Football africain : nul n’est coach en son pays

Les sélectionneurs africains seraient-ils moins performants que leurs pairs occidentaux ? Pas si sûr, au regard du succès des Éléphants de Côte d’Ivoire, sous la direction d’Emerse Faé. Encore faut-il les former.

Emerse Faé, entraîneur de la Côte d’Ivoire, célèbre la victoire de son équipe sur le Nigeria lors de la finale de la Coupe d’Afrique des nations, au stade Alassane-Ouattara, à Abidjan, le 11 février 2024. © PA Photos/ABACA

Emerse Faé, entraîneur de la Côte d’Ivoire, célèbre la victoire de son équipe sur le Nigeria lors de la finale de la Coupe d’Afrique des nations, au stade Alassane-Ouattara, à Abidjan, le 11 février 2024. © PA Photos/ABACA

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  • Francis Akindès

    Sociologue, professeur à l’Université Alassane-Ouattara, à Bouaké (Côte d’Ivoire)

Publié le 24 février 2024 Lecture : 3 minutes.

Les Éléphants de Côte d’Ivoire ont été sacrés champions d’Afrique dans des conditions que nul n’ignore. En revanche, personne ne saura jamais si c’est leur humiliant 0-4 face à la  Guinée équatoriale ou le lynchage qu’ils ont subi, en même temps que la Fédération ivoirienne de football, de la part des médias et des supporters, qui a pesé le plus dans la décision du sélectionneur, Jean-Louis Gasset, de présenter sa démission en pleine CAN.

De Jean-Louis Gasset à Emerse Faé

Immédiatement, Hervé Renard, coach de l’équipe de France féminine et entraîneur des Éléphants de 2014 à 2015, a été sollicité pour le remplacer, mais n’a pas été « libéré ». Emerse Faé n’aura donc été qu’un plan B, dicté par l’impossibilité de trouver un entraîneur occidental de substitution. Dans une Afrique gagnée par le souverainisme, le recours systématique à des entraîneurs étrangers – dont certains doutent de la valeur ajoutée – interpelle.

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Si notre faible pour ces sélectionneurs européens tient à un complexe évident, il s’explique aussi par le fait que nous n’avons pas résolu l’épineuse question de la formation des coachs, un des chaînons manquants dans la structuration du football africain. Dans certains pays, priorité ne serait pas donnée aux coachs nationaux afin d’éviter que les problèmes sociopolitiques n’interfèrent dans les affaires sportives, et afin d’éloigner tout soupçon de favoritisme dans la gestion des équipes.

Si le risque d’interférence semble de plus en plus maîtrisé, subsiste le problème, systémique, de la formation des coachs. L’Afrique n’est toujours pas persuadée de l’importance de cette formation dans le sport de compétition, toutes disciplines confondues. Ainsi, le nombre de coachs formés et détenteurs d’une licence y demeure très faible. La popularité du football a beau se renforcer, on ne perçoit pas pour autant l’intérêt d’une formation au coaching. Les fédérations nationales attendent que la Fifa ou la CAF la prennent en charge.

Foot et colonialisme

Dans ces conditions, comment s’étonner que les coachs européens, formés et plus nombreux, aient le vent en poupe sur le marché mondial des sélectionneurs ? En l’absence de sélectionneurs africains formés – et bien que quelques pays plaident pour la nationalisation de cette fonction sportive –, on a le réflexe de recourir aux Européens pour parer au plus pressé. Et les atavismes du colonialisme ne sont jamais loin.

Dans l’inconscient de nombre de dirigeants de fédérations nationales de football, subsiste la croyance en une supériorité du coach européen, qui serait plus compétent et plus rigoureux que son alter ego africain. Un tel présupposé justifierait les inégalités de rémunération. On propose en effet rarement le même salaire aux sélectionneurs africains et à leurs homologues européens. Et on passera sous silence le coût financier qu’impose un processus de recrutement de coachs extérieur au continent, entre voyages à grands frais et autres per diem.

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Le football africain doit relever un défi : s’inscrire dans le long terme et miser sur la consolidation de ses bases plutôt que sur l’obtention hasardeuse de résultats ponctuels et de succès éphémères.

Un tel choix suppose un changement complet de mentalité. Il suppose, aussi, que soient mis en place des dispositifs de formation ayant un impact positif et pérenne sur la chaîne des valeurs, que la formation fasse l’objet d’investissements structurants et que l’on fasse enfin confiance aux coachs africains disponibles, afin que l’écosystème local donne la pleine mesure de ses potentialités. Ne pas investir dans les coachs locaux et dans la formation continue, c’est choisir de ne pas développer un savoir local, et risquer d’en faire pâtir durablement le football africain.

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