Fimo, un festival de mode made in Togo

Fimo 228, le Festival international de la mode au Togo, vient d’achever sa onzième édition. Plongée dans les coulisses de cette fashion week d’Afrique, portée par le jeune créateur Jacques Logoh.

Jacques Logoh au Fimo 228, lors de sa 11e édition, à Lomé, le 25 février 2024. © Matthieu Abalo/FIMO

Jacques Logoh au Fimo 228, lors de sa 11e édition, à Lomé, le 25 février 2024. © Matthieu Abalo/FIMO

Publié le 1 mars 2024 Lecture : 4 minutes.

Des diversités de styles, de couleurs, de tissus, de formes : pour sa onzième édition, le Fimo, Festival international de la mode au Togo, a une nouvelle fois marqué les yeux et les esprits.

Cette année, le festival a laissé une place de choix aux jeunes stylistes togolais et internationaux, lors des défilés du jeudi 22 février à l’Institut français et du vendredi 23 à l’hôtel Onomo de Lomé. Puis il s’est achevé le samedi 24 février par l’habituel grand défilé international de mode, dans le même hôtel.

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45 stylistes, 20 pays, 3 000 visiteurs

En tout, 45 stylistes sont venus d’environ 20 pays, dont l’Allemagne, la France (avec la Guadeloupe), l’Éthiopie, ou encore le Nigeria, la Côte d’Ivoire, et bien sûr, le Togo. Ils ont déployé leurs créations sur 75 mannequins devant environ 3 000 personnes au total, selon les chiffres de l’organisation du festival.

Minuit est passé ce samedi : la fashion week togolaise est terminée. Le public sort sur le tapis rouge prévu pour le festival. Journalistes et caméramans se ruent alors vers un homme : Jacques Logoh, le créateur et organisateur du Fimo.

Jacques Logoh, styliste et ancien mannequin

Le Fimo dispose pourtant d’une quinzaine de partenaires réguliers. © Matthieu Abalo/Fimo

Le Fimo dispose pourtant d’une quinzaine de partenaires réguliers. © Matthieu Abalo/Fimo

Styliste et ancien mannequin, à 35 ans seulement, Jacques Logoh ne cesse de se battre chaque année pour faire vivre et grandir ce festival. « Ce qui me fait garder la foi, c’est ma passion, mon métier. Et il y a beaucoup de monde qui croit en ce festival », confie-t-il.

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Pour cette onzième édition, Jacques Logoh accepte de détailler l’origine du festival, son organisation et son avenir. C’est en février 2013, à l’âge de 24 ans, alors qu’il est encore mannequin, qu’il organise la première édition de ce qu’il appelle alors le Mode 228. Deux ans auparavant, en 2011, le jeune passionné de haute couture avait déjà créé son agence de modèles, Challenge Model Agency, et souhaitait offrir un podium à ses mannequins. Plusieurs festivals avaient lieu à l’époque au Togo, comme Bimode, Elima, Kakati mode, mais ils n’ont pas perduré. D’autres événements de mode existent encore au Togo, sans jamais avoir atteint l’ampleur du Fimo.

Prévention et environnement

En 2016, trois ans après sa création, le festival devient international et prend le nom de Fimo. S’ajoutent alors aux défilés des masterclasses et des œuvres sociales, comme des sensibilisations au VIH (via l’ONU-sida), ou encore au paludisme et à l’environnement. « Comme nous sommes conscients que la mode est polluante, nous avons voulu insister, lors de plusieurs éditions, sur les matériaux et tissus de récupération », explique Logoh.

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Quand on lui demande pourquoi son festival perdure, ce dernier répond qu’il s’est imposé une « détermination » et une « rigueur », qui concrétisent une « passion de la mode » chevillée au corps. En 2018, l’ancien mannequin devient même styliste et lance sa marque, Jacques Logoh couture. Il a des boutiques à Lomé et Paris, et espère en ouvrir une bientôt à Washington.

