Sommet de l’UA : Nana Akufo-Addo et Jakaya Kikwete plaident pour un meilleur financement de l’éducation
Pour l’actuel président ghanéen comme pour l’ancien président tanzanien, transformer le continent en une puissance mondiale exige un engagement vigoureux en faveur de l’éducation. Un pari à relever, à l’heure où l’UA célèbre sa première Année de l’éducation.
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S.E. Nana Akufo-Addo
Président du Ghana
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et S.E. Jakaya Kikwete
Ancien président de la Tanzanie et président du Conseil d’administration du Partenariat mondial pour l’éducation
Publié le 16 février 2024 Lecture : 4 minutes.
Au cours de ces six dernières décennies, l’Afrique a réalisé des progrès considérables en matière d’éducation. Prenons les « taux d’achèvement » du continent, qui désignent le nombre de personnes d’une même classe d’âge ayant accompli avec succès la dernière année d’un cycle d’études. Entre 2000 et 2022, ils sont passés de 52% à 69% dans le primaire, de 35% à 50% dans le premier cycle du secondaire, et de 23% à 33% dans le deuxième cycle du secondaire. Parallèlement, le nombre d’étudiants dans l’enseignement supérieur est passé de moins de 800 000 en 1970 à plus de 17 millions aujourd’hui. Le nombre de filles scolarisées n’a jamais été aussi élevé.
Égalité fille-garçon et éducation
Mais alors que l’Union africaine (UA) célèbre sa première Année de l’éducation, nous devons reconnaître que ces progrès acquis au terme de durs efforts ne suffisent pas à préparer l’Afrique à saisir les occasions qui se présentent ou à faire face aux risques de demain.
Au lendemain de la pandémie de Covid-19, 107 millions de jeunes n’étaient pas scolarisés en Afrique, et, à la fin de primaire, seulement un enfant sur cinq avait atteint un niveau minimal de compétence en lecture. Les filles sont particulièrement désavantagées : l’Afrique subsaharienne est la seule région au monde à ne pas avoir atteint la parité fille-garçon en matière de scolarisation, et une fille sur trois est mariée à un âge précoce. Cette tendance, bien que très préoccupante, n’est pas irréversible.
Pour construire l’Afrique que nous voulons, nous devons financer une éducation de qualité, qui permette à tous nos enfants d’acquérir les connaissances et compétences nécessaires pour réussir sur le marché du travail de demain et pour s’assurer un avenir plus pacifique, plus prospère et plus stable.
Les budgets nationaux restent la principale source de financement de l’éducation, mais ils peinent souvent à couvrir les besoins essentiels (formation des enseignants, salaires, matériel pédagogique et frais administratifs). Depuis 2020, les budgets de l’éducation ont chuté de 14% en moyenne dans près de la moitié des pays à faibles revenus. Simultanément, 20% des dépenses totales sont consacrées au remboursement du service de la dette.
Certes, les budgets de l’éducation ont pâti des conséquences économiques de la pandémie de Covid-19. Mais entre 2017 et 2019, donc avant cette crise sanitaire, seul un gouvernement sur cinq, en Afrique, respectait les critères internationaux en matière de dépenses éducatives.
Si la réduction de ces dépenses-là donne l’impression de soulager les budgets à court terme, elle prive les économies africaines d’une prospérité à long terme. Pour soutenir le financement national de l’éducation et empêcher ce retour en arrière, les bailleurs de fonds, les institutions multilatérales et le secteur privé doivent intervenir, par tous les moyens possibles, y compris par l’allègement de la dette, pour aider à financer l’éducation de qualité dont les enfants africains ont besoin.
L’Union africaine en première ligne
Pour les gouvernements africains, il est également impératif de dépenser mieux : 1% d’efficacité en plus permettrait d’ajouter l’équivalent de 16 milliards de dollars aux budgets nationaux de l’éducation dans la plupart des pays à faibles revenus. Faute d’un financement suffisant et efficace de l’éducation, le développement de notre continent stagnera, alors qu’il devrait être en plein essor, dynamisé par sa jeunesse, et alimenté par ses ressources naturelles et par son « énergie verte ». L’Afrique est le continent le plus jeune au monde, et celui qui connaît la croissance la plus rapide.
L’Afrique est confrontée à un problème unique en matière de développement. Il est à la fois le continent qui a les ressources les plus limitées et celui sur lequel vivra, d’ici à la fin du siècle, 42% de la population mondiale en âge de travailler. Aujourd’hui, 40% des Africains ont moins de 14 ans. D’ici à 2050, l’Afrique comptera 100 millions d’enfants supplémentaires.
Grâce à l’éducation, ces jeunes peuvent alimenter une puissance colossale. Pourtant, sur le million d’Africains qui entrent chaque mois sur le marché du travail, moins du quart trouvent un emploi dans l’économie formelle.
Depuis le Sommet mondial sur l’éducation (2021), 21 chefs d’État africains ont signé la Déclaration sur le financement de l’éducation, qui exige des niveaux d’investissements exemplaires. L’Année de l’éducation décrétée par l’UA peut redonner de l’énergie à ses membres, et les inciter à œuvrer en ce sens afin de réaliser la Stratégie continentale de l’éducation en Afrique, l’Agenda 2030 et l’Agenda 2063.
Le multilatéralisme est essentiel pour financer une éducation porteuse de transformations, c’est pourquoi nous soutenons les collaborations multipartites telles que le Partenariat mondial pour l’éducation (GPE), le plus grand fonds mondial exclusivement consacré à la transformation de l’éducation dans les pays à faibles revenus (la France fait partie de ce Partenariat depuis 2005). En l’espace de vingt ans, le GPE a aidé l’Afrique subsaharienne à financer son système éducatif à hauteur de 6 milliards de dollars.
Aujourd’hui, l’Afrique s’affirme sur la scène internationale, comme en témoigne l’attribution d’un siège de l’UA au G20. Elle peut étendre son influence grâce à la jeunesse et à la croissance de sa population pour peu que cette dernière bénéficie d’une éducation de qualité qui libère le potentiel de chaque fille et de chaque garçon. Nelson Mandela savait à quel point l’apprentissage est fondamental : « Il n’est pas hors de notre pouvoir de créer un monde dans lequel tous les enfants auront accès à une éducation de qualité, disait-il. Ceux qui n’en sont pas convaincus ont une imagination limitée. »
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