Macky Sall annonce une loi d’amnistie en pleine crise institutionnelle
Le chef de l’État sénégalais ne s’est toujours pas prononcé sur une nouvelle date pour le scrutin présidentiel. L’opposition, dans sa quasi totalité, a refusé de participer au dialogue qui s’est ouvert ce 26 février.
Le 26 février, Macky Sall a annoncé un projet de loi d’amnistie des actes commis au cours des troubles traversés par son pays depuis trois ans, en pleine crise autour du report de la présidentielle.
Le chef de l’État sénégalais, qui donnait le coup d’envoi de deux jours de concertations pour tenter de trouver un accord sur une nouvelle date de présidentielle, ne s’est toujours pas prononcé sur la question, malgré de multiples pressions nationales et internationales pour organiser le scrutin le plus vite possible et créer les conditions de sortie d’une des pires crises qu’ait connues le Sénégal depuis des décennies.
Les chances que ces concertations aboutissent à « l’apaisement » voulu sont incertaines. Des protagonistes majeurs, dont 17 des 19 candidats retenus en janvier par le Conseil constitutionnel, les ont boycottées. Un large front politique et citoyen réclame que le président organise la présidentielle avant le 2 avril, date officielle de la fin de son second mandat.
Le collectif Aar Sunu Election (« Préservons notre élection »), qui milite contre le report du scrutin, appelle à une journée Villes mortes dans tout le pays et à une grève générale le 27 février.
Une amnistie comme « un piège »
La loi d’amnistie qu’il présentera le 28 février en conseil des ministres sera soumise à l’Assemblée précisément « dans un esprit de réconciliation nationale » pour surmonter les profondes divisions des dernières années, patentes avec l’actuel imbroglio électoral, a dit Macky Sall. Elle visera les faits survenus au cours de différents épisodes de troubles survenus depuis 2021, et encore récemment en février après l’annonce du report de la présidentielle.
Des centaines de personnes ont été arrêtées et poursuivies sous différents chefs depuis 2021. Parmi elles figurent des personnalités de premier plan, dont l’opposant Ousmane Sonko, au cœur de l’agitation, et son second Bassirou Diomaye Faye, candidat à la présidentielle.
Différents acteurs s’opposent à une loi d’amnistie : dans la majorité parce qu’elle pourrait effacer les actes graves de manifestants ; dans l’opposition par crainte qu’elle n’exonère des responsables gouvernementaux ou sécuritaires de la mort de nombreux manifestants. L’opposition redoutait comme un piège que cette amnistie fasse partie du « dialogue national » organisé lundi et mardi à Diamniadio, ville nouvelle à une trentaine de kilomètres de la capitale Dakar.
Macky Sall : « J’ai envie de partir »
Le président Macky Sall a dit souhaiter que les Sénégalais votent d’ici au début de la saison des pluies, qui commence en juin/juillet. Il a déjà dit douter de la faisabilité d’une élection avant le 2 avril. Il a redit son engagement à partir ce jour-là alors qu’une partie de l’opposition soupçonne un plan pour rester au pouvoir au-delà de ses deux mandats de 12 ans au total. « J’ai envie de partir », a-t-il même lâché sur un ton personnel en bouclant la première journée d’échanges.
Certains parmi les quelques centaines de responsables politiques, représentants de la société civile et autres dignitaires religieux qui participaient aux discussions ont ouvertement réclamé qu’il reste jusqu’à l’installation de son successeur, y compris au-delà du 2 avril. D’autres ont préconisé une présidence par intérim.
Le « dialogue national » livrera, a priori ce 27 février, des conclusions sur deux sujets : la date de la présidentielle et l’organisation de l’après-2 avril jusqu’à l’investiture de son successeur.
L’un des 17 candidats à boycotter les concertations, Cheikh Tidiane Dieye, a qualifié le « dialogue national » de « théâtre » que le chef de l’État « aurait pu organiser au Grand théâtre » de Dakar. Lui et un certain nombre de concurrents se sont rendus à la Cour constitutionnelle pour demander aux « Sages » de constater formellement le manquement du chef de l’État à son devoir d’organiser la présidentielle.
Le président a déclenché une onde de choc le 3 février en décrétant un report de dernière minute de l’élection. Il a invoqué les vives querelles auxquelles a donné lieu la validation des candidatures et sa crainte qu’un scrutin contesté ne provoque de nouveaux heurts. L’opposition a dénoncé un « coup d’État constitutionnel ». Des manifestations réprimées ont fait quatre morts et donné lieu à des dizaines d’interpellations.
Le Conseil constitutionnel a mis son veto au report. Il a constaté l’impossibilité de maintenir la présidentielle le 25 février et demandé aux autorités de l’organiser « dans les meilleurs délais ».
Du côté de la résistance au chef de l’État, certains s’inquiètent des conséquences d’une vacance de la présidence sans succession établie. D’autres l’accusent de jouer la montre, soit pour avantager son camp parce que les choses se présenteraient mal pour lui à la présidentielle, soit pour s’accrocher au pouvoir au-delà du 2 avril. Ils redoutent que le « dialogue » ne serve à réexaminer les candidatures. Le président Sall a indiqué avoir reçu les représentants de deux collectifs de candidats disqualifiés.
(Avec AFP)
La Matinale.
Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.
Consultez notre politique de gestion des données personnelles
Les plus lus – Politique
- Sexe, pouvoir et vidéos : de quoi l’affaire Baltasar est-elle le nom ?
- Législatives au Sénégal : Pastef donné vainqueur
- Au Bénin, arrestation de l’ancien directeur de la police
- L’Algérie doit-elle avoir peur de Marco Rubio, le nouveau secrétaire d’État améric...
- Mali : les soutiens de la junte ripostent après les propos incendiaires de Choguel...