Kadhafi dans le collimateur de la justice internationale
Selon Avocats sans frontières, le régime de Mouammar Kadhafi s’est rendu responsable de « crimes contre l’humanité et de crimes de guerre à grande échelle » depuis le début du soulèvement populaire en Libye. L’ONG a constitué un dossier à l’attention de la Cour pénale internationale. À elle ensuite d’envisager de poursuivre le dirigeant libyen.
L’ONG Avocats sans frontières (ASF), qui a enquêté auprès de victimes des forces du colonel Moummar Kadhafi, évoque des "crimes contre l’humanité et crimes de guerre à grande échelle" dont elle va informer la Cour pénale internationale.
Torture, exécutions sommaires, massacres, boucliers humains, utilisation de bombes à sous-munitions: les témoignages des violences infligées ces dernières semaines par le pouvoir libyen à la population sont multiples, estime l’avocat français Philippe Moriceau, vice-président d’ASF France.
A Benghazi et sa région, dans l’est de la Libye, les forces de Kadhafi avaient rapidement progressé mi-mars, jusqu’à entrer dans la ville de 700.000 habitants le 19 mars. Des dizaines de chars et des centaines de soldats loyalistes avaient tenu la cité 24 heures, avant d’être chassés par les bombardements aériens occidentaux et la contre-offensive rebelle.
Dans cet intervalle, "le mot d’ordre était viole, vole et tue", ont raconté les habitants au Français, qui résume: "meurtres systématiques, aveugles, d’hommes, femmes et enfants, viols par les soldats…" Me Moriceau évoque "des massacres, des maisons avec des dizaines de corps de civils retrouvés à l’intérieur" dans la campagne environnante. "On a des vidéos", précise-t-il.
Travail au long terme
Avec un collègue italien, il est venu dans le cadre d’un "projet d’ASF d’identification des victimes en Libye", pour ensuite "déposer un dossier les représentant auprès du procureur de la Cour pénale internationale" (CPI) Luis Moreno-Ocampo.
"Je ne sais pas" si la cour lancera ensuite une procédure contre le dirigeant libyen, mais "je crois en une volonté politique et de la justice internationale de poursuivre Mouammar Kadhafi", dit-il lors d’un entretien dans le fief rebelle de Benghazi. D’autres équipes d’ASF lui succéderont. Le travail "sera au long terme et de grande envergure" et prendra "plusieurs années", indique l’avocat. Qui se méfie de Kadhafi: "plus malin que beaucoup d’autres, il pourrait négocier" son départ "pour qu’il n’y ait pas de procès".
Le New York Times soutenait plus tôt cette semaine que le gouvernement américain avait lancé une recherche pour trouver un pays pouvant accueillir Mouammar Kadhafi sans avoir à le livrer à la CPI s’il était poursuivi par ce tribunal.
Quarante ans de traumatisme
Les témoignages recueillis jusqu’ici apportent "des éléments extrêmement précis" et montrent "des attaques systématiques, généralisées, à l’égard des populations civiles, à grande échelle", selon l’avocat: "on parle de milliers de victimes", mortes ou blessées, pour la seule région de Benghazi. Ici, les disparus se comptent aujourd’hui par centaines, selon M. Moriceau. "On en a retrouvé quelques dizaines vivants".
Au-delà du conflit actuel, l’avocat s’est aussi occupé de victimes plus anciennes de Kadhafi, au pouvoir depuis 1969, comme "des incarcérations arbitraires sur des dizaines d’années, sans jamais voir un juge", "des gens qui meurent en prison sans qu’on sache s’ils sont vivants ou morts".
Il parle d’une femme "qui apporte toujours de la nourriture à la prison de Benghazi" – en Libye, ce sont les familles qui doivent nourrir leurs proches emprisonnés – "alors qu’il n’y a plus aucun espoir que son mari, incarcéré dans les années 1980, soit vivant". "Epouvantable", résume l’avocat.
Globalement, les Libyens ont "vraiment un sentiment à la fois de libération et un traumatisme énorme, même ceux qui n’ont pas perdu de parent – c’est rare. Il y a un besoin de parler, reparler, redire, pour se convaincre soi-même et se libérer, caractéristique d’un traumatisme", explique l’avocat. Qui promet sombrement: "On va encore découvrir de nombreuses choses", car "la répression a été totalement aveugle".
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