Ablassé Ouédraogo, ex-ministre devenu bidasse d’Ibrahim Traoré

Huit semaines après son interpellation par des « hommes armés encagoulés », une vidéo met en scène l’ancien présidentiable du parti « Le Faso Autrement » dans une posture militaire malaisante.

© Damien Glez

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Publié le 19 février 2024 Lecture : 3 minutes.

Si la politique peut accélérer brutalement des carrières, c’est en général dans le sens qui conduit du monde militaire au monde civil. À la faveur d’un putsch, un homme d’armes peut être bombardé, en une nuit, ministre cravaté. Dans un Burkina Faso « anti-impérialiste » qui prône la rupture avec les régimes des trois dernières décennies, ceux qui prennent l’ascenseur du pouvoir croisent ceux qui chutent dans une hiérarchie qui conduit, cette fois, du boubou au treillis…

Ancien directeur général adjoint de l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et ex-ministre burkinabè des Affaires étrangères, Ablassé Ouédraogo est exposé, depuis dimanche, dans une tenue militaire dépareillée qui n’arbore aucun grade. La scène semble tirée d’un clip de l’ancien groupe congolais de pastiche militaire du Trio Dasufa

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Sur une vidéo qui jure avec le droit à l’image d’un réquisitionné en zone de guerre, le politicien se trouve en compagnie de deux autres personnes que des internautes reconnaissent comme Issiaka Ouedraogo, président du Conseil d’information et de suivi des actions gouvernementales, et le docteur Daouda Diallo, secrétaire général du collectif contre l’impunité et la stigmatisation des communautés. Les trois hommes avaient été arrêtés, à des dates différentes, après des propos critiques à l’égard du régime.

La mise en scène militarisée comme brimade

Kalashnikov à la main, l’ancien candidat aux présidentielles de 2015 et 2020 tente d’obéir maladroitement à des ordres donnés par un caméraman tout aussi amateur, jusqu’à ce que la « marionnette » du jour s’abstienne de se mettre à genoux, malgré une injonction. Peut-être par fronde. Peut-être par arthrose. Le militaire en herbe va sur ses 71 ans…

Virales, les images n’ont pas manqué d’enflammer les réseaux sociaux. Partisans contraints du verre à moitié plein, les proches de l’ancien ministre émettent un soupir de soulagement, après ces premières preuves de vie depuis le réveillon de Noël, et ceci même si la date de la vidéo n’est pas stipulée.

Ignorant, eux, le verdict du tribunal administratif ayant jugé illégales, début décembre, les réquisitions forcées de certaines personnalités, les aficionados du régime affirment que l’investiture d’Ibrahim Traoré par le Conseil constitutionnel en octobre 2022 et le décret portant mobilisation générale d’avril dernier rendent légal l’envoi au front des voix critiques…

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Certains internautes s’offusquent tout de même que les pourfendeurs de l’influence occidentale fassent si peu cas d’une valeur nationale fondamentale : le respect des anciens. Et certains de rappeler que l’ancien ministre est traditionnellement considéré comme un « papa » de l’actuel chef de l’État, de 35 ans son cadet.

Traître ou martyr ?

Ibrahim Traoré ? Hasard ou non du calendrier, ce même week-end où la scénarisation « militaire » d’Ablassé Ouédraogo essaimait sur les réseaux, le chef de la transition burkinabè lançait ne plus avoir « de sentiments pour les traîtres ». En octobre dernier, la figure de proue du parti Le Faso Autrement avait publié une lettre ouverte aux autorités coutumières et religieuses. Un texte en mode « poil à gratter »…

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Alors que les autres voix de la sphère politicienne s’autocensurent largement, la vidéo des trois réquisitionnés ne donne-t-elle pas une stature inédite à Ablassé Ouédraogo, lui qui ne dépassa pas 2% des suffrages aux présidentielles et qui fut moqué pour ses saillies à l’origine du néologisme « ablasseries » ? Destiné à le brimer, son « martyre » ne deviendra-t-il pas un capital, lors d’une prochaine élection ? Les partisans des mobilisations forcées rétorqueront qu’aller au front est davantage un honneur qu’une brimade. Ils esquisseront peut-être un sourire, en entendant l’évocation d’un scrutin renvoyé, pour l’heure, aux calendes révolutionnaires.

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