La colère à Koudougou, berceau de la contestation contre le régime burkinabè
« Aucun crime de ce régime n’a été puni », accuse Francis Nikiema, leader étudiant à Koudougou, ville du Burkina Faso (centre-ouest) d’où sont parties en février les premières manifestations contre le pouvoir de Blaise Compaoré qui gouverne depuis 1987.
Tout a commencé le 22 février dans cette ville réputée frondeuse: à l’appel des sections régionales de l’Association nationale des étudiants burkinabè (Aneb) et de la Coordination des élèves et étudiants burkinabè (CEEB), des milliers de jeunes ont manifesté pour protester contre la mort dans des conditions controversées d’un élève, Justin Zongo.
"Les autorités ont brandi la thèse de la méningite" comme origine de son décès, "elles ont menti, il est mort des suites de tortures policières", déclare à l’AFP M. Nikiema, étudiant en licence d’histoire à l’Université de Koudougou, président régional de l’Aneb et de la CEEB.
La manifestation du 22 février a été réprimée par les forces de l’ordre qui "ont fait usage de gaz lacrymogènes et de balles réelles", affirme Kisito Dakio, responsable régional du Mouvement burkinabè des droits de l’homme et des peuples (MBDHP).
Le lendemain, nouvelle protestation avec d’autres jeunes et des commerçants lésés par les violences. Bilan de deux jours de contestation: six morts dans la ville et ses environs, 119 blessés recensés dans un seul centre hospitalier de Koudougou, ajoute M. Dakio qui ne se rappelle pas avoir vécu "des journées aussi chaudes".
Deux mots d’ordre : vérité et justice
Depuis, la colère gronde toujours. Plusieurs autres manifestations ont été organisées. Des lieux publics ou symbolisant le pouvoir ont été incendiés, des commerces saccagés.
"Ceux qui ont fait ça, ce n’étaient pas des enfants", lâche un membre de l’entourage de l’ex-Premier ministre Tertius Zongo dont la résidence a été brûlée dans sud de la ville. Les lourdes portes en fer sont à terre, à côté de pavés arrachés. Dans les bâtiments, tout est calciné. Murs noircis aussi aux sièges du parti présidentiel et du gouvernorat où traînent encore des carcasses de véhicules brûlés.
Francis Nikiema évoque ces violences, sans les attribuer clairement aux élèves et étudiants, et met en avant leurs revendications.
Parmi celles-ci, "vérité et justice: que les commanditaires et les auteurs des tortures de Justin Zongo soient identifiés, poursuivis et punis. Nous nous sommes engagés pour que ce soit la dernière fois qu’on nous tue sans que jamais personne ne soit inquiété au Burkina Faso", déclare Francis Nikiema, citant plusieurs noms de victimes d’exactions commises, selon lui, par les forces de l’ordre.
Koudougou est aussi la ville d’origine de Norbert Zongo, fondateur de l’hebdomadaire L’Indépendant, assassiné en décembre 1998 alors qu’il enquêtait sur une affaire de meurtre mettant en cause François Compaoré, frère cadet du président. Sa mort, non élucidée, a créé une crise sociopolitique sans précédent qui n’est pas éteinte.
Pour beaucoup, les récentes manifestations qui se sont étendues à toutes les composantes de la société jusqu’à la propre garde prétorienne du président Compaoré, ont toutes le même terreau: injustice sociale et cherté de la vie alors que près d’un Burkinabè sur deux ne gagne pas 1.000 FCFA (1,52 euro) par jour.
Miguano, 20 ans, dreadklocks naissantes et maillot de footballeur, a abandonné l’école et ses rêves, faute d’argent. Il vivote de petits travaux de maçonnerie à Koudougou. "Tout est devenu cher, tout le monde se "cherche" mais au Burkina maintenant, si tu n’as pas le bras long, tu restes pauvre", résume le jeune homme, tout en aidant un ami charretier à faire rentrer sa cargaison dans un magasin au marché central.
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