gouvernements africains à construire des économies numériques inclusives pour le marché africain unique : le leadership gouvernemental, les réglementations favorables, la promotion d’une utilisation universelle et fiable, la valorisation de la collaboration régionale et la défense de l’égalité financière.
Plus qu’un accord commercial, la Zlecaf est une porte d’entrée vers l’autonomisation économique, l’égalité des sexes et le développement de la jeunesse. Nous exhortons toutes les parties prenantes à se rallier à cette mission, une mission d’inclusion financière numérique qui fait écho à l’appel à l’action de la Zlecaf pour un marché africain unifié. En donnant la priorité aux paiements en ligne et à l’inclusion financière aux frontières terrestres, nous pouvons ensemble redéfinir le paysage économique du continent, faire en sorte que les commerçants transfrontaliers prospèrent à l’ère d’internet et reçoivent la reconnaissance qu’ils méritent à juste titre, en tant que piliers de la croissance de notre continent.
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