José Lopez et Nandu Nandkishore : « Nestlé s’adapte aux consommateurs africains »
Le groupe Nestlé, qui a investi quelque 900 millions d’euros en Afrique depuis cinq ans, compte y doubler son chiffre d’affaires d’ici à 2020.
Géant mondial de l’agroalimentaire, Nestlé possède une trentaine d’usines en Afrique, mais le continent ne représente que 3 % de son chiffre d’affaires (soit 2,3 milliards d’euros en 2012). Il veut donc y doubler son activité d’ici à 2020. Le groupe estime y avoir investi 1,2 milliard de dollars (environ 900 millions d’euros) au cours des cinq dernières années. En trois ans, il a ouvert de nouveaux sites en Afrique du Sud, en Algérie, en Angola, au Congo et au Nigeria. Présents à Kinshasa fin septembre, à l’occasion du premier anniversaire de l’inauguration de l’usine de Kingabwa, José Lopez, le numéro trois du groupe, et Nandu Nandkishore, directeur régional, ont répondu aux questions de Jeune Afrique.
Jeune afrique : Votre usine en RD Congo a 1 an. Quelles sont vos ambitions dans ce pays ?
José Lopez : Nous avons engagé des moyens [12,4 millions d’euros] pour y accroître notre activité, car nous pressentons un potentiel important. Alors que la part de marché des cubes Maggi se situe à 50 % au Congo-Brazzaville, elle n’est que de 25 % environ en RD Congo.
Nestlé a une expérience de plus de cent ans en Afrique
Mais nous voyons bien au-delà de ce pays. Nous sommes en pleine tournée africaine ; nous étions en Angola et nous partons ensuite au Zimbabwe, puis au Kenya. Notre objectif : examiner l’implication de Nestlé auprès des fournisseurs, des distributeurs et, bien évidemment, des consommateurs.
La présence de Nestlé en Afrique est ancienne, mais vous n’y réalisez que 3 % de votre chiffre d’affaires. Comment l’expliquez-vous ?
Nandu Nandkishore : En effet, nous avons une expérience de plus de cent ans sur le continent. Nous voulons aujourd’hui y intensifier notre présence, car l’Afrique représente 16 % de la population mondiale. Donc, pour que ces 3 % de chiffre d’affaires deviennent 16 %, nous voulons créer de la valeur, pour l’entreprise et pour les pays dans lesquels nous travaillons, et investir à long terme. Pour cela, il faut voir au-delà de la conjoncture économique, qui peut varier.
Quelle part de vos produits transformez-vous localement ?
J.L. : La transformation locale est un long processus. Nous mettons l’accent sur certaines denrées particulièrement importantes, comme en RD Congo l’huile de palme et le sucre. Mais la transformation implique un engagement, avec des fournisseurs agricoles mais aussi des fournisseurs de produits transformés. Cela implique de commencer à développer des normes de qualité et de mettre en place toute la chaîne locale, des producteurs aux acheteurs en passant par les techniciens, les auditeurs et les agronomes. Aujourd’hui, 70 % des produits que nous utilisons dans nos usines sont importés, et 30 % ont une provenance locale. Nous voulons porter cette part à 40 % d’ici à trois ans.
Cherchez-vous à maîtriser l’intégralité de la chaîne de production ?
J.L. : Nous ne pensons pas que cette intégration verticale soit une solution de long terme. Nous voulons que les pays où nous sommes présents bénéficient de notre activité. Nous ne possédons pas de plantations afin de donner une chance aux acteurs locaux de développer leur savoir-faire en devenant membres d’une chaîne de valeur.
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La concurrence émerge en Afrique avec des sociétés locales comme Tiger Brands ou d’autres géants comme Danone ou Kraft Foods. Comment comptez-vous vous démarquer ?
N.N. : Un environnement compétitif est bon pour l’industrie et pour les consommateurs. Pour y faire face, nous faisons beaucoup de recherches sur les consommateurs locaux. Par exemple, la variété de cube « pondu » que nous développons ici, en RD Congo, s’adapte parfaitement au plat du même nom. De plus, en Afrique subsaharienne, nous accordons une attention particulière à la valeur nutritive de nos produits (en fer, zinc ou vitamine A). En RD Congo, nous proposons un cube Maggi renforcé en sel iodé. Celui que nous vendons au Nigeria est non seulement iodé, mais aussi renforcé en fer. Nous avons calculé qu’une famille peut obtenir 15 % de ses besoins quotidiens en fer grâce à notre bouillon.
J.L. : Par ailleurs, nos employés vivent ici et sont eux-mêmes des consommateurs : ils comprennent le marché. Nous n’essayons pas de le comprendre à leur place. Nous sommes très impressionnés par la façon dont ils négocient avec les distributeurs et dont ils organisent le lancement des marques sur les marchés. Arriver avec un camion et organiser un concours de danse auquel tout le monde participe… Vous ne verrez pas ça à Vevey [siège de Nestlé, en Suisse] !
Prévoyez-vous d’ouvrir d’autres usines ?
J.L. : Nous avons en permanence des projets, mais nous sommes très attentifs à l’efficacité de nos opérations. En RD Congo, nous voulons en priorité aligner l’usine sur les normes du groupe en termes d’efficacité et de fiabilité. Il faut d’abord qu’une usine tourne à pleine capacité et que les capitaux investis soient rentabilisés. L’Afrique n’est pas un jeu d’échecs sur lequel nous avançons des pions. C’est l’efficacité des opérations locales qui détermine l’allocation de nos fonds.
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