Après le plan Mattei, Meloni dégaine le « plan Caivano »
Alors que tout le continent est réuni pour le sommet de l’UA, la présidente du Conseil italien annonce une nouvelle initiative visant à limiter les flux migratoires, en particulier depuis la Tunisie et la Libye. Un plan inspiré, cette fois, de la lutte contre la mafia.
En marge de la 44e session du Conseil exécutif de l’Union africaine (UA) qui se tient cette semaine à Addis-Abeba, le ministre tunisien des Affaires étrangères, Nabil Ammar, a lancé un appel, sur les ondes de Russia Today, en faveur d’« une action collective et solidaire » pour contrer la migration irrégulière. Il semble avoir été aussitôt entendu par la présidente du Conseil italien, Giorgia Meloni, qui a déroulé, le 15 février en Conseil des ministres, un argumentaire complet autour de l’idée que l’Italie doit faire montre de « sa proximité » et d’un « réel esprit de solidarité » envers la Tunisie et la Libye en renforçant la collaboration à travers des partenariats interministériels. Un projet résumé sous un nouveau nom : le plan Caivano.
Cette appellation fait référence à un décret présenté en septembre 2023 par Giorgia Meloni, et dont l’objet est de lutter contre la délinquance juvénile en proposant des peines de prison pour les mineurs. Une initiative qui faisait suite à plusieurs viols d’adolescentes commis à Caivano, une bourgade de la périphérie de Naples, tristement célèbre pour être sous le contrôle de la mafia locale et être le théâtre de toutes les exactions, entre trafic de drogue, violences, armes et règlements de compte. En lançant un « plan Caivano », la dirigeante italienne voulait donc d’abord amorcer une reprise en main territoriale au moyen d’un quadrillage sécuritaire d’envergure.
Quel rapport, alors, avec la Tunisie et la Libye ? C’est que depuis des mois déjà, sous couvert de « coopération » et de « partenariat », la cheffe d’extrême droite italienne s’immisce de plus en plus dans les affaires internes de ces deux pays. Elle le fait, cette fois-ci, d’autant plus facilement que la migration irrégulière est souvent aux mains d’organisations mafieuses, ce qui permet de faire le lien avec les tristes événements de Caivano. Un amalgame, pourtant, sans doute trop rapide qui assimile le transfert de migrants par des passeurs, qui ne sont certes pas des enfants de chœur, à des opérations fomentées par une Camorra de sinistre réputation.
Un plan qui en cache un autre
Le tout est présenté sous les trais d’une nouvelle forme de coopération nord-sud mais, dans les faits, on est plus proche de l’idée d’une importante intervention policière installée dans la durée en Tunisie et en Libye. En échange, Giorgia Meloni propose de « donner » des moyens de survie à ceux qui sont tentés par l’Europe. « En matière d’habitat par exemple, elle pense aux préfabriqués comme ceux qu’on installe en Italie après les catastrophes naturelles », assure un agent de l’Office international pour la migration (OIM), qui signale que ces installations aux allures de camps de réfugiés ont l’avantage pour les autorités d’être faciles à sécuriser et contrôler. Si un tel dispositif voyait le jour, le Tunisie et la Libye ne seraient plus de « simples » postes frontières avancés de l’espace Schengen, mais recueilleraient tous les migrants dont l’Europe – et en premier lieu l’Italie – ne veut pas.
Il semble donc qu’à Rome, un plan en cache un autre. Derrière le « généreux » plan Mattei, où il est question de rapports équitables sans aucune prédation, on trouve un autre dispositif, purement sécuritaire. « Allons en Libye et en Tunisie, développons des projets, contrôlons leur exécution et coordonnons, comme à Caivano, les interventions afin que leur fréquence donne une impression de continuité », assure une Meloni qui avance sans casque de protection sur un chantier qu’elle entame de manière unilatérale avec deux de ses partenaires de la rive sud.
En a-t-elle seulement avisé les autorités tunisiennes et libyennes avant d’évoquer son nouveau plan ? Tente-t-elle, par cette première sortie fortement médiatisée, un forcing pour s’assurer d’obtenir un accord de ces deux pays ? Tout juste sait-on que de nombreux échanges ont eu lieu entre le ministre de l’Intérieur italien, Matteo Piantedosi, et Kamel Feki, son homologue tunisien. L’initiative semble en tout cas démontrer que la dirigeante italienne ne pense pas pouvoir compter sur les accords passés entre la Tunisie et l’Union européenne, en juillet 2023, et auxquels elle a pourtant personnellement veillé, s’agissant notamment du volet de contrôle des traversées de clandestins.
Lors de son allocution en Conseil des ministres, elle a toutefois fait le point sur les effets de ces accords : les chiffres font état d’un net recul des arrivées de migrants irréguliers depuis la Tunisie mais, en revanche, d’une reprise depuis les côtes libyennes. Finalement, la patronne de Fratelli d’Italia ne fait rien d’autre que ce qu’elle fait depuis son arrivée au pouvoir en septembre 2022 : mettre l’accent sur le phénomène migratoire et promettre qu’elle va y mettre un terme.
Cette fois, elle prédit un déferlement de réfugiés voulant échapper aux problèmes qui frappent le Soudan ou le Niger. Et continue à essayer de convaincre Italiens et Européens que, décidément, l’ambition la mieux partagée par les africains serait celle de migrer.
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