Stéphane Séjourné au Maroc : peut mieux faire ?
Très attendu sur la question du Sahara, le ministre français des Affaires étrangères s’est contenté, lors de sa venue à Rabat, de réitérer la position traditionnelle de Paris. En attendant – enfin ! – une visite du président Macron dans le royaume ?
Beaucoup de bruit pour rien ? C’est ce que laissent entendre nombre de commentaires, au lendemain de la visite éclair de Stéphane Séjourné à Rabat, les 25 et 26 février. Le chef de la diplomatie française a semblé compassé, plein de bonne volonté mais manquant de chaleur et de spontanéité. Le tout dans une ambiance tendue, un peu « soupe à la grimace », où, comme dans un mariage de raison, chacun veut y mettre du sien mais le cœur n’y est pas, tant les blessures et les coups de canif dans le contrat ont été nombreux ces dernières années.
Les déclarations et les actes du ministre français des Affaires étrangères, venu à la rencontre de son homologue marocain, Nasser Bourita, ont été scrutés de près par l’ensemble des Marocains, qui ont semblé déçus de ne pas voir de changement notable dans la position de la France sur la question la plus chère à leur cœur : celle du Sahara.
Et il faut bien dire que sur ce sujet, le chef de la diplomatie française n’a pas dévié d’un iota de la ligne officielle défendue par l’Hexagone depuis 2007. Lors de la conférence de presse, en réponse à une question d’une journaliste de l’AFP, il s’est contenté de rappeler le soutien « clair et constant » de Paris au plan d’autonomie marocain, ainsi qu’au mécanisme des tables rondes prôné par l’ONU pour la résolution du conflit autour de cette région. Quand tous auraient aimé entendre que ce plan du royaume est « la » solution. Ou, mieux encore du point de vue de Rabat, que le Sahara est marocain.
Par la voix du président français
« Après la reconnaissance de la marocanité de ce territoire par les États-Unis et Israël, il est vrai que l’attente des Marocains par rapport à la France sur cette question du Sahara est très forte. D’autant plus forte que les liens du Maroc avec l’Hexagone sont autrement plus intriqués, avec une profondeur historique plus importante », estime un politologue. Qui reste néanmoins optimiste sur la suite des événements et précise : « L’usage en matière de diplomatie veut que ce genre de déclaration ne se fasse pas à l’échelle des ministres, mais au niveau des chefs d’État. De surcroît pour un pays comme la France, qui est un des cinq membres permanents du Conseil de sécurité, et qui se doit donc de respecter des procédures internationales. »
Une position plus avancée de Paris sur le Sahara n’est pas à exclure et peut tout à fait survenir dans les semaines ou mois qui viennent, mais son officialisation se fera a priori par la voix du président français. En amont ou lors de la fameuse visite d’État qu’il doit effectuer au Maroc, et qui n’a cessé d’être ajournée depuis sa première élection, en 2017.
« La France a parfaitement conscience des conditions de la réconciliation avec le royaume, et a émis ces dernières semaines plusieurs signaux faibles témoignant de sa bonne volonté », rappelle un ancien ambassadeur marocain, qui souligne que le choix du Maroc pour le premier déplacement officiel de Stéphane Séjourné au Maghreb et en Afrique est hautement symbolique. Un voyage qui traduit la détermination de Paris à approfondir « le lien exceptionnel » entre le Maroc et la France, comme l’a affirmé le patron du Quai d’Orsay lors du point presse qu’il a tenu à Rabat avec Nasser Bourita.
« Reconnaissance tacite de la souveraineté du Maroc »
Une démarche qu’il veut inscrire dans des actions concrètes. C’est ainsi qu’après avoir évoqué les nombreux investissements du royaume au Sahara dans des projets de développement au bénéfice des populations locales et en matière de formation, d’énergies renouvelables, de tourisme, ou encore d’économie bleue – liée aux ressources aquatiques –, le chef de la diplomatie française a fait remarquer que « la France accompagnera le développement [de cette région] en appui aux efforts du Maroc dans les différents domaines ». Au passage, il a fait observer qu’il existe deux écoles françaises à Dakhla et Laâyoune, et qu’un centre culturel français itinérant a été déployé à Laâyoune, Boujdour et Dakhla.
« L’affirmation de l’existence d’établissements français et d’actions culturelles dans les grandes villes du Sahara, et la mise en avant d’investissements économiques, actuels et à venir, est une forme de reconnaissance tacite de la souveraineté du Maroc sur ces territoires », pointe l’ancien diplomate marocain.
En attendant une visite d’État d’Emmanuel Macron au Maroc – sujet qui n’a pas été abordé en public, mais qui a pu être évoqué lors de la séance de travail en tête à tête des deux chefs de la diplomatie, ou lors de la réunion élargie entre les délégations marocaine et française –, les visites ministérielles vont reprendre normalement entre les deux pays pour nourrir une feuille de route à la fois économique et culturelle, avec la venue dans les prochaines semaines des deux ministres concernés, Bruno Le Maire et Rachida Dati. Et une invitation à venir à Paris lancée par Stéphane Séjourné à Nasser Bourita.
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