Aux Comores, des migrants suspendus à la fin du droit du sol à Mayotte

La France a annoncé une mesure controversée visant à supprimer le droit du sol sur l’île de Mayotte afin d’endiguer l’afflux de migrants en provenance des Comores voisines.

À Mamoudzou, sur l’île de Mayotte, dans l’océan français, le 16 février 2024. © JULIEN DE ROSA / AFP

À Mamoudzou, sur l’île de Mayotte, dans l’océan français, le 16 février 2024. © JULIEN DE ROSA / AFP

Publié le 19 février 2024 Lecture : 2 minutes.

Pour des milliers de migrants africains tentant de rejoindre clandestinement le département français de Mayotte, le village de Kangani, au bout des terres comoriennes, est la dernière étape. Mais ces temps-ci, les barques restent à quai : la France a annoncé un nouveau tour de vis contre l’immigration illégale.

Perché sur les montagnes de l’île comorienne d’Anjouan, Kangani est à seulement un bras de mer et quelque 70 km du 101e département français. L’île, avec ses écoles et ses hôpitaux, fait figure d’eldorado pour de nombreux Comoriens, même si le territoire est le plus pauvre de France. Mayotte, dans l’océan Indien, compte 310 000 habitants, selon des chiffres officiels probablement largement sous-estimés, dont 48% d’immigrés comoriens et d’autres pays d’Afrique.

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Suppression du droit du sol

Familles en quête d’une vie meilleure, mais aussi cigarettes et bétail sont habituellement chargés plusieurs fois par jour sur des barques en bois traditionnellement utilisées pour la pêche et appelées « kwassa-kwassas ». Toute l’économie du village tourne autour de ces traversées hasardeuses et les échanges se font par liasses de billets en euros.

Mais depuis plusieurs semaines, des habitants en colère contre l’insécurité et l’immigration illégale y érigent des barrages, et Paris a récemment annoncé une mesure controversée visant à supprimer le droit du sol sur l’île pour endiguer l’afflux de migrants. Depuis, les rues sinueuses de Kangani sont tombées dans un calme tendu. « Les barrages nous affectent tous, il n’y a plus de départ de kwassa-kwassas en attendant un retour à la normale », peste Chadhuli Tafsir, jeune homme d’une trentaine d’années originaire de Kangani.

« Tous ces gosses viennent de Mayotte et attendent de retenter le passage », chuchote un habitant de ce bourg de quelque 6 000 âmes. Interceptés par les gardes-côtes ou renvoyés par la police française, de nombreux refoulés retentent la traversée sitôt de retour sur le sol comorien.

« Prendre la mer, c’est notre seule option »

Ousseni, petit homme sec âgé d’une cinquantaine d’années, ne donne que son prénom. Le « pêcheur-passeur » fait payer entre 400 et 500 euros par personne et par tentative pour rejoindre l’île d’en face. Une petite fortune dans l’archipel, où le salaire moyen mensuel équivaut à une centaine d’euros.

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Selon lui, la gronde à Mayotte et les débats autour du droit du sol lui « font perdre du temps et de l’argent ». Jusqu’ici, son plus gros problème était « les garde-côtes comoriens qui rackettent au moins 200 euros par traversée ». « La dernière fois, je transportais un malade, ils m’ont empêché de passer. J’ai dû revenir sur la terre ferme. Le malade est mort peu après », raconte-t-il sans trop d’état d’âme. Il pense avant tout à honorer ses commandes : « Des Mahorais sont dans l’attente de la livraison d’un bœuf pour un mariage. Il leur a coûté 10 000 euros, c’est beaucoup mais toujours moins que chez eux ».

Il faut parfois attendre plusieurs jours pour tenter la traversée sur une mer clémente. Les embarcations chavirent régulièrement et de nombreux migrants ont disparu en mer entre les Comores et la France. Sans doute des milliers, il n’y a pas de chiffre officiel. « Personne ne prendrait le risque d’aller à Mayotte mais nous n’avons pas le choix. Prendre la mer, c’est notre seule option », dit d’un ton résigné Jeansi, qui attend le prochain départ d’un bateau pour la France.

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(Avec AFP)

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