Année de l’éducation de l’UA : 77 milliards de dollars supplémentaires par an pour l’école africaine

L’Unesco appelle les pays du continent à financer leurs systèmes éducatifs à hauteur de leurs ambitions. Ils prévoient, par exemple, de réduire de moitié leur taux de non-scolarisation dans le primaire, pour le ramener à 11%.

Dans la bibliothèque d’une école à Lomé, au Togo. © Deloche/Godong/Leemage.

Dans la bibliothèque d’une école à Lomé, au Togo. © Deloche/Godong/Leemage.

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Publié le 17 février 2024 Lecture : 5 minutes.

Alors que les représentants du continent se réunissent ce week-end [17-18 février] à l’occasion du lancement, par l’Union africaine (UA), de l’Année de l’éducation, un espoir immense se fait jour : celui de voir l’apprentissage, source d’immenses potentialités, occuper une place centrale.

Subsiste cependant un problème majeur pour l’éducation en Afrique : l’ampleur du déficit en financements. Une nouvelle publication de l’Unesco rappelle la gravité de la situation. Le continent a besoin de 77 milliards de dollars supplémentaires par an pour accueillir plus de 100 millions de jeunes en plus d’ici à 2030.

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En effet, ce manque de financement représente plus de 80% du déficit mondial total en financements – comparé aux sommes qu’il faudrait réunir pour atteindre l’Objectif de développement durable­ 4 (ODD4) dans les pays à faibles revenus et à revenus intermédiaires inférieurs. Or, on constate avec effarement que, malgré ce besoin urgent, l’aide à l’éducation en Afrique subsaharienne a chuté de 23% au cours de la dernière année analysée.

L’implication de l’Unesco et de la Banque mondiale

Pour que l’Année de l’éducation de l’UA débouche sur le renforcement des apprentissages de base pour les enfants du continent, l’Unesco appelle les pays à veiller à ce que le financement de leurs systèmes éducatifs soit à la hauteur de leurs ambitions. Le Suivi du financement de l’éducation, réalisé conjointement par l’Unesco et par la Banque mondiale, montre que, sur le continent africain, seul un pays sur quatre atteint les deux points de référence internationaux en matière de dépenses affectées à l’éducation (soit au moins 4% du PIB et 15% du budget de l’État).

L’Année de l’éducation dynamisera les initiatives qui visent à répondre aux besoins des enfants africains. Mais, compte tenu de l’ampleur du défi à relever, il faudra aussi mobiliser des ressources. Sur le continent, un enfant sur cinq en âge de fréquenter l’école primaire n’est pas scolarisé, et un enfant sur cinq tout au plus atteint le niveau minimum d’aptitude à la lecture à la fin de l’école primaire. L’Afrique subsaharienne est la seule région au monde à n’avoir atteint la parité fille-garçon à aucun niveau du système éducatif.

L’Année de l’éducation trouvera un écho dans l’engagement résolu de nombreux pays d’Afrique à améliorer leurs systèmes scolaires. Le nouveau tableau de bord annuel de l’Unesco pour l’ODD4 – une nouvelle façon de mesurer les progrès accomplis dans la réalisation de l’ODD4 – permet de visualiser les engagements pris par les pays, traduits par les points de référence (ou cibles) qu’ils se sont fixés au niveau national dans le cadre de l’ODD4.

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D’ici à 2025, les pays d’Afrique prévoient de réduire de moitié leur taux de non-scolarisation dans le primaire, pour le ramener à 11%, et de faire en sorte que 46% des élèves sachent lire correctement à la fin de l’école primaire. Ils se sont également engagés à ce que 79% des enseignants reçoivent une formation au niveau préprimaire, et 85 % au niveau primaire.

L’Afrique progresse

Le tableau de bord de l’ODD4 montre qu’un pays sur cinq progresse rapidement par rapport à ses points de référence nationaux en matière de non-scolarisation – à tempérer par le fait que le même nombre de pays n’a pas du tout progressé depuis 2015. En outre, si 17% d’entre eux ont progressé rapidement pour ce qui est de l’amélioration des taux de participation à l’éducation de la petite enfance, 26% n’ont fait aucun progrès dans ce domaine.

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Il est toutefois difficile de mesurer les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs d’apprentissage, car 76 % des pays ne disposent pas de données suffisantes. Dans le cas de ceux qui ont établi des points de référence et qui disposent de données, le tableau de bord montre qu’ils accusent un retard de 14 points par rapport à la situation dans laquelle ils devraient se trouver s’ils veulent rester sur la bonne trajectoire et réaliser leurs objectifs.

Les progrès sont plus marqués dans le domaine de la formation des enseignants : 26% des pays réalisent des progrès rapides pour le niveau préprimaire, et 35% pour le niveau primaire. En revanche, depuis 2015, aucun progrès n’a été fait pour, respectivement, 15% et 11% d’entre eux.

Cette Année de l’éducation en Afrique doit servir de levier pour poursuivre les efforts jusqu’en 2030 et au-delà, notamment par la mobilisation de toutes les ressources nécessaires à la réalisation des ambitions affichées. Tous les enfants ont vocation à apprendre, mais, sans investissement suffisant et sans interventions ciblées, l’Afrique risque de voir son potentiel inexploité et le cycle de la pauvreté se perpétuer.

L’Unesco travaille en étroite collaboration avec les gouvernements du continent par le biais de sa série Pleins Feux, en partenariat avec l’UA et l’Association pour le développement de l’éducation en Afrique, afin de mettre en lumière les pratiques qui contribuent à améliorer l’accomplissement des cycles de l’éducation de base et les apprentissages fondamentaux. Les programmes de cantines scolaires au Rwanda, les communautés d’enseignants au Ghana, les politiques d’enseignement en langue maternelle au Mozambique ou encore les évaluations dans les petites classes en Zambie ne constituent que quelques exemples de politiques efficaces évoquées par ces rapports.

Aspirations et réalités

Pour s’assurer de financer efficacement l’éducation, il faut pouvoir vérifier si les politiques ont une efficacité mesurable, en particulier quand il s’agit d’apprentissage. Il est donc impératif de remédier au manque de données. La conférence de l’Unesco sur les données et les statistiques de l’éducation, qui s’est tenue récemment, a rassemblé des statisticiens du monde entier dans l’objectif d’encourager la coopération internationale et de partager un ensemble de bonnes pratiques.

Cette réunion avait pour but de garantir qu’aucun enfant ne soit laissé pour compte dans la mise en place d’une éducation de qualité, et ce en mettant l’accent sur la transparence et sur la responsabilité de chacun en matière d’utilisation de données.

La collecte de données sur l’apprentissage est coûteuse, aussi une aide extérieure sera-t-elle nécessaire pendant encore plusieurs années. Mais les donateurs ne doivent pas seulement apporter leur soutien à la collecte de données ; ils doivent également veiller à ce que celles-ci soient recueillies de telle manière que les institutions et les experts nationaux soient le mieux à même de les analyser et de les utiliser pour améliorer les systèmes éducatifs.

Le défi majeur que doit relever l’Afrique en matière d’éducation est sans équivoque : combler le fossé entre aspirations et réalités. Grâce à des efforts coordonnés (mobilisation des ressources, renforcement des systèmes de données, équité dans l’accès à l’éducation…) au cours de cette Année de l’éducation de l’UA, l’Afrique pourra donner sa pleine mesure, et faire en sorte d’ouvrir la voie à un avenir plus radieux pour les futures générations.

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