120 millions de francs CFA

Sans filtres, Jacques Logoh se confie sur les coulisses financières du Fimo. « Le budget idéal devrait s’élever à 120 millions de francs CFA, mais nous arrivons à peine à atteindre la moitié chaque année. Toute la logistique coûte cher ! » déplore l’organisateur du festival.

L’idéal pour faire évoluer le Fimo serait que le gouvernement togolais arrive à prendre en charge la moitié du budget.

Jacques Logoh

Le Fimo dispose pourtant d’une quinzaine de partenaires réguliers, mais seulement une poignée d’entre eux financent le festival, à l’instar de l’entreprise de téléphonie Togocom, de la firme textile Vlisco, de la banque Boa, ou plus récemment de l’Institut français – sans oublier l’agence de mannequins et les boutiques de Jacques Logoh lui-même

Air France donne des billets gratuits, Asky les détaxe, Europcar met à disposition des voitures. Côté communication, plusieurs grands médias internationaux sont partenaires et l’entreprise Platine communication lui donne accès à des panneaux publicitaires. Enfin, le Fimo est associé à plusieurs hôtels, qui offrent des chambres pour héberger les invités. Quelques mécènes aident aussi à l’organisation.

Partenaires privés et publics

Le créateur aimerait plus d’implication de l’État du Togo dans le Fimo : « L’année passée, le gouvernement m’a aidé avec une enveloppe, mais, pour le moment, rien pour cette 11e édition. L’idéal pour faire évoluer le Fimo serait que le gouvernement arrive à prendre en charge la moitié restante du budget. Chaque année, mon équipe d’une dizaine de personnes et moi devons nous battre pour trouver un maximum de partenaires. C’est un travail à part entière. » Et d’ajouter : « Chaque année on s’endette, avec des dettes que nous payons toute l’année. Je les rembourse avec mes revenus qui viennent des ventes de mes créations. »

Jacques Logoh voit très loin pour le Fimo. « Mon ambition, c’est de conquérir le monde avec la mode africaine. Faire connaître ma marque au-delà du Togo et du continent ! » © Matthieu Abalo/Fimo

Jacques Logoh voit très loin pour le Fimo. « Mon ambition, c’est de conquérir le monde avec la mode africaine. Faire connaître ma marque au-delà du Togo et du continent ! » © Matthieu Abalo/Fimo

Malgré ces difficultés, il soutient que la plupart des créateurs et des mannequins sont totalement pris en charge, y compris pour le cachet des mannequins, mais que de nombreux créateurs voyagent encore par leurs propres moyens.

« Conquérir le monde »

Cela n’empêche pas Jacques Logoh de voir très loin pour le Fimo. « Mon ambition, c’est de conquérir le monde avec la mode africaine. Faire connaître ma marque au-delà du Togo et au-delà du continent !” Son rêve est peut-être déjà en passe de se concrétiser. En octobre 2023, il a organisé une édition du Fimo à la fashion week de Paris, avec une dizaine de créateurs africains. La deuxième édition aura lieu en septembre prochain. En parallèle, il a aussi monté la Lomé Men’s Fashion Week, qui a célébré en août dernier sa troisième édition. Jacques Logoh croit en l’avenir, d’autant que, selon lui, « de plus en plus, les grandes marques se tournent vers la mode africaine ».

Si certains pourraient y voir de la concurrence, il y voit, lui, une « émulation artistique » et n’accuse pas les grandes marques d’« appropriation culturelle » lorsqu’elles fabriquent des créations ayant un « style africain ». Le créateur ne craint pas les industries de la mode en place : « Ça n’a jamais été facile, mais on y arrivera. Et je pense que tout le monde peut faire exister sa marque ! » L’année prochaine, Logoh espère faire venir au Fimo un créateur français de renom. Mais pour l’instant, il préfère garder son identité secrète.

